Est-ce la fin de la dé-formation professionnelle au Maroc ?

La question de l’emploi comporte naturellement une composante relative aux politiques d’apprentissage et de formation professionnelle. Des postes d’emploi sont souvent disponibles pour des gens qualifiés en possession d’aptitudes et capacités précises. Une condition valable localement, au niveau d’une région donnée ou ailleurs à travers le village planétaire.

 

Appauvrissement de l’apprentissage et élimination de la formation

 

Mais paradoxalement au Maroc, le pays a démantelé concrètement ses propres structures de FP au cours de 20 premières années post protectorat (56-75). Cette décision consolidée au cours des premières années du règne du Roi Hassan II a éliminé progressivement la Formation et la dimension technique au sein des établissements scolaires(les collèges surtout) et fut renforcée à la fin des années soixante du 20 ème siècle, par la réduction draconienne des possibilités de développement des aptitudes techniques au sein de l’enseignement formel. Exercices de manipulation, Travaux pratiques et laboratoires sont devenus rares et les enseignements des arts pratiquement éliminés. Le gâchis s’est déroulé sur plusieurs terrains, le premier niveau, celui des aptitudes techniques de base, fut relégué aux institutions chargées de lutter contre la précarité sociale et la pauvreté (Entraide Nationale) ou le secteur dit de formation professionnelle (ministère de l’Emploi). A défaut de politiques publiques claires, ces lieux ont surtout connu une longue période de déchéance -les équipements tombaient en désuétude- due souvent à l’absence de budgets d’entretien, de maintenance et de débours pour des formateurs.

Le deuxième terrain était celui des ministères techniques qui ont eu leurs propres institutions de formation débouchant souvent sur des emplois dans le secteur public jusqu’à saturation (puis crise et fermeture de ces centres dont les lauréats avaient déjà des problèmes d’équivalence de diplômes). Le troisième est celui des techniciens supérieurs, des ingénieurs d’application et des ingénieurs dits d’Etat (Bac + 5), où le vide était très appuyé et qui le demeure encore aujourd’hui. Les années 80 accouchèrent d’une relance de la FP en secteur séparé et parallèle à celui de l’éducation nationale. Les bailleurs de fonds internationaux, devenus plus avares en crédits pour d’autres secteurs, ont multiplié leurs engagements par rapport à celui-ci. Pourtant, les efforts fournis en matière de formation professionnelle n’ont jamais été accompagnés d’une évaluation des institutions prestataires, des aptitudes des bénéficiaires ou des conditions de formation ; pendant longtemps, la formation professionnelle s’est traduite ainsi par un investissement énorme, transformé en gâchis aussi pharamineux et une immunité complète par rapport aux mauvais marchés et résultats très limités. La formation a ainsi été et continue d’être un secteur de « souveraineté » où des lobbies se sont agglomérés au pactole bénéficiant à ce secteur dans l’impunité la plus totale.

 

Au-delà du seuil

 

Une situation devenue nationalement intolérable autant que pour les bailleurs de fonds. Le malaise est fortement ressenti depuis 2005.Et qui n’a fait que s’aggraver depuis .C’est que le Maroc a adhéré aux objectifs de développement durable 2015-2030lequel plan d’action met l’accent sur une formation professionnelle de qualité partout, pour tous et tout au long de la vie, (au service du développement et de la valorisation du capital humain). Le pays a adopté aussi sa stratégie nationale de l’éducation formation et son cadre d’action 2015-2030lequel prévoit l’intégration de la formation avec l’enseignement général. On va ainsi opérer un retour à la situation qui prévalait à la fin du protectorat afin de faire émerger les vocations des jeunes pour la FP au niveau de l’enseignement primaire et mettre en place des parcours professionnels au niveau des collèges et du baccalauréat professionnel. Sur le plan de l’organisation le Maroc a apparemment compris aussi que la FP  a intérêt à être sous la responsabilité  d’un seul et même ministère que l’éducation nationale, et le 30 mars 2016 cette nouvelle orientation  a donné lieu à la signature à Rabat  d’un contrat-programme global et de conventions cadres pour mettre en place à l’horizon de 2021 un système de formation avec une approche participative de tous les acteurs publics et privés, une gouvernance multi-niveau où la Région joue un rôle important aux côtés des professionnels.

 

De nouvelles promesses

 

 Une approche très ambitieuse qui prévoit la formation et la qualification de 10 millions de personnes pour un coût global estimé à 65 milliards de DH sur sept ans. Mais il faut relever qu’à différents niveaux cette manne financière attire aussi les prédateurs de la rente d’où la question essentielle de la bonne gouvernance. En 2012, le nombre total des établissements de formation professionnelle publics et privés s'élevait à 2 005 établissements (497 établissements publics et 1508 établissements privés). L'extension de la capacité d'accueil se poursuit actuellement et concerne la quasi-totalité des secteurs d'activités. Les  appétits sont ainsi lancés.


La formation professionnelle nouvelle version entend corriger plusieurs anomalies systémiques majeures ; elle ouvre théoriquement aujourd’hui l’accès à une formation professionnelle initiale pour tous, et si elle continue à trimballer les formules controversées actuellement en usage pour la formation continue, elle  introduit toutefois dans sa logique inclusive de nouvelles opportunités pour de  populations cibles: Travailleurs non-salariés, travailleurs en cours de changement d'emploi ou de perte d'emploi …Elle opte aussi pour l’intégration voire la  promotion de l’auto emploi et ouvre le chantier combien oublié de la validation des acquis professionnels. Il s’avère donc que cette évolution positive doit être impérativement accompagnée de garde-fous pour réaliser ses objectifs, notamment une participation très large empêchant les ententes corporatistes, et des partenariats internationaux les plus compétents, rigoureux et crédibles.


 

 

 

 

 

 

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