Edito 8: hymne à la pluralité et a la stimulation

Economiquement et socialement, le Maroc est mal classé à l’international, les relations qu’entretiennent les décideurs du privé avec les gardiens de la chose publique sont plutôt confuses, à croire qu’il n’y a pas assez de place pour accompagner, impulser et faciliter la dynamique créative qui se dessine. Nous l’avons testé dans le domaine (en éclosion) de la culture1, les conditions d’entrée sur le marché et de sortie demeurent inhibantes et parfois dissuasives, constituant un frein à la volonté, réelle et sous-jacente, des individus de créer de la valeur, matérielle et immatérielle.

Comme à l’accoutumée, La Revue Economia offre, en une livraison, un balayage des champs, social et économique. Il en ressort quelques incohérences assez troublantes. Côté orientations, on note une faible adéquation entre politique économique et budget de l’Etat (2010), avec une incidence paradoxalement mitigée sur les classes moyennes (lire p 15). Côté réajustement des politiques, il s’avère que les indicateurs de classement sociaux (ex. : IDH) et économiques (ex. : Doing Business) devant servir de détecteurs de zones de turbulences, donnent lieu, plus à une volonté de domestiquer les critères internationaux d’évaluation, qu’à une redéfinition studieuse des politiques domestiques de développement (lire p.30). En regardant à quoi ressemblent les relations entre chefs d’entreprises et pouvoirs publics, il en ressort davantage une volonté de l’Etat de privatiser certaines de ses fonctions cardinales (ex. : la stratégie) qu’une valoriation institutionnelle de l’acteur privé. Quel que soit le point d’entrée par lequel nous abordons le lien entre l’individu, créateur de richesses (à des échelles moindres que les gros cylindrés de l’économie) et l’Etat, garant présumé de décollage économique et d’équité sociale, nous aboutissons à un double constat assez récurrent : l’absence de vision et de boussole permettant de cibler un cap précis, le manque de lisibilité des mécanismes de suivi et de contrôle externe, et la faiblesse des instruments de mesure et d’évaluation susceptibles d’aider les acteurs économiques (de seconde et tierce zone) à piloter leurs affaires économiques. L’incertitude est à son comble dans le domaine, naissant, de l’entrepreneuriat culturel, où l’événementiel tient lieu de politique ; ce qui accentue le flou artistique et embue l’horizon économique du secteur.

Pourtant, le Maroc a la chance inouïe de pouvoir sortir du marasme économique en libérant les énergies et en clarifiant la vision globale. Or, cela nécessite deux préalables, qui font terriblement défaut : la nécessité d’accepter que l’espace public est pluriel, non réductible au réseau personnalisé de quelques hommes puissants, et que la volonté d’innover, de dépasser les schémas préconçus, dans l’industrie, les services, la formation et la recherche, est l’unique vecteur qui autoriserait le pays à se projeter dans l’avenir et dépasser le pilotage (à vue) qui prédomine actuellement. Peutêtre, alors, que l’on devrait adjoindre deux indicateurs à tous les autres, que l’on a du mal à digérer : ceux de «l’acceptation de la pluralité dans l’espace public productif» et de «la stimulation à innover économiquement». Peut-être même qu’il va falloir en tenir compte un peu plus sérieusement. Parce que le décollage économique, c’est d’abord une affaire de confiance et d’hommes. Tout le reste n’est que chiffres en l’air.

 

1 Lire le dossier “Qui gère la culture ?”

 

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