Koutchi de père en fils

Pour ceux qui doutent encore de l’importance des entreprises familiales dans notre Royaume, comme d’ailleurs dans le reste du monde, cette petite anecdote vécue récemment illustre le fait que l’entreprise familiale est partout, même là où on ne l’attend pas.

Ce samedi soir, je suis en direction de l’aéroport Mohammed V. J’ai commandé un taxi blanc dont le chauffeur m’avait donné sa carte il y a quelques temps. La conversation s’engage et Abdelkrim, un homme d’une cinquantaine d’années, m’explique qu’il n’est pas un taxi « classique » puisqu’il est titulaire d’une licence « toutes directions » qui lui permet de travailler partout au Maroc sans devoir obtenir d’autorisation préalable.

Cette licence particulière portant le n° 146 a été attribuée par le Roi Mohamed V à son grand-père dans les années 50. Celui était au départ un conducteur de taxi calèche, un koutchi, et il a bénéficié de l’attribution d’une des 200 licences « grand touriste » distribuées par le Roi. Ce sera d’ailleurs la seule et unique distribution de licences de ce type dans l’histoire dans transports au Maroc.

Le père de mon chauffeur héritera de cette licence à la mort de son père et épousera la profession de chauffeur de taxi après 15 ans passés aux côtés des militaires français. C’est à l’âge de 20 ans que Abdelkrim, le fils aîné, reçoit la licence, et reprend la charge occupée précédemment par son père et son grand-père.

Comme il me l’explique, cette licence est une partie du patrimoine familial. On la reçoit en héritage et on peut l’utiliser, la louer ou même la vendre. En cela elle constitue bien un capital, et même un capital rare du fait du faible nombre distribué. Pourtant, Abdelkrim a investi dans l’éducation de ses enfants, et il ne veut pas que ses fils fassent ce métier.

Mais si les enfants doivent suivre une autre voie professionnelle, la licence elle, doit selon lui, « rester dans la famille, car elle donne de l’honneur ». Ce sera donc aux enfants de décider en temps utile la manière dont ils souhaitent faire fructifier ce capital familial.

Cette petite leçon de vie et d’histoire m’a rappelé qu’au Maroc, le concept d’entreprise familiale recouvre des réalités bien différentes les unes des autres. Mais qu’il s’agisse d’une licence de taxi ou d’un groupe international, les questionnements sont similaires. En effet comment la famille peut elle continuer à faire fructifier le capital ? à qui doit-on transmettre la direction de l’entreprise et dans quelles conditions ? Quand doit-on décider de faire appel à un management extérieur à la famille ? Autant de questions qui méritent réflexion....

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