Edito 6: quels territoires pour la Diaspora ?

La diaspora est par définition dans l’entre-deux, voire trois (pays), mouvante, mais susceptible de trouver ancrage dans un territoire attrayant. Les territoires, eux (le terme est à entendre dans le sens de «régions et communes locales»), sont naturellement arrimés à l’Etat national, mais humainement et économiquement détachés de l’espace national. Ils dépendent en partie de transferts de migrants, permettant aux populations locales de s’en sortir, et d’aides de réseaux interurbains qui se tissent de plus en plus par-delà les Etats.

Lorsque le développement régional et la compétitivité sont mis sur la table, plusieurs entendent «modernisation des infrastructures». Il est vrai qu’un tramway et un technopark contribuent, l’un par la commodité, l’autre par l’emploi, à un mieux être social et économique. Mais qu’en est-il des facteurs assurant les conditions d’une modernité pérenne dans une région : la place du savoir, la transparence des bureaucrates, l’éthique dans les affaires, l’implication des populations dans la prise de décision ? Ce sont les chaînons manquants qui créent une méfiance partagée à plusieurs niveaux. Chez la diaspora, de manière encore plus prononcée.

Dans l’étude que nous avons lancée par Internet, auprès des MRE, 75,3% des interviewés estiment que sans lutte contre la corruption, ils ne sauraient développer des projets économiques au Maroc. Dans l’enquête que nous avons menée sur les circuits de l’argent des communes, élus et cadres s’accordent à dire que les formes bureaucratiques et discrétionnaires d’allocation de ressources, ainsi que l’absence de reddition de comptes, contribuent fortement à discréditer les projets locaux de développement. Dans la séance de notre Collectif Stratégie, consacrée aux territoires, il est clairement apparu que les projets parachutés à partir du sommet (de l’Etat) et les doublons (ex : régions et agences de développement régional), n’aident pas certaines régions à la traîne à s’autonomiser économiquement.

Tout cela refroidit la diaspora. La part des transferts des migrants alloués à l’investissement (les chiffres de plusieurs études l’attestent) reste modique et très faible comparée à certains pays (l’Inde par exemple) qui ont pu s’appuyer sur leurs binationaux pour sortir la tête de l’eau. Chez nous, l’Etat et ses relais locaux continuent de se comporter avec les migrants sur la base d’une logique de clientèle et d’allégeance «nationale». La plupart des MRE ont, certes, un vague attachement au «Maroc», dépassant celui dû au clan familial, mais ils ont autant d’attachement pour leur pays d’accueil. Par contre, tous ont un lien concret avec leur derb, douar, commune, mais se heurtent à une multiplicité d’interlocuteurs, une ribambelle d’institutions et un déficit de vision claire, partagée, concertée et mise en application. Or, impliquer économiquement la diaspora, par-delà les grandes messes et les discours powerpoint, exige que les territoires héritent du rôle providentiel des Etats et leur offrent des feuilles de route sans équivoque. Nous en sommes loin mais autant en être conscients.

 

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