Abécédaire pour penser autrement: Anthropocène

Médiatisé en 2000 par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie, l’Anthropocène – l’Age de l’Homme – est la proposition scientifique selon laquelle, après l’Holocène (fin des glaciations et développement de l’agriculture et de l’élevage) la planète serait entrée dans une nouvelle ère géologique (datée de 1600 pour certains experts) marquée par l’emprise croissante de l’homme sur la terre, perturbant les grands cycles biogéochimiques : du dysfonctionnement du cycle de l’azote à l’extinction de la bio-diversité. Et aujourd’hui… Comment ne pas faire le lien entre la destruction de l’habitat des chauves-souris et le patient zéro du virus Ebola en Afrique : un enfant jouant en Guinée, dans un arbre creux, refuge de chauves-souris infectées, un arbre tragiquement bien trop proche des zones d’habitations humaines du fait de la déforestation ? Ou ces chauves-souris des grottes de la région de Wuhan et leur chaîne de contamination : serpent, pangolin, civette puis marché de Wuhan et début du Covid-19 ? Avec l’Anthropocène, pour la première fois dans l’histoire de la planète, une époque géologique serait définie par la capacité d’action d’une espèce : l’espèce humaine. Ceci est notre nouveau grand récit: « L’histoire globale entre dans la nature ; la nature globale entre dans l’histoire : voilà de l’inédit en philosophie » écrivait déjà Michel Serres en 1990…En écho, l’historien Dipesh Chakrabarty ajoute : « les origines anthropogéniques du changement global signent la ruine de la distinction humaniste classique entre histoire naturelle et histoire humaine.» Face à notre responsabilité, nous sommes…Quel sera notre Contre-Récit ?

…Peut-être cette politique de l’attention ou spatial care défendue par des chercheurs tels que Michel Lussault. Ils nous invitent à repenser les manières de (co)-habiter l’espace… avec la Nature. Paradoxalement, l’enfermement offre cette ouverture…Le confinement nous donne le temps (et le devoir) de contribuer à esquisser ce contre-récit…

 

Paul J. Crutzen, (2002).  « Geology of mankind », Nature, 415 (6867), 2002, p. 23-23.

Michel Serres (1990). Le contrat naturel. François Bourin, París.

Michel Lussault (2018). Chapitre 12. Porter attention aux espaces de vie anthropocènes: Vers une théorie du spatial care. Dans : Rémi Beau éd., Penser l’Anthropocène (pp. 199-218). Paris: Presses de Sciences Po.

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