Le livre revient par la fenêtre

Jamais il n’y a eu autant d’engouement affiché et partagé au Maroc pour la lecture et les livres. Depuis que les passions s’exposent et se refilent sur les réseaux sociaux virtuels, il y a comme un retour inespéré de réseaux réels pour redonner envie de lire. Salons littéraires, rencontres informelles chez des particuliers, création de réseaux de lecteurs dans les villes, investissement des espaces et transports publics, tout converge pour annoncer un retour en grâce du livre, non comme un objet précieux, intouchable et vénéré, mais comme un bien commun, que l’on refile allègrement aux autres, tel un bienfait viral.

Comment expliquer ce phénomène dans un pays où on ne cesse de claironner qu’il y a très peu de lecteurs ? Trois types de réponse peuvent être apportés. La première est que, peut-être, ce ne sont pas les lecteurs qui manquent mais les livres qui méritent lecture. Je veux parler là d’essais ou de récits captivants mais qui apportent du sens à des lecteurs en mal de repères. Les exemples abondent de titres qui sont fortement demandés et qui explosent les plafonds de verre que l’on croit limiter le seuil de lecteurs.

La deuxième explication a trait à la floraison d’espaces virtuels qui font la promotion du livre et qui se transforment en réseaux réels éclatés. Je prends pour exemple la page Face-bouquins, qui connaît un grand engouement sur la toile marocaine. Cela prouve que, contrairement à l’idée reçue, selon laquelle le virtuel éloigne de l’écrit, il le favorise. D’abord, parce que, contrairement à la société de spectacle, la société d’information n’est pas basée sur la consommation du bien culturel mais sur l’interaction permanente à son propos. Ensuite, parce que l’accélération et la fluidité du temps cybernétique crée des besoins de pause, qui se traduisent par un besoin d’art, de lecture et de déconnexion.

La dernière explication, qui me semble plausible, est en rapport avec le décloisonnement des genres, des générations et des désirs. Le dernier livre collectif, dirigé par Nouzha Guessous, intitulé Pourquoi je suis sur Facebook ?, montre à quel point le besoin de raconter son parcours, sa vie, ses passions, de la part d’une jeune étudiante ou d’un professeur reconnu, se rejoignent est sont accentués par la surexposition des vies dans le virtuel. Comme si la trop grande apparence du visible appelait à une découverte de l’invisible, du mystérieux et de l’essentiel. Tout cela, et bien d’autres raisons, à explorer, nous vaut ce retour du livre, par toutes les fenêtres qui s’ouvrent, comme objet profane et produit viral.

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