Les capitaux d'escampette

En France, la régularisation de la situation des évadés fiscaux dénoncés par un exemployé de la banque HSBC devrait générer 700 millions d’euros, soit 30% de l’amélioration prévue pour les rentrées fiscales de 2010. En Allemagne, la Chancelière Angela Merkel a donné son accord pour acheter à un informateur contre 2,5 millions d’euros, des données bancaires volées à une banque suisse et mettant en cause 1500 de ses compatriotes. Elle espère ainsi récupérer 100 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires, soit 40 fois la mise de fonds... un vrai jackpot !

La chasse aux fraudeurs est donc ouverte. A ceux qui clament, comme Volker Kauder, le chef du groupe parlementaire CDU, qu’un vol est un vol et que l’Etat ne devrait pas faire cause commune avec les criminels, d’autres répondent que c’est le principe de l’arroseur arrosé, que le criminel, c’est avant tout le fraudeur, pas le chasseur de primes, et que ce genre de discussion morale revient à remettre en cause des pratiques policières vieilles comme le monde. Les indics n’ont pas bonne réputation mais aucune police n’envisage cependant d’y renoncer. Pourquoi la «police» fiscale des Etats n’y auraitelle pas recours ? Et il faut reconnaître qu’avec une évasion fiscale annuelle mondiale estimée entre 2200 et 2400 milliards de dollars en 2006 (dont 20% en provenance des PVD), les voleurs de listings ont de beaux jours devant eux et devraient facilement trouver des acquéreurs, du moins au sein des gouvernements légitimement désireux de s’attaquer à toute forme de délinquance financière. Or, ce souci de lutter contre l’hémorragie des richesses nationales vers les paradis fiscaux ne motive pas tout le monde, et pour cause : la Banque mondiale considère que 20 à 40 milliards de dollars des fonds placés sur des comptes au Royaume-Uni ou en Suisse proviennent des seuls pots-devin payés à des dirigeants corrompus, et ce principalement en Afrique. Difficile de chiffrer précisément les détournements, souvent par les mêmes, de fonds initialement destinés au développement de leurs économies... nationales, mais ils représentent environ 40 % de l’APD (Aide publique au développement). Entre 1991 et 2004, une moyenne annuelle de 13 milliards de dollars a «fui» de ce même continent, soit 7,6% du PIB. L’hémorragie cumulée des capitaux depuis l’indépendance représente près du double de la dette africaine. Voilà qui, selon Jamvier Nkuruniziza, économiste au CNUCED, fait objectivement de l’Afrique «un créancier net vis-à-vis du reste du monde».

A l’étude de ces chiffres, on se demande pourquoi courir après les IDE, si versatiles par essence ? Pourquoi espérer en vain que les émigrés continuent à transférer leurs économies jusqu’à la vingtième génération ? Pourquoi accumuler des dettes colossales auprès des organismes internationaux ? Pourquoi attendre de l’extérieur une aide qui ne peut être désintéressée, alors qu’il suffirait de lutter efficacement contre fraude et évasion fiscale... Même s’il faut en passer par quelques listings...

 

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