
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Mot couperet. « C’est inégal », dit-on d’un collectif où il y a, pour le dire familièrement, à boire et à manger. Ça manque de constance, de régularité, ce n’est pas uni. Cela n’obéit pas à la règle, au canon classique, image de la perfection. D’un point de vue esthétique, on n’est pas dans les irrégularités flamboyantes du baroque. Non, « inégal », ça fait juste tâche. On tourne la page. Mais au-delà du jugement péjoratif, s’interroge-t-on sur ce qui fait de cet ensemble un tout ?
Mot relatif. Défini à partir de son contraire. L’inégalité, nous rappelle le dictionnaire Larousse, est une expression mathématique « qui traduit l’écart entre le mouvement observé d’un corps céleste et un mouvement idéal, circulaire et uniforme de ce corps autour d’un corps central ». Peut-on penser l’inégalité que dans l’écart à la norme, qui serait l’égalité, renvoyée, elle, à l’idéal ? L’inégalité se charge alors de la densité du fait, du réel, tandis que l’égalité demeure abstraite. Voire irréalisable. La France a inscrit l’égalité dans sa devise mais ne cesse de la piétiner. Et que dire de notre société de castes, malgré le préambule de notre constitution qui prône l’égalité des chances ? Malgré la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui clame en vain que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » ?
Mot le plus souvent pluriel. Au singulier du concept d’égalité fait écho la multiplicité de ses possibles violations : discriminations, exclusions, fermetures, rejets, violences d’une approche néolibérale de l’économie s’imposant comme une camisole à des vies renvoyées à la marginalité.
Mot réel. Concret, d’autant plus aujourd’hui, en confinement, les chiffres de la violence au sein des foyers, la précarité des travailleurs de l’informel privés de ressources, le gouffre entre ceux pour qui la « continuité pédagogique » se fait sans heurts et ceux pour qui elle ne se fait pas.
Mot jamais seul. Les inégalités posent la question de l’injustice, de l’absence de démocratie réelle, qui elle exige l’égalité, dans ses applications concrètes : redistribution, solidarité, protection des plus faibles, respects des singularités, équilibre, équité, réciprocité, pensée du collectif, État providence…
Mot qui clame l’urgence d’une réparation. Qui invite l’égalité à sortir du seul champ du droit pour se réaliser politiquement, socialement.
Un mot pour se remonter les manches.
Pour aller plus loin :
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques Rousseau
La société des égaux, Pierre Rosanvallon, Seuil, 2011
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Kenza Sefrioui est docteur en littérature comparée, de l'Université Paris IV-...
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