Pour un travail plus réflexif

L’étude menée actuellement par Economia, portant sur le sens et la valeur du travail dans les organisations salariales au Maroc, interpelle le manager à bien des égards. C’est à travers l’identification de leviers et de moteurs d’action dans un contexte professionnel organisé, que cette recherche aspire à donner des recommandations concrètes pour les managers désireux de mieux comprendre, pour mieux décider. La genèse de ce projet repose sur l’observation de déficits de coopération dans les organisations, de crises de sens donné à l’action, et surtout du développement de pathologies d’ordre psychologique liées à l’activité professionnelle. Ainsi, cette interrogation sur le travail à l’aune des évolutions économiques, sociales et sociétales ne saurait être évacuée, car il en va avant tout de notre responsabilité de chercheur de pointer du doigt les lacunes mais aussi de relever les bonnes pratiques, afin de conseiller les décideurs/manageurs. Nous saisissons au passage l’occasion d’afficher notre volonté de faire évoluer le statut de la recherche en management au Maroc, statut à l’impact stérile aux yeux de nombreux acteurs et opérateurs économiques…

Cette entreprise que nous nommerons « recherche militante » repose bien entendu sur une base de travail purement objective, mais il n’en demeure pas moins que celle-ci porte en elle un goût différent. Ce n’est pas tant l’excitation des découvertes liées au métier qui prévaut dans ce cadre, mais plus de l’intérêt et de l’importance des nombreux enjeux réels du et au travail dans le paysage marocain, car ils portent en eux un impact sur le bien-être des individus, leur équilibre de vie, la cohérence de leur action, mais aussi de la productivité et de l’implication attendues par des entreprises, qui, sans vouloir généraliser, instaurent de la pression et des cloisonnements dangereux, empêchant ce qui peut faire corps et sens.

Globalement, nous pouvons relever la difficulté du passage de l’être, à l’être ensemble, puis au travailler et devenir ensemble, difficultés qui exacerbent le déficit de la confiance, au profit d’une certaine défiance qui se déploie dans les organisations et se manifeste par des distances de toutes sortes. Comme corollaires évidents, le manque d’écoute, de sens critique de l’action et de remise en question, de réflexivité, ou du manque de reconnaissance flagrant, qui pris tous ensemble, contribuent plus à former une collection d’individus, plutôt qu’une communauté d’individus. Les raisons ? Nous pouvons principalement avancer l’adéquation fragile entre les objectifs individuels, collectifs et organisationnels ; or c’est dans ces jonctions que l’action commune et la relation prennent tout leur sens. Sans vouloir dévoiler l’ensemble des résultats et des préconisations présentés dans l’étude, partageons cependant un point qui nous semble central dans la question du travail. Nous désirons en effet, attirer l’attention sur l’importance de la réflexivité, qui se profile à travers l’étude comme une lacune majeure dans le travail des salariés au Maroc. Il s’agit de la posture du travail qui vise à analyser la manière d’agir d’une part, et d’expérimenter d’autre part de nouvelles formes d’action, susceptibles d’améliorer le travail. Et lorsque ce type de posture se fait en groupe, nous approchons la réalité des organisations apprenantes, organisations intelligentes, en phase avec les enjeux actuels de compétitivité, dans une économie du savoir. La réflexivité se définit également comme une activité de production des discours, des représentations et de la connaissance, visant l’efficacité managériale au travers d’une meilleure connaissance de soi et de l’adoption des meilleurs comportements. Il incombe entre autres au manager réflexif d’arrimer les collaborateurs vers plus de réflexivités partagées…