Quel gouvernement pour la nouvelle ère ?

Quel gouvernement pour la nouvelle ère ?

Auteur : McKinsey

Si McKinsey a réussi à s’imposer comme le géant mondial du conseil stratégique, c’est en tirant profit de son implantation, à travers 82 pays et de ses relations privilégiées avec leurs dirigeants. Pour autant, son modèle économique ultra libéral n’a pas eu que des succès. Les scandales liés à l’affaire Eron et la faillite de Swiss air, Kmart et Global Crossing ont entachés sa réputation.

C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles  le fameux cabinet propose de  se mettre à la recherche d’une approche novatrice de la gestion de la chose publique, en vue de doter les gouvernements de la capacité de mieux appréhender, anticiper et réagir aux forces qui induisent le changement.

 

MCG, UN NOUVEL OUTIL AU SERVICE D’UNE NOUVELLE APPROCHE

Cette « réorientation » se révèle chez Mckinsey par la création d’un nouvel instrument : le Mckinsey Center for Government (MCG), qui vise à explorer les meilleures approches adoptées, de par le monde, pour la résolution de problèmes communs.  Ce centre est désormais actif  depuis  l’ouverture d’un portail et la publication d’un ouvrage ayant le même intitulé.

Le Centre de McKinsey pour le gouvernement (MCG) se présente comme  une nouvelle plate-forme mondiale pour la recherche, la collaboration et l'innovation dans la performance du gouvernement. S'appuyant sur un réseau d'experts externes et des praticiens de McKinsey, MCG espère proposer aux gouvernements des connaissances à nouvelles et éprouvées ainsi que des outils pour faire face aux défis cruciaux de notre temps.

 

COMMENT TRANSFORMER LE GOUVERNEMENT ?

La réflexion globale du cabinet McKinsey se base sur plusieurs éléments, en premier la réalité des changements qui se déroulent au 21ème siècle affectant les aspects technologiques et économiques et où les gouvernements ont au moins le rôle d’accompagner sinon celui de guider et d’assurer une visibilité stratégique et une cohérence politique. Secundo, ces changements affectent l’emploi, les grilles de protection sociale, l’éducation, la formation, les sciences, l’information et …

Mckinsey constate aussi les changements  survenus sur les services de l’Etat par les nouvelles organisations  issues des NTIC et leurs effets sur les politiques urbaines et territoriales ainsi que la mobilité des individus et des marchandises. D’où de nouveaux besoins, de nouvelles compétences, voire de problématiques complètement nouvelles.

McKinsey  semble  désormais axer son approche sur le capital humain, comme élément essentiel à toute  stratégie gagnante. Les citoyens ont droit à un égal accès aux services et doivent davantage être impliqués dans la gestion de la chose publique.

Pour réfléchir sur le nouveau gouvernement du 21 ème siècle ; le cabinet a sollicité la contribution d’une pléiade de personnalités politiques, de la société civile, économistes, experts en politiques publiques, généralistes et spécialistes.

A travers la publication qui accompagne le lancement du centre, on se trouve dans le contexte tonifiant des réflexions les plus pertinentes en matière de gouvernement sur la quasi-totalité des questions les plus actuelles et importantes. Pour illustrer la primeur du travail de ce centre,  nous avons choisi de présenter ci-dessous la synthèse des  propos de deux contributeurs très significatifs dans ce dossier .

 

1 – Tony Blair*: Conduire le changement pour répondre aux exigences du 21e siècle. 

Capitalisant sur son expérience de premier ministre de la Grande Bretagne, Tony Blair nous expose sa vision d’un gouvernement innovant à partir des 5 leçons qu’il en a tirées : 

Au cœur de ce processus, figure la construction de nouvelles capacités institutionnelles et humaines, devant orchestrer les partenariats entre les secteurs public et privé et les ONG, et développer les outils requis pour une exécution efficiente.

  • La politique du 21ème siècle sera, de plus en plus, post-idéologique en dépit des clivages partisans, pour être davantage axée sur la construction d’un système capable de favoriser la croissance en créant des opportunités pour tous, une meilleure qualité de services de santé et de l'éducation et d’assurer la sécurité.
  • Impulser le changement systémique - par opposition à une réforme au coup par coup – est un élément essentiel à tout gouvernement moderne prêt à « remettre en cause l'acquis » pour suivre le rythme d’un monde en mutation rapide. 
  • Chaque problématique nécessite une analyse conceptuelle claire et rigoureuse, allant d’une orientation politique pour aboutir à une solution spécifique.
  • Une plus grande interaction entre les secteurs privé et public, devrait permettre d’envoyer pour quelque temps dans le privé, les meilleurs de la fonction publique, avant de réintégrer leur poste.
  • L'innovation doit circuler dans toutes les directions pour permettre à tous  les pays d’en apprendre les uns des autres.

 

2 - François-Daniel Migeon* : Comment transformer le gouvernement en France ?

C’est aux commandes de la Direction Générale de la Modernisation de l'État (DGME), lancée en 2007, que ce diplômé de Polytechnique, va conduire les programmes de réformes visant la transformation du gouvernement français, à la fois pour en améliorer l'efficacité et le rendre plus à l’écoute des citoyens.  Il est aussi celui qui a développé une nouvelle vision de gouvernement fondée sur la notion centrale de « l'agilité ».

 

La simplicité, facteur d’amélioration de la qualité

Les premières réformes engagées ont visé la suppression de 150.000 postes dans la fonction publique qui ont permis d’économiser 15 milliards €, sur la période 2009 à 2013, et dont la moitié sera consacrée à l’augmentation de salaires des effectifs restants.

L’amélioration de la qualité a été pensée sous le prisme de la simplicité, à partir d’un sondage ayant fait ressortir la complexité perçue des relations avec l’administration, tant pour les entreprises que les citoyens.

Les efforts déployés pour en réduire l’impact ont inspiré, à leur tour, la mise en place d’un baromètre de mesure de la qualité.  Pour mesurer la simplicité, on a pris en compte ce que l’on appelle « les évènements de la vie » tel le mariage pour les citoyens ou l’ouverture d’une succursale pour les entreprises.  

Une liste différenciée de 50 « événements de la vie » pour les citoyens et les entreprises, a permis d’établir les différents degrés de complexité pour en réduire sensiblement les effets.

 

L’écoute du citoyen, une nouvelle culture de changement

La mise en œuvre de ces réformes a eu un véritable impact sur les mécanismes internes du gouvernement, l’incitant à développer de nouvelles capacités de changement.

La création d’une école de formation spéciale a permis de répandre le savoir-faire et d’impulser un changement de culture.  

Le fait de mettre l’accent sur les attentes des citoyens a aussi eu un effet de levier tel, qu’il a atteint un niveau élevé de pertinence, de collaboration interministérielle et de soutien politique, dans la recherche d’une réponse collective.

 

L’agilité, une notion innovante des capacités d’anticipation

Une vision du type d'administration modèle est esquissée, en vue de soutenir le processus de transformation, axée sur la notion d'agilité, c'est-à-dire la capacité de :

  • Coordonner l'ensemble des acteurs publics et privés pour anticiper et réagir rapidement aux grands changements sociaux, pesant sur la demande de service public.
  • Evaluer systématiquement les politiques et mécanismes existants afin de concevoir des approches plus ciblées et plus pertinentes.
  • Impliquer les citoyens, les représentants, les entreprises ayant des intérêts divergents pour définir une vision partagée de la fonction publique de demain.

 

Par: Farida Lhassani-Ouazzani

 

Le livre prétexte

Le livre prétexte

Auteur : Richard L. Brandt

La biographie du fondateur d’Amazon.com vient d’être traduite en français : une saga entrepreneuriale et un portrait très critique de Jeff Bezos.

Jeff Bezos est un personnage complexe. « Brillant homme d’affaires avec une vision forte », comparé à Steve Jobs, il n’hésite pas à « pousser son personnel avec la finesse d’un chef de nage pour galériens ». Né en 1964, il montre très tôt un goût prononcé pour l’expérimentation, la lecture et l’informatique. Il fait l’essentiel de sa scolarité dans des institutions pour surdoués et décroche un diplôme en informatique et ingénierie électrique à l’Université de Princeton. Ses premières expériences professionnelles, au carrefour de la finance et de l’informatique, le familiarisent avec les futures potentialités d’Internet – alors limité aux laboratoires de recherche et aux institutions gouvernementales. Jeff Bezos y constate un taux de croissance de 2 300 % et s’interroge sur le type de business plan applicable à cette situation inédite. « Il avait compris qu’Internet deviendrait un gigantesque lieu de rassemblement, explique Richard L. Brandt. Il commença à rêver de devenir le plus grand distributeur sur Internet du monde, peut-être le plus grand distributeur du monde tout court ».

Il choisit le livre parce que c’est un produit familier, léger donc facile à expédier, inscrit dans un marché important et moins créateur de dépendance que celui de la musique ou des logiciels, avec des sources d’approvisionnement en gros et des possibilités de remises. Dès l’été 1994, son équipe, « trois geeks et une comptable » (sa femme), s’installe à Seattle, car c’est un pôle technologique attirant des programmeurs de logiciels, proche d’un entrepôt et d’un nœud aérien. Jeff Bezos investit ses fonds propres, sans se soucier dans un premier temps d’équilibrer son budget. Sa politique ? Investir. D’abord dans l’achat et la conception de logiciels, pour construire une base de données permettant d’accéder, de commander et de suivre automatiquement des millions de titres. Investir dans un navigateur, investir aussi pour sécuriser le paiement en ligne, alors balbutiant, investir pour proposer sans cesse de nouvelles fonctionnalités. Amazon.com est lancé le 16 juillet 1995, l’année où Internet atteint 16 millions d’utilisateurs. Les utilisateurs pionniers lui font une bonne réputation, les commandes, emballées à la main, s’envolent.

S’ensuit une croissance record, qui attire les investisseurs en capital risque, une introduction en bourse réussie, et toujours plus d’investissements pour se diversifier : développement d’une liseuse électronique, le Kindle, lancé en 2007, leader en 2011 avec 47 % de part de marché, malgré la concurrence d’Apple et de Google ; anticipation du Cloud avec Amazon Web Services, qui loue des espaces de stockage de données, etc. Au début des années 2000, Amazon.com n’a pas été épargné par le krach de la « bulle point-com » et Jeff Bezos a dû, pour atteindre le seuil de rentabilité et rassurer Wall Street, mettre en place une gestion plus stricte (abandon des produits non rentables, réduction des coûts, licenciements). Elu « l’homme de l’année » par Time Magazine fin 1999, il est aujourd’hui le 18e dirigeant le plus riche du monde par Forbes en 2010, avec un capital personnel de 12,6 milliards de dollars.

 

Avant tout, vendre

Amazon.com est aujourd’hui un géant du e-commerce : « un tiers des achats sur Internet aux Etats-Unis, une croissance globale trois fois plus importante que celle de son marché, une capitalisation deux fois supérieure à celle de son premier concurrent », etc., rappelle en préface Stéphane Distinguin. Ses points forts : l’efficacité de son service de livraison, l’étendue de son catalogue, la sobriété du site et l’obsession du service client, dans un environnement virtuel où tout est amplifié. « Notre stratégie est de devenir une destination commerciale électronique, affirme Jeff Bezos. Quand quelqu’un se dit qu’il va acheter un produit en ligne, même si nous ne le vendons pas, nous voulons qu’il ou elle ait le réflexe de venir chez nous ». Il ne considère pas son activité comme du « capitalisme pur et dur », même s’il le pratique : il emploie, pour des salaires de misère et des horaires extensibles à merci, des universitaires sur-diplômés à répondre à une douzaine d’emails à la minute (et non à faire du conseil, comme un bon libraire).

Car le livre n’est pas la priorité de Jeff Bezos : « Il utilise les livres comme produits d’appel pour vendre n’importe quoi d’autre », estime Teicher de l’Association des libraires américains. Très vite, Amazon.com a proposé des CD de musique, des DVD, des logiciels, puis des meubles de jardin, des jouets, etc. Il exige désormais des « droits considérables pour apparaître sur le site Amazon.com ». Et il se lance dans la course aux brevets, en n’hésitant pas à breveter des pratiques évidentes décrites de façon large, comme le logiciel « Commander en un clic ». Sa politique de traçage des données personnelles des clients pose la question de la vie privée, de la même manière que pour Google et Facebook.

Le développement d’Amazon.com a surtout ébranlé le secteur du livre. Il maîtrise totalement le processus de stockage et de distribution du livre, et tient les éditeurs sous pression permanente pour obtenir des ristournes. Par rétorsion aux éditeurs récalcitrants, Amazon retire du site leurs livres ou supprime la fonction « ajouter à mon panier ». De même, Amazon a tenté de contraindre les écrivains publiant à compte d’auteur en impression à la demande à passer par sa filiale, CreateSpace. Quant aux libraires, ce sont les grandes chaînes qui ont souffert plus que les indépendants – lesquels doivent néanmoins travailler dans des conditions beaucoup plus difficiles – en raison des remises de 40 % pratiquées par Amazon. Une vision à court terme car, note Richard L. Brandt, « la politique de rabais empêche les distributeurs, les éditeurs et les écrivains de faire des bénéfices. Plus les marges bénéficiaires des éditeurs se resserrent, plus ils se concentrent sur les seuls auteurs qui peuvent leur fournir des best-sellers. C’est pareil pour les librairies, qui ont besoin de faire tourner leur stock pour rester en vie ». D’où une diminution de l’offre… Ainsi, Jeff Bezos « donne l’impression de pouvoir aller jusqu’à détruire l’industrie de l’édition qui lui a permis de démarrer, si cela lui permet de rester en tête ».

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Amazon, les secrets de la réussite de Jeff Bezos

Richard L. Brandt, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Liliane Messika

Editions SW Télémaque, 240 p., 22 €


Synthèse du rapport sur le programme villes sans bidonvilles

Synthèse du rapport sur le programme villes sans bidonvilles

Auteur : Banque Mondiale

Chaque année, près de 240 000 personnes migrent des campagnes vers les villes marocaines ; la population urbaine atteint ainsi plus de 57%de la population globale et le nombre des habitants des villes double désormais tous les 17 ans ! Une évolution trop rapide qui fait qu’une partie des arrivants réside dans les divers avatars de l’habitat insalubre dont les bidonvilles sont la version dominante.

Regard sur l’histoire des bidonvilles au Maroc

Le phénomène bidonvillois a vu le jour au Maroc en 1920 à Casablanca, le premier site  s’appelait Karyan central par ce qu’il est né  sur le terrain d’une ancienne carrière (karyan) près de l’usine thermique d’électricité (dite centrale thermique) d’Ain Sebaa. Quarante ans après , avec un total de  32.700 baraques, sur les 49.500 logements “sommaires” de l’époque , Casablanca comptait déjà de nombreux bidonvilles.

Plusieurs tentatives modestes et très limitées ont été engagées pour la réduction ou l’élimination des bidonvilles, la  trame d’urbanisme dite trame sanitaire de 1950 à 1970, les projets  dits de développement urbain (PDU) durant la période 1970-1980, puis  à partir de 1980 la stratégie des parcelles constructibles.

Ces stratégies n’ont eu qu’un effet très réduit, ces  foyers de la pauvreté durable se propageaient et poussaient partout à travers tous les tissus urbains du Royaume . C’est alors que grâce à la coopération internationale le Ministère de l’Habitat a mis en place-vers les années 90 -un programme spécial de lutte contre l’habitat insalubre .Celui ci portait sur 107 opérations au profit de 100.000 ménages bidonvillois. Sa réalisation fut confiée aux opérateurs sous tutelle du Ministère de l’Habitat (ANHI, SNEC,..).Les résultats furent relativement meilleurs mais partiels, les moyens et les fonds mobilisés étaient loin de combler les besoins et la forte demande. Les problèmes de gouvernance réduisaient encore plus  les chances de succès.

Un nouveau programme et de nouvelles ambitions

Il fallait attendre  2004  pour assister à la naissance du programme Villes sans bidonvilles. Il fût lancé pour l’éradication de l’ensemble des bidonvilles, soit 362 327 ménages (chiffre actualisé au fur et à mesure de la réalisation du programme) dans 85 villes et centres urbains. Il s’agit aussi d’un investissement d’environ 25 milliards de DH, dont une subvention de l’Etat de 10 milliards de DH.

Ce projet fait également partie d’un champ de coopération internationale et s’intégre dans le programme ambitieux  dit des objectifs du millénaire pour le développement adopté par le système des Nations Unies et par la banque mondiale.

Pour évoquer et évaluer le volet logement de ce programme, une rencontre internationale vient d’avoir lieu à Rabat sous l’égide de l’Onu- Habitat. Du 26 au 29 novembre 2012 les participants ont procédé à l’examen à mi-parcours des objectifs du  millénaire. La rencontre avait pour objet la Cible 7.D  de ce programme  qui consiste à réaliser une amélioration significative des conditions de vie d’au moins 100 millions d’habitants des bidonvilles à travers la planète et ce, avant 2020.

L’Onu Habitat avait invité  les 20 pays considérés comme  les plus performants dans la réalisation de la cible 7 D. Le rapport marocain fut présenté à cette occasion. Un document qui a le mérite de contenir le bilan à mi parcours du PVSB en matière de lutte contre les bidonvilles.

La stratégie marocaine du PVSB

Pour la première fois, la réalisation du programme marocain relève d’un cadre conventionnel fixant les responsabilités partagées entre l’Etat et les collectivités locales, et comprenant notamment les délais de réalisation.

Trois modes de résorption ont été privilégiés: la restructuration, le relogement et le recasement.

La restructuration • Les opérations de restructuration ont pour objectif de doter les grands et moyens bidonvilles pouvant être intégrés au tissu urbain, en équipements d’infrastructure nécessaires (assainissement, voirie, eau potable, électrification) et régulariser leur situation urbanistique et foncière. Le coût est calculé sur la base de 1,5 millions de dirhams / ha, soit un maximum de 30.000 dirhams/baraque. L’aide de l’Etat (50% du coût) est destinée à l’équipement en voirie et assainissement. L’adduction en eau potable et l’électrification sont à la charge des bénéficiaires avec une contribution, le cas échéant, de la collectivité locale. Le relogement Le relogement • Le relogement consiste en l’attribution de logements sociaux (superficie hors oeuvre inférieure ou égale à 60 m² d’une valeur immobilière totale ne dépassant pas 120.000 dirhams). Ce mode d’intervention est destiné au relogement des bidonvillois recensés et, dans certains cas, aux ménages concernés par des opérations de dé densification des zones à restructurer. Les aides accordées dans ce cadre par l’Etat représentent le 1/3 de la VIT, soit un maximum de 40 000 dirhams par logement.

Le recasement • Le recasement consiste en l’attribution de lots aménagés (d’une superficie comprise entre 64 et 70 m² pour les lots mono-familiaux et de 80 m² pour les lots bi-familiaux) à valoriser en auto-construction assistée, dans le cadre de lotissements à équipement intégral ou progressif. Le recours à l’aménagement progressif répond au souci de production de lots, financièrement, plus adaptés aux possibilités et au rythme d’épargne des ménages à ressources limitées tout en assurant la sécurité et la santé des habitants et le développement harmonieux des villes, sur la base de plans de lotissements et d’études techniques préalablement établis. Les aides publiques accordées, par ménage, dans ce type d’intervention sont d’un montant de 25.000 dirhams, pour les lots mono-familiaux et 20.000 dirhams pour les lots bi- familiaux, tant pour les lots équipés que pour les zones d’aménagement progressif.

L’Etat a procédé à plusieurs aménagements pour réaliser ce programme, en premier le volet foncier public notamment a connu un effort indéniable, des dispositions fiscales et financières ont été installées pour amener le secteur privé  à une dynamique de participation. Des outils de gouvernance et d’évaluation ont été également élaborés ainsi que des mesures globales d’accompagnement destinées au développement urbain et à l’intégration des structures nouvelles dans le tissu existant .

L’heure est au bilan. Quels résultats ?

Depuis son lancement en 2004, le programme aurait  ainsi  permis selon les sources officielles de :

 -Réduire le poids démographique des ménages résidant dans les bidonvilles dans les  villes marocaines de 8,2% à 3,9% entre 2004 et 2010 ;

- Améliorer les conditions de vie de près d’1 million d’habitants;

-Déclarer 45 villes sans bidonvilles parmi les 85 villes concernées.

 

Par: Bachir Znagui


Investir dans la société

Investir dans la société

Auteur : ODENORE

Il y aurait le bon pauvre, besogneux et contributeur, et le mauvais pauvre, oisif et assisté. C’est le discours qu’a banalisé la droite française à propos des bénéficiaires des politiques sociales, en agitant le spectre de l’assistanat et de la fraude et n’hésitant pas à « présenter les droits sociaux comme une maladie qui engendrerait de l’escroquerie ». L’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE), répond point par point. Adossé au laboratoire « Politiques publiques, action politique, territoires » à Sciences-Po Grenoble et à la Maison des sciences de l’Homme/Alpes du CNRS, il publie les études faites par 13 sociologues, politologues, urbanistes, économistes et travailleurs sociaux sur différents programmes sociaux (Revenu de solidarité active (RSA), Couverture maladie universelle (CMU) et autres dispositifs d’assurance maladie, droit au logement opposable (DALO), tarifs sociaux pour l’énergie et les transports collectifs urbains, etc.) Les chiffres opposent un cinglant démenti au discours politicien.


OCDE : cap 2060 pour l’économie globale

OCDE : cap 2060 pour l’économie globale

Auteur : OCDE

Comment évoluera l’économie mondiale dans les 50 ans à venir ? C’est ce à quoi ont tenté de répondre neuf experts de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un rapport intitulé Horizon 2060 : perspectives de croissance économique globale à long terme, publié en novembre 2012.

Scenario de référence « mou » versus scenarii radicaux

Cette étude commence par envisager un scenario dit « de référence » pour les pays membres de l’OCDE et les pays du G20 non-membres de l’OCDE.  Projection macroéconomique, ce scenario prend en compte « l’interaction entre progrès technique, transformations démographiques, ajustement budgétaire, déséquilibres globaux et politiques structurelles ». Il part du principe de la convergence à long terme de tous les pays malgré la subsistance à terme d’écarts en matière de niveaux de vie.

Ce scenario, qui consiste en la poursuite de ce qui se fait actuellement, est  ensuite comparé à d’autres scenarii « fondés sur des politiques publiques plus ambitieuses ».

Croissance : des prévisions optimistes et des écarts persistants

En matière de croissance, les prévisions de l’OCDE pour les cinquante années à venir sont assez optimistes. La crise financière actuelle est présentée comme un phénomène cyclique dont les effets ne tarderont pas à disparaître et la croissance globale progressera de 3 % par an en moyenne.  Selon les experts, les véritables moteurs de la croissance seront l’amélioration des niveaux d’éducation des populations et des réglementations favorisant l’ouverture et la concurrence des marchés.

Malgré  la convergence des PIB par habitant, le rapport constate la persistance d’écarts de niveau de vie  entre les pays à l’horizon 2060, expliqués par les écarts de productivité et de qualification de la main d’œuvre. Le niveau de vie des habitants des pays les plus pauvres aura toutefois quadruplé alors qu’il aura doublé dans les pays les plus riches.

Les véritables alliés de la croissance s’avèrent sans surprise être les pays émergents. A leur tête la Chine, l’Inde et plus tardivement l’Indonésie. Contributeurs majoritaires au PIB global, ces pays devraient vite supplanter les principales puissances actuelles. La Chine contribuera à près du tiers du PIB global contre 17 % aujourd’hui. Toutefois le rapport note qu’à partir de 2020, le poids des tendances démographiques commencera à se faire sentir sur l’économie chinoise.

La démographie : principale inquiétude

D’une manière générale, les experts alertent sur l’influence du vieillissement des populations sur le taux d’activité global, mais également sur son incidence à terme sur le taux d’épargne et les déséquilibres des comptes courants. Les migrations, même si elles sont soutenues, ne permettront pas d’en absorber les conséquences.

Dans les scenarii alternatifs au scenario de référence, les auteurs du rapport proposent des mesures structurelles permettant d’accompagner la croissance et de réduire les déséquilibres globaux qui se seront accentués. Il s’agit d’abord d’accélérer la convergence en termes de capital humain et de productivité, en approfondissant les réformes du marché du travail, notamment en matière de retraite, et la libéralisation des marchés de produits. En combinant mesures d’assainissement budgétaire et réformes structurelles, le rapport prévoit une augmentation du PIB de 16 % en 2060 par rapport au scenario de référence.

Par : Hind Aissaoui Bennani

Version intégrale du Rapport

 

Pourquoi le monde arabe n’est pas libre ?

Pourquoi le monde arabe n’est pas libre ?

Auteur : Moustapha Safouan

Nécessaires réflexions sur le passé, le présent pour mieux  construire le futur 

Paru en 2008, l’ouvrage de Moustapha Safouan - dont la richesse et la pertinence  procèdent de sa capacité à avoir anticipé les mouvements du « Printemps arabe » - interroge les raisons profondes des blocages politiques affectant, depuis des siècles, l’ensemble du monde arabe.

Y aurait-il dans l’Islam, comme d’aucuns l’avancent, quelque chose de nature à maintenir les peuples sous la domination arbitraire et tyrannique d’un seul homme ? C’est à cette problématique que l’auteur répond en fin analyste et observateur des plus avertis du monde arabe.

 

LES TENDANCES LOURDES DU PASSE

Deux thèmes majeurs sont abordés :

La continuité du pouvoir despotique dans l’histoire du Moyen-Orient, où la structure de l’Etat, construite sur le modèle Sassanide, a toujours revêtu un caractère religieux, en plus d’être fondée sur une distinction infranchissable : le Un qui gouverne et ses sujets.

La disjonction entre la langue classique et les langues vernaculaires, l’une utilisée pour consolider le pouvoir en place, les autres dialectes, dévalorisés pour maintenir le peuple dans l’ignorance.

Confusion des pouvoirs politique et religieux

Pour ces régimes absolus, le pouvoir politique et religieux était concentré entre les mains d’un seul dirigeant et aucune autre voix ne pouvait s’exprimer, sous peine d’emprisonnement. C’est dire le lien très fort entre l’écriture et le pouvoir, auquel elle est subordonnée.

La colonisation viendra avec de nouvelles notions, comme «la démocratie et la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire », qui fondent tout Etat moderne. Ces trois pouvoirs demeureront en fait soumis au bon vouloir de l’émir, contrôlant l’ensemble de la vie publique.

Un pouvoir, qui se proclame détenteur unique d’une « Vérité » supérieure

Construit sur la proclamation que Dieu lui a, non seulement, délégué Son pouvoir mais aussi Son savoir de la « Vérité », l’émir revendique à son profit la croyance, selon laquelle le Prophète aurait détenu les pouvoirs, temporel et spirituel. Une dualité, qui ne se fonde ni dans l’autorité – distincte du pouvoir ou sulta - du Prophète sur son peuple, qui acceptait ses décisions du fait de sa relation unique à Dieu en tant que son messager, ni dans le Coran. Et si nous y trouvons un commandement d’obéissance à Dieu, à ses messagers et à « ceux qui parmi vous ont la charge de diriger ouli-l-amri minkum, il n’y a par contre aucune indication sur la manière dont cette charge leur est confiée.

Un pouvoir, qui puise sa légitimité dans l’imposture du Califat

Comment légitimer le concept de « Khalifa » de Dieu sur terre, alors que Mohammed était lui-même le dernier des Prophètes ?

Le pouvoir absolu au Moyen-Orient se fonde sur le Un qui gouverne et ses sujets. Une distinction, qui n’est pas de nature duelle en ce qu’elle transcende la réciprocité ou l’échange entre deux termes égaux. Le monarque est en dehors du champ des individus: il est celui envers lequel nous sommes responsables, à la fois en tant qu’individus et en tant qu’ego, tandis qu’il est lui-même « inquestionnable ».

Un pouvoir, qui s’identifie à l’image du père

Le monarque est comme le père, responsable de famille auquel aucun membre ne peut demander des comptes. Autrement dit, l’idée du monarque est liée à l’Unité que la communauté tire de son identification et de sa soumission à celui-ci et nul ne peut exprimer sa propre opinion.

Stratagèmes utilisés pour asservir son peuple

  • Isolement du peuple du champ de la pensée

En plus d’usurper cet attribut de Dieu, comme  « unique  détenteur de l’interprétation finale », le confinement de l’écriture à la langue classique, revient à interdire toute expression d’une opinion autre que la sienne    

  • Mystification de la langue et de l’écriture

La fonction du peuple n’étant pas de penser, les pouvoirs en place ont banni l’enseignement de la langue vernaculaire, langue du peuple au profit de la langue grammaticale, langue de l’élite avec pour objectif d’ériger un mur entre les écrits de l’élite et le peuple.

Une sacralisation de la langue classique, comme langue du Coran, qui revient à priver le peuple des richesses de sa langue afin qu’il n’accède pas au savoir au risque de prendre conscience de sa soumission et de sa liberté confisquée. Autrement dit, l’écriture est une censure massive, non déclarée, qui abolit toute pensée libre chez les sujets.

 

BLOCAGES OU OPPORTUNITES

Si le monde occidental est sortit du moyen-âge, c’est grâce à l’essor économique des villes et à l’émergence des Lumières ayant sonné le glas à l’absolutisme et au pouvoir de l’Eglise ; cela a donné naissance, à ce que l’auteur appelle le “multiple”, c’est-à-dire les bases profondes de la démocratie où l’esprit critique et les différences s’exprimaient librement.

Dans le monde arabe, des courants minoritaires apparaissent, qui remettent en question la Lettre du Coran sous haute surveillance des despotes, craignant que ceux-ci ne soient préjudiciables au pouvoir de l’Un !

 

CONCLUSION

Apports de la pensée de l’auteur

Dans cette investigation fouillée, ce brillant disciple de Lacan aborde, sans complexe, des sujets restés longtemps tabous, apportant son éclairage subtil à des problématiques aussi essentielles que « la relation entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel dans un Etat islamique ».

Son adaptation en anglais « Why the Arabs are not free? The politics of writing » s’attaque à un sujet brûlant, celui du terrorisme, dont les racines sont liées à la structure du pouvoir politique au Moyen-Orient".

Quelle place, dans le monde Arabe, à la réflexion d’une telle œuvre

En dévoilant les impostures qui fondent la légitimité des régimes arabes, cet ouvrage servira de plateforme de réflexion aux chercheurs et à l’élite intellectuelle. L’onde de choc liée à sa diffusion, finira par tordre le coup à bien des certitudes ! Le khalifa ne pourra plus prétendre être le seul habilité à interpréter le Coran, déniant à tout autre la faculté de rechercher la vérité par lui-même.  

Polémiques et Réflexions

Ne concourent-elles pas, les unes avec les autres, les unes contre les autres à enrichir le débat ? C’est le principe même de la démocratie, qui ne peut vivre que de la confrontation d’idées contradictoires.

La Nation est Une, ses composantes sont plurielles et doivent exprimer leurs différences dans le cadre d’un projet de société commun, au risque de perpétuer le pouvoir Un,  ou d’aboutir sur une guerre civile, car comme le dit Blaise Pascal « La multitude qui ne se résous pas à l’unité est confusion, l’unité qui n’est pas multitude est tyrannie »

C’est l’échec de l’Etat “Un” despotique, qui a conduit à la radicalisation religieuse de l’opposition, prônant le retour à la lettre de l’islam comme moyen de régénération du monde arabe. 

 

Farida Lhassani-Ouazzani


Rapport de l’ICPC : surtout des regrets !

Rapport de l’ICPC : surtout des regrets !

Auteur : ICPC

L’ICPC  vient de rendre public le 2 novembre 2012 son rapport d’exercice pour la période 2010-2011. Présenté d’abord au chef du gouvernement Benkirane,  le document  décrit avec beaucoup d’audace la situation qui prévaut au Maroc dans le domaine de lutte contre la corruption. Il affirme clairement que  celle-ci « ne s’est pas améliorée de manière significative » depuis le dernier rapport.

Rappelons, d’abord,  que le  rapport 2009, le premier du genre pour  l’instance depuis sa création, avait  recommandé des orientations stratégiques et 113 mesures pratiques couvrant tous les domaines concernés par la lutte contre la corruption, comme la justice, les marchés publics, la bonne gouvernance, l’accès à l’information, le blanchiment d’argent…La plupart des mesures, observations et orientations  qu’il prônait, convergeaient  avec celles émises par les composantes de la société civile agissant dans le domaine.

Depuis, L’ICPC  s’était manifesté à la veille des élections du 25 novembre 2011 par la diffusion d’un excellent rapport sur la corruption politique et électorale,  l’opinion publique déjà obnubilée par les préjugés de la conjoncture, n’en a relevé aucun intérêt, ce fut également le cas des forces politiques qui ont vu d’un mauvais œil  cette intrusion en pleine période de pré -campagne.Le PJD notamment pressé de remporter une épreuve à laquelle il s’est longtemps préparé, ne supportait pas  que l’ICPC se permette de recommander unilatéralement  une charte déontologique.

 

Diagnostic : les constats accablants des indicateurs universels

La démarche adoptée  dans le nouveau rapport pour le  diagnostic du phénomène de la corruption s’est appuyée sur trois dimensions : globale, sectorielle et régionale. Selon ces trois aspects,l’instance estime que le champ de la corruption est en passe de s’étendre à l’ensemble des domaines de la chose publique.Pour faire une telle affirmation, l’ICPC a adopté les indicateurs de Transaprency international et  de la Banque mondiale relatifs à la transparence et la bonne gouvernance.

Le Maroc occupe le rang 80 en 2011 sur l’échelle de l’index de perception de la corruption, de même 79% des Marocains estiment que de la corruption s’amplifie de jour en jour et 34% des familles marocaines reconnaissent avoir eu recours à la corruption, l’index global de l’intégrité en 2010 aura été de 56 sur 100- ce qui est considéré comme un très mauvais score-,le cadre juridique marocain se situe à 66 sur 100 cad encore moins honorable ; et la notation évaluant la lutte effective contre la corruption se situe à 46 sur 100.

 

Des lacunes qui plombent la visibilité du phénomène

S’agissant de l’évaluation des politiques de lutte contre la corruption, le rapport s’arrête sur certaines lacunes, notamment :

  • L’absence d’une dimension stratégique susceptible d’asseoir une politique de lutte contre la corruption efficace.
  • Le manque d’harmonisation du dispositif pénal et judiciaire avec les exigences de la lutte contre la corruption.
  • L’absence de coordination entre les efforts consentis par les divers organes d’inspection, de contrôle et de reddition des comptes.
  • La faiblesse du niveau de la gouvernance publique particulièrement imputable aux défaillances relevées en matière d’interdiction des conflits d‘intérêts et d’enrichissement illégal.
  • La portée limitée des mécanismes de la gouvernance politique qui apparaît, tant au niveau des dispositions juridiques ayant trait à l’éligibilité, au contrôle de l’utilisation des subventions publiques accordées aux partis politiques et pour le financement des campagnes électorales.
  • La défaillance de la gouvernance territoriale due à la faiblesse de la transparence de la gestion locale,

Le rapport a mis en relief les dispositions constitutionnelles régissant l’Etat de Droit et la justice indépendante, et notamment les dispositions relatives au droit d’accès à l’information, au procès équitable et à la protection judiciaire. Insistant sur la nécessité de leur déclinaison à la fois juridique et opérationnelle.

Le rapport a explicité le bilan des réalisations de l’Instance dans l’accomplissement des missions de diagnostic, d’évaluation et de propositions qui lui sont dévolues, soulignant l’insuffisance de celles-ci à cause des moyens limités dont il dispose  et la difficulté de mise en œuvre de ses propositions, en raison de l’absence d’instruments permettant de renforcer le positionnement de l’Instance dans le processus de mise en œuvre des projets et recommandations en matière de lutte contre la corruption.

 

L’instance de lutte manque de moyens, de statut et d’instruments

En matière de réception et traitement des plaintes transmises à travers le courrier électronique et le portail «www.stopcorruption.ma», le rapport s’est arrêté sur un ensemble de difficultés rencontrées, dont celle de suivre le sort réservé aux plaintes transmises aux autorités judiciaires et le manque de sérieux de la plupart des administrations qui ne jugent pas opportun de répondre à ces plaintes ou de tenir l’ICPC informée des mesures prises.

Le rapport a attiré l’attention sur les conséquences  de l’absence de la personnalité morale et de l’autonomie financière, sur la capacité de l’Instance à couvrir l’ensemble des fonctions prévues dans son organigramme, sur les procédures particulièrement longues et complexes de la gestion de ses ressources humaines et financières, ainsi que sur la faiblesse du budget qui lui est alloué.

L’ICPC conclut son présent rapport par la formulation d’une série actualisée de propositions et recommandations qui s’articulent autour de six axes :

Sur le plan de la stratégie, le rapport plaide notamment pour la promotion de techniques d’investigation, d’enquête, de mesure et de diagnostic sur les plans qualitatif et quantitatif avec élargissement et diversification des sources de collecte de données ;et la  traduction de la stratégie de lutte contre la corruption par une charte nationale à laquelle adhèrent toutes les administrations, les institutions, les composantes essentielles de la société.

Relativement à l’actualisation et l’adaptation de la politique pénale aux exigences de la lutte contre la corruption , le rapport propose  l’extension du champ d’incrimination pour qu’il englobe particulièrement l’enrichissement illicite, les tentatives de non acquittement des entreprises des charges, de la consécration de la responsabilité pénale des personnes morales et sa distinction de la responsabilité pénale de ses dirigeants et représentants juridiques, ainsi que l’incrimination expresse de la corruption commise par les fonctionnaires publics étrangers.

Le rapport propose aussi dans le cadre du renforcement du rôle du système judiciaire dans la lutte contre la corruption la garantie de l’efficacité de ce  système à travers la mise en place des mécanismes et critères de contrôle des jugements et d’évaluation de leur qualité, l’adoption d’un délai plafond raisonnable pour le jugement des affaires, le renforcement de l’efficience de la procédure d’exécution des jugements et la mise en œuvre optimale d’un système judiciaire spécialisé dans la lutte contre la délinquance financière.

 

L’instance a besoin de nouvelles  prérogatives 

L’ICPC  plaide pour le renforcement de l’efficacité des règles de lutte contre l’impunité dans les affaires de corruption notamment la consolidation de l’efficacité des procédures judiciaires et d’exécution des jugements, notamment à travers la mise en œuvre des jugements de saisie des fonds, valeurs mobilières et biens utilisés en provenant de l’ensemble des crimes de corruption.

L’ICPC propose le renforcement de l’efficacité et l’efficience des institutions de contrôle et de reddition des comptes  en appelant notamment à  la révision du cadre juridique des inspections générales des ministères dans le sens de l’adoption d’un dispositif obligeant les autorités compétentes à mettre en œuvre  la procédure disciplinaire ou pénale requise pour les infractions constatées.

Parfois, l’ICPC  donne l’impression dans son rapport de placer la barre trop haut,nonobstant le potentiel de réalisation des mesures, telle cette recommandation qui appelle au  rehaussement de la gouvernance du secteur public« par la mise en place d’un nouveau dispositif des ressources humaines régissant le recrutement, la nomination, l’avancement, la rémunération, la mobilité et le redéploiement », ou bien « la promotion de la bonne gouvernance des partis politiques par la rationalisation de leur gestion financière et le renforcement des mécanismes de contrôle »  ou encore « le rétablissement de la confiance entre administration et les usagers sur des bases équilibrées ».

Dans d’autres volets le rapport devient plus précis, plus concret telle la proposition de « l’attribution au CDVM de la mission de veiller sur la mise en œuvre du code des bonnes pratiques de la gouvernance des entreprises ».

Le plus important de ce rapport a été décliné à la fin de celui-ci, l’ICPC  manque pour le moment de visibilité et de clarté par rapport à son rôle, d’où un appel au « renforcement des attributs essentiels de l’Instance Nationale de Probité, de Prévention et de Lutte contre la Corruption ». On y relèvera notamment « la clarification de la qualification juridique de l’Instance Nationale, d’une part en lui garantissant l’indépendance requise au niveau du fonctionnement institutionnel, des règles de tutelle et des procédures de contrôle et d’autre part, en la dotant des prérogatives nécessaires pour l’accompagnement de ses missions de prévention et de lutte, au niveau national et régional, conformément aux dispositions de la nouvelle constitution».

On retrouvera encore dans ce passage du rapport ce besoin vital « de  l’octroi à l’Instance de nouvelles attributions en matière d’auto-saisine ou d’intervention directe contre l’ensemble des actes de corruption, avec des pouvoirs d’investigation et d’enquête qui peuvent être assurés directement par procuration ou dans le cadre de la coopération ». Bref tout y a été dit dansé le respect des convenances.

 

Par : Bachir Znagui


Mainstream

Mainstream

Auteur : Frédéric Martel

Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias

Laissées de côté, l’esthétique et les valeurs transportées par un produit artistique intéressent moins Frédéric Martel dans sa démarche à travers laquelle il s’est penché, dans les quatre coins du globe, sur ces nouveaux acteurs qui produisent, en quantité, les contenus, services et œuvres et représentent le « mainstream » dans l’industrie mondiale de l’art.

Mainstream, le livre publié à Flammarion du journaliste (France Culture, Nonfiction.fr) et chercheur Frédéric Martel revient sur ce concept désignant une culture grand public, celle « qui plait à tout le monde » comme le décrit l’auteur. Une industrie dont le poids dans le PIB mondial ne cesse d’augmenter et qui est devenue un enjeu majeur entre immenses entreprises internationales.

Mais l’enjeu n’est pas seulement économique, c’est également une question d’influence, nous renseigne Frédéric Martel.

De ce fait, en faisant le tour du monde et des nouvelles capitales de l’art, l’auteur nous décrit et livre les soubassements et secrets de la montée de nouvelles puissances de l’industrie de l’art.

De Hollywood à Bombay en passant par… Riyad

Deux décennies de mondialisation et la continuelle révolution numérique ont permis, selon l’auteur, l’émergence de nouvelles puissances dans l’industrie de l’entertainement (concept anglo-saxon désignant tout ce qui a trait au secteur du divertissement). Ainsi, la montée en puissance économique de la Chine, de l’Inde et du Brésil ont enclenché une guerre culturelle que le champion mondial en la matière, les Etats-Unis ne compte pas perdre. L’exemple de la Chine et ses contradictions politiques empêchant une ouverture entière à la libre expression est plus qu’édifiant. En effet, le pouvoir en place ambitionne que le pays au milliard et demi d’habitants soit sur le devant de la scène mondiale : l’argent, le public, la volonté publique et privée… Tout est mis en place pour conquérir la culture mondiale… sans pour autant avoir d’objectifs prédéfinis, remarque le journaliste :  « (...) la fusée culturelle chinoise a décollé sans que le régime autoritaire lui ait fixé une trajectoire. On fonce. Pour la destination, on verra plus tard. »

Les grands princes des pétrodollars du Moyen-Orient ont également fait de l’offre culturelle un fer de lance. L’étude de cas faite par l’auteur de la tentaculaire multinationale de production musicale, cinématographique et télévisuelle Rotana, propriété du prince saoudien Al Waleed, démontre la manière dont les hommes d’affaires arabes calquent au point de s’approprier le modèle américain et l’adapter à la réalité du monde arabe. « Je suis à Rotana à Riyad, l’un des principaux groupes médias arabe spécialisé dans le cinéma, la musique et la télévision, mais il n’y a pas en Arabie saoudite de salles de concert ou de cinéma ».

L’hégémonie confirmée des USA et la chute européenne

Il y a là une différence fondamentale entre les deux modèles. Selon l’auteur de Mainstream, la chute libre des exportations en produits artistiques du Vieux continent est justifiée à la fois par la disparition d’une culture commune au continent et l’attitude exclusive vis-à-vis des cultures issues de l’immigration, mais également par un attachement aux méthodes précédant la révolution numérique et la méfiance vis-à-vis d’Internet. De l’autre côté de l’océan atlantique, les Etats-Unis ont un modèle transversal et prêt à l’exportation. Le leadership confirmé des USA est économique mais surtout idéologique, conclut l’auteur.

Par: Omar Radi

Edition Flammarion, 9 


Métro, boulot, bobo

Métro, boulot, bobo

Auteur : Pierre Bardelli et José Allouche

Invitation à réinventer le lien social par le travail, ce livre collectif présente une réflexion d’utilité publique.

 

Stress, fatigue, angoisse, mal-être, dépression, troubles musculo-squelettiques ou psychosociaux, absentéisme, accidents, épuisement professionnel (burn out), perte de l’estime de soi et d’autrui, sacrifices familiaux, suicides, voire karoshi (mot japonais qui désigne une mort subite par excès de travail)… les manifestations de la souffrance au travail se sont multipliées et sont devenues un véritable fléau mondial. Avec un coût énorme pour la société : « Dans les Etats de l’Union européenne, le coût total des problèmes de santé au travail représentaient au total entre 2,6 et 3,8 % du PIB » en 1999, relève Manuela Pastore-Chaverot. « Les seuls TMS ont engendré en France la perte de 7,4 millions de journées de travail, et 736 millions d’euros de cotisation d’entreprises ont été nécessaires pour en couvrir les frais ». 24 chercheurs, sous la direction de Pierre Bardelli et José Allouche, se sont penchés sur cette douloureuse question. Ils l’ont envisagée sous différents angles (gestion, économie, sociologie, psychologie et médecine) avec des approches transdisciplinaires afin d’identifier les processus générateurs de souffrance au travail et de déterminer les responsabilités. Au cœur de leur recherche, un discours qui s’est développé dans les grandes entreprises surtout occidentales : la Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). A côté de ses impératifs de production et de ses méthodes de communication et de management, l’entreprise affiche son éthique. Les 15 études questionnent les capacités réelles de ce discours à prévenir la souffrance et sa pertinence en matière de régulation sociale. En fait, elles en montrent les limites.

 

Repenser le travail

 

La souffrance au travail est en effet la conséquence directe de l’expansion du management libéral : le modèle pensé pour l’industrie est désormais appliqué à l’ensemble des activités, qu’elles soient marchandes ou non. L’heure est à toujours plus de flexibilité, dans les horaires, dans les salaires, etc., imposant aux travailleurs sans cesse mis en concurrence une véritable dictature de la performance et de l’urgence. Plus que le professionnalisme et l’humanité, ces nouveaux modes de management valorisent les gestes techniques. On en perd le sens du travail. Stocks zéro, intensification des rythmes, réduction des effectifs, déséquilibre entre l’effort et la récompense, harcèlement multiforme… en période de crise, le salarié n’est pas sécurisé, et hésite à quitter son emploi de peur de ne pas en retrouver. « Les effets du dumping social nivellent par le bas les conditions de vie des travailleurs et des populations concernées des pays dits riches », déplorent Khalid Djeriri et Alain Chamoux. Plus grave, avec l’effacement de l’Etat, ce sont les entreprises qui sont désormais en charge de la régulation sociale:« On abandonne l’idée de politique sociale, de régulation publique, au profit du principe purement microéconomique et fondamentalement apolitique de responsabilité des acteurs économiques », s’inquiètent Jean-Marie Cardebat, Thierry Debrand et Nicolas Sirven, qui soulignent le fait que la RSE est souvent un discours creux, proclamant une bonne pratique dont il n’assume pas le coût.

En effet, l’entreprise nie l’augmentation de la souffrance au travail et estime ne pas y avoir de responsabilité. Mieux, elle utilise la RSE comme un moyen de contourner les instances classiques du dialogue social, comme les syndicats. Ceux-ci y ont d’ailleurs été longtemps réfractaires, avant d’y proposer leur vision. Discours « autoproclamé par la direction » et toujours positif, la RSE est un « instrument de la violence symbolique ». Selon Jean-Marie Cardebat, Pierre Régibeau et Nicolas Sirven, c’est un discours en décalage avec la réalité des faits : il y est plus question d’environnement, de diversité, de handicap, d’égalité homme-femme, de droits humains que de santé et de souffrance au travail. On y parle formation, écoute, savoir-faire, mais peu motivation, reconnaissance, primes. Les métiers réels (ouvrier, employé, cadre…) disparaissent au profit des « responsabilisés ».Bref, la RSE y présente le monde du travail rêvé par la pensée libérale et se réduit souvent à une « stratégie de valorisation symbolique ». Conséquence : « la santé au travail, en tant que responsabilité de l’employeur, tend à être exclue du débat social pour être portée par le seul salarié », notent Catherine Bodet et Thomas Lamarche, qui relèvent des cas d’incitation voir d’obligation du salarié à ne pas déclarer les accidents du travail ou les maladies professionnelles.

Outre le rapport de force et l’enjeu d’image qui la sous-tendent, la RSE pose un problème philosophique. Elle repose sur des sciences de gestion, qui ont pour objectif l’utilisation efficace des ressources (notamment humaines), mais pas l’émancipation de l’être humain au travail. D’où la deshumanisation et la réduction du travail à ses seules caractéristiques mesurables, au détriment de sa dimension créatrice. Or, rappelle Jean-Paul Dumont, « dans la dynamique de la construction du sujet, le travail occuperait une place d’égale importance à celle de l’amour ».Les chercheurs mettent en lumière le lien entre la santé et le modèle de régulation. Ils insistent sur la nécessité des espaces de communication. Michèle Heitz et Jean-Pierre Douard plaident par exemple pour « une charte des normes de vie comportant les droits du temps humain ».Face à ce phénomène, les auteurs du livre appellent à une redistribution nouvelle de la valeur, en inventant un système qui remette l’humain au cœur du travail. Cela passe par la restauration des solidarités entre les travailleurs, par une « réflexion d’ensemble sur la question du compromis salarial » et surtout par la mise en place d’une culture où l’on met un terme à « la césure entre le caractère collectif de la production et l’individualisation des responsabilités dans l’organisation » pour « faire reconnaître la dimension sociale (collective) du travail salarié ». Un projet de société novateur, dans lequel tout a à gagner…

 

 

La souffrance au travail : quelle responsabilité de l’entreprise ?

Armand Colin, collection recherches, 392 p., 27,50€

 

Par : Kenza Sefrioui


Génération Y, Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion

Génération Y, Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion

Auteur : Monique Dagnaud

Les digital natives approchent aujourd’hui la trentaine et leur manière de faire génération est tout à fait inédite : ils ont connu dans leur enfance l’une des plus grandes révolutions technologiques et sociales, la généralisation d’Internet. Monique Dagnaud, sociologue des médias au CNRS, brosse le portrait de cette classe d’âge qui inaugure une ère nouvelle. Dans un petit ouvrage synthétique et très documenté, elle analyse comment cet outil réorganise les rapports entre les individus, et les valeurs qu’il véhicule à une échelle sans précédent. Car Internet, c’est une véritable rupture anthropologique, avec des changements à divers niveaux.

 
D’abord au niveau de la place des jeunes dans la société. On sort d’un modèle de progression encadrée des enfants, par paliers, dans l’accès aux savoirs et l’ouverture au monde : aujourd’hui, les enfants et les adolescents ont accès à tout et sont très tôt au parfum de ce que les adultes taisaient ou idéalisaient, et la relation avec leurs parents et éducateurs se réaménage autour de cette ouverture à des savoirs non hiérarchisés. D’autant que l’entrée dans l’âge adulte et l’accès au monde du travail, avec la crise économique, se fait de plus en plus tard : après l’enfance et l’adolescence, la postadolescence prolonge la dépendance économique vis-à-vis de la famille ou de l’Etat, et il faut imaginer de nouveaux types de relations. La famille réunie autour de la télévision est une image désuète : aujourd’hui, ce qui domine, c’est la « culture de la chambre », le Net se déguste en solitaire et on part seul à la conquête de la toile via une webcam. Les adultes respectent en général l’autonomie de leurs rejetons, qui ne traînent pas dans la rue, mais s’inquiètent de ce à quoi ils s’exposent. En fait, on ne sort pas vraiment de son monde car on prolonge souvent dans les réseaux sociaux les conversations entamées dans le réel, mais on se réjouit de la possibilité d’accéder à de nouvelles relations.
Fini aussi les états d’âmes déversés sur les pages des journaux intimes. Le digital native a peu de goût pour l’introspection. Il partage ses goûts, se met en scène, teste son charisme numérique. A l’heure de l’individualisme triomphant, il faut se créer une image et la maîtriser. Un apprentissage pas toujours évident, comme le rappelait en juillet 2010 l’affaire Jessi Slaughter, du nom de cette adolescente clouée au pilori numérique au point d’être placée sous protection judiciaire. Mais les outils, de plus en plus nombreux et omniprésents (téléphones portables, réseaux sociaux, blogs…), incitent à la prolifération créative de ces « mini-scénario de soi » et développent une culture très expressive, faite de mots, d’images, de sons, etc. 
 

Le droit à la créativité

 
On cherche le cocasse, l’étrange, l’insolite, on veut toucher avec une esthétique de l’image-fragment chère aux clips musicaux, dont l’efficacité repose sur l’intensité de la pulsion. Tout le monde s’essaye à la créativité pour exprimer une sensibilité artistique : l’amateur gagne ses lettres de noblesse, et l’œuvre tombe de son piédestal sacré. Si elle reconnaît la pauvreté souvent sidérale des contenus, Monique Dagnaud relève la porosité entre les pratiques de l’amateur qui bricole pour amuser ses amis, les apprentis artistes qui tentent de percer pour faire carrière et mobilisent leurs réseaux, et les geek, obnubilés par la recherche de la prouesse technique. Dans Internet on peut être tour à tour consommateur et producteur, et la production devient alors un flux infini. Rares sont ici ceux qui visent une recherche formelle originale : le genre dominant est le bricolage, le détournement, la parodie, « comme si toute réalité était plus intéressante par les projections et les délires qu’elle engendre que par sa réalité intrinsèque ». Le mode de diffusion se démarque aussi radicalement de ce qui existait auparavant : l’important est aujourd’hui le lien, le partage entre pairs (peer-to-peer), et non plus la création d’un bien à préserver en tant que tel et à commercialiser. La gratuité et le don sont érigés en philosophie politique. Si le modèle économique reste à inventer, les débats actuels sur la propriété intellectuelle (piratage, loi Hadopi, etc.), montrent que les pratiques ont sérieusement ébranlé le modèle commercial existant.
La partie la plus intéressante du livre est celle où l’auteure analyse Internet comme une nouvelle forme d’espace public. Elle insiste sur son ambivalence, oscillant entre le rire bon enfant, le lol, et le lulz, rire méchant incitant à la cabale numérique, dont les victimes n’ont plus qu’à se terrer en attendant l’oubli. Contenus revisités grâce au même, création numérique qui les détourne par tous les moyen ; polémiques déclenchées par des trolls…  toutes ces figures qui pullulent dans 4Chan, forum créé en 2003 par un adolescent américain, Mooto – et qui a donné le groupe des Anonymous – ont en partage la dérision. Pour Monique Dagnaud, ce goût de l’absurde et de la bêtise est un mode d’action sur la vie sociale : « Dans un monde globalisé, sur lequel personne, ni l’individu ni les politiques, ne semblent avoir de prise, vive une réjouissante stupidité ! Ce parti pris de la bêtise est empreint d’une ambiguïté revendiquée : elle porte aux nues l’insouciance, s’esclaffe de tant d’impuissance et suggère la révolte par une hilarité ponctuée de sous-entendus. » La « bonne humeur du Net adolescent » peut être comprise aussi comme un défouloir en période de crise économique et de défiance face aux politiques, où l’on se replie sur soi. Aux hiérarchies et à la parole autorisée des professionnels dans l’espace public traditionnel, Internet oppose le brassage et consacre les profanes. La génération Lol n’a pas forcément envie d’agir pour améliorer la société. Elle tourne le dos à des structures partisanes qu’elle juge inefficaces en s’adonnant à la « mass-self-communication ». Au discours idéologique et construit des leaders d’opinion, elle préfère l’émotion suscitée par les lanceurs d’alertes. Et à une puissance de diffusion inédite, elle rappelle ses valeurs : fraternité, liberté d’expression et gratuité. Celles qu’elle mobilise pour construire le monde de demain.
 
 
 
 

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