Benchmark international: Quatre politiques éducatives

Plusieurs études ont abordé la question de la performance des systèmes éducatifs dans le monde entier et ont obtenu des résultats différents d’un pays à l’autre, de même qu’elles ont révélé une utilisation différente de leurs ressources. Hargreaves et Shirley distinguent quatre approches dans un ouvrage intitulé « The Fourth Way »[1].

La première est marquée par l’essor des années après-guerre aux Etats-Unis et en Europe. Les accords de Bretton Woods en 1944 et les théories de John M. Keynes en 1936, soutiennent l’intervention massive de l’Etat pour la relance de l’économie et la reconstruction des pays dévastés par la guerre. Les Etats avaient besoin d’éduquer en masse une génération de baby boomers et se voyaient forcés de faire confiance aux enseignants dans leur pédagogie ainsi que dans le développement des contenus. Une grande hétérogénéité en résulte au niveau de la qualité et la portée de l’enseignement.

La crise économique des années 70, suite aux chocs pétroliers, précipita les pays occidentaux dans une nouvelle ère de libéralisation d’une économie livrée aux marchés et aux lois de la concurrence. Sous l’impulsion de l’école de Chicago, Reagan et Clinton aux USA, Thatcher en Grande-Bretagne sont les architectes de ces politiques qui ont impacté la gouvernance éducative.

La deuxième approche se caractérise par la privatisation partielle du secteur éducatif, la standardisation des processus, le recours massif aux évaluations externes de performance, la compétition accrue entre écoles, la redevabilité et les sanctions. Malgré l’homogénéisation de la qualité, ce dispositif débouche sur une faiblesse alarmante du taux de rétention des enseignants et des niveaux de stress élevés aussi bien chez les enseignants que les étudiants.

Les années 2000 voient se développer une politique du ‘milieu’ défendue par Tony Blair et Gerhard Schroeder avec le soutien du directeur de la prestigieuse London School of Economics, Anthony Giddens. Cette troisième approche plaide pour un pluralisme structurel avec des partenariats multiples publics-privés à l’instar de la fondation Bill et Melinda Gates, plus d’investissements pour réduire la taille des classes et la construction de nouvelles écoles ; plus de transparence et de redevabilité avec la publication des indicateurs de performance des écoles conduit donc à davantage de pression et de stress pour les professionnels éducatifs. Les résultats au  niveau des élèves restent insuffisants.

Basés sur ces expériences, une quatrième approche plus originale et qui a donné lieu à des résultats plus satisfaisants a vu le jour dans des pays comme la Finlande, Singapour ou le Canada qui se classent depuis une quinzaine d’année en tête des évaluations internationales. Cette approche met l’enseignant au cœur du système. Elle rehausse le statut de l’enseignant dans la société qui devient alors une fonction prestigieuse. Dans un des concours d’accès aux études universitaires débouchant sur ce métier, seuls 150 candidats sur 2000 ont été retenus. Les heures de cours sont réduites de près de moitié, laissant le temps aux enseignants de mieux se former et de préparer minutieusement leurs interventions. Le système de sanction est abandonné, remplacé par la communication et le suivi pédagogique. Les parents sont impliqués comme partie intégrante de l’acte pédagogique et sont inclus dans un système d’information global. On ne parle plus de redevabilité au niveau des écoles mais de responsabilité. Les classes sont réduites et l’apprentissage est personnalisé aux besoins de chaque enfant. Enfin, les examens sont réduits à un nombre très limité et les évaluations en cours d’année ne sont utilisées que pour évaluer les besoins de chaque élève.

Différentes approches, différents résultats. Une chose est sûre, même avec les plus belles réformes du monde, lorsque vous vous adressez à un salarié sous-payé, démotivé et ignoré par le système, on ne peut avoir son adhésion pourtant si indispensable au succès de tout projet de changement. Personnellement, je suis particulièrement séduit par la mise en valeur du capital humain et du métier d’enseignant de l’approche finlandaise que l’on retrouve peu dans nos réformes éducatives à l’inverse de la majorité des autres mesures.

Pourquoi les professeurs du supérieur ne sont-ils pas rémunérés suffisamment pour qu’ils se consacrent pleinement à leur poste à l’université ? Pourquoi ne pas revaloriser le métier d’enseignant du secondaire et du primaire ainsi que les formations qui y aboutissent de manière à attirer les talents qui se dirigent presque systématiquement après le bac vers les écoles de commerce et d’ingénieurs ? Pourquoi ne pas instaurer un système de reconnaissance des efforts produits par le personnel ? Ne pourrait-on pas augmenter les rémunérations du personnel éducatif en réduisant drastiquement les volumes horaires des cours et en se focalisant sur la qualité au détriment de la quantité ? Au passage, les pays scandinaves arrivent en tête des classements internationaux avec uniquement des demi-journées de cours qui se terminent à 15h. Est-ce réellement un problème de coûts ou de convictions politiques ?

 

[1] Hargreaves, A. P., & Shirley, D. L. (Eds.). (2009). The fourth way: The inspiring future for educational change. Corwin Press.

 

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