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abécédaire pour penser autrement : Télétravail
Qui aurait deviné il y a juste quelques temps, une telle récurrence de ce mot autant qu’en cette période de confinement. Télétravail, voici une notion que j’associais jusque-là, soit à un domaine d’activité exclusivement technique (en relation avec Télé), où les travailleurs sont connectés à des plateformes numériques ultrasophistiquées ou encore aux sociétés nordiques où l’organisation et la culture du travail sont bien plus développées et où la relation de l’individu avec son travail est différente.
Et pourtant à l’annonce du confinement général et de l’état d’urgence sanitaire, j’ai vu, comme la grande majorité d’entre nous, mon espace de travail habituel (bureau) migrer vers un espace que j’ai dû improviser rapidement dans mon salon. Du jour au lendemain, tout mon monde professionnel aussi vaste et diversifié, s’est rétréci d’un coup pour se limiter à un écran (ordinateur et téléphone portable). J’effectue tout à travers un écran, mon travail personnel, le suivi de celui de l’équipe, les réunions internes et externes, les meetings et séminaires, les contacts professionnels et même de grands évènements sensés se dérouler en présentiel. A cela s’ajoute, le suivi sur le même écran du cahier de texte de mon enfant et des échanges avec son école, le suivi des dépenses de la maison, des opérations sur mon compte bancaire et les échanges avec ma banque, l’agenda des webinaires et autres séminaires gratuits qui ont pullulé en cette période. Et toujours devant le même écran, une séance de revue de presse pour suivre l’actualité et un survol des recettes de cuisine faciles et possibles selon les ingrédients que j’ai préalablement déposés sur l’évier… C’est ainsi que ma routine quotidienne que j’appelais avant « tramway/voiture-boulot-dodo » a mué vers une nouvelle que j’appelle désormais « couloir-poste de travail (PC)-cuisine-dodo ».
Aujourd’hui, après presque trois mois de télétravail exclusif depuis la maison, je peux me prononcer sur ce mode de travail qui me fait tant rêver, étant une partisane de l’isolement et de la séparation des espaces de travail pour une concentration optimale et un meilleur rendement. Après presque trois mois d’interminables allers retours entre plusieurs mondes à la fois et une alternance en continu de casquettes dans un espace limité jusqu’à me les emmêler parfois, je l’avoue, je dis d’emblée que le télétravail exclusif génère une forme de stress pour maintenir ses repères spatiotemporels. De plus, en l’absence d’une forte capacité à compartimenter hermétiquement ses horaires et ses espaces ou domaines de vie, le télétravail exclusif fait naître un sentiment de culpabilité envers l’un ou l’autre domaine.
Afin de pouvoir l’apprécier à sa juste valeur, le télétravail doit être sorti de ce contexte lié au confinement. Gain de temps et d’énergie (moins de déplacements), gain d’argent (frais de restauration à l’extérieur) et surtout gain en qualité de vie, voilà ce que je cite comme premiers avantages du télétravail. A ces gains purement matériels, s’ajoute les impacts positifs sur le travailleur lui-même qui se sent maitre de son emploi du temps et de sa manière de gérer ses dossiers et ses priorités. Toutefois, en télétravail nous ne sommes pas égaux ; les conditions et le cadre personnels de chacun étant déterminants dans ce sens, de même que d’autres compétences inhérentes à la personne elle-même. Opter pour le télétravail exclusif fait exposer à une surcharge cognitive des personnes et à la dilution des liens entre les collègues. A ce propos, le neuropsychiatre français Boris Cyrulnic a diffusé récemment plusieurs mises en garde quant à une adoption généralisée et précipitée du télétravail en rappelant que « Les relations humaines, les liens interpersonnels et sociaux, qu'on peut résumer à la familiarité, ont une vertu cardinale : ils apaisent les angoisses… c'est d'ailleurs parce que l'exercice de leur métier est riche de cette familiarité́ que les artisans, pourtant exposés en permanence à d'importantes difficultés, souffrent relativement peu de burnout ».
Alors avec cette expérience, je dis un grand oui pour le télétravail partiel, avec des jours et horaires précis et j’encouragerai vivement à cet effet, une reconsidération de notre perception des notions de présentéisme, productivité, cadre de travail … Il s’agira de redéfinir notre relation avec le travail de façon général en vue d’une approche gagnant-gagnant pour les deux parties.
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Imane Benzarouel
Chargée de Missions Senior, Responsable des programmes et des partenariats puis...
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