Edito 18: En quête d’une culture de leadership

Il est assez éprouvant de chercher à traquer l’existence ou du moins la reconnaissance de leaders dans une société qui se débat pour sortir de l’autoritarisme. Cela a été vrai dans la Russie post-soviétique, dans l’Allemagne post-nazie, comme il l’est, de manière plus ardue, dans des pays, comme le Maroc. La difficulté est double, dans notre cas. Il est vrai que, comme les pays précités, l’ombre d’un super-leader, charismatique, écrasant et inhibiteur d’énergies, reste pesante et omniprésente, des années après sa disparition. Mais, au-delà des personnes, chez nous, contrairement aux autres, les bases d’un système libéral et d’un État social permettant à des leaders positifs, insuffleurs  de dynamique vertueuse d’émerger, ne semblent pas encore réunies.

Qu’est-ce qui nous a persuadé, pourtant, d’aller à la recherche de cette culture de leadership ? Pourquoi aller sonder un concept principalement forgé par les Américains, développé dans une société hyper-individualisée ? L’irruption en 2011 de leaders virtuels dans l’espace public ? Sans doute, d’autant que nos travaux antérieurs sur les médias sociaux nous ont montré qu’une conglomération de mobilisateurs et de communicateurs se distinguait du lot et méritait d’être appréhendée à part, d’où les prolongements proposés dans ce dossier sur le leadership 2.0.

Ceci étant dit, la raison, plus circonstanciée, qui nous a convaincus de l’importance de cette question est le paradoxe marocain. Alors que son mode de gouvernance politique demeure autocratique, il développe des ambitions économiques de hub régional, et donc de leader régional. Alors que la culture de soumission, d’accommodement et de consensus prédomine, au sein des organisations économiques, tenues par une rationalité d’efficience, une nécessité de leadership semble se développer pour initier le changement et passer le cap crucial de la compétitivité.

Nous le montrons assez, cette culture-là, balbutiante, insondable à l’œil nu, est peu favorisée par l’école et autres structures de socialisation, même si certaines de ses prémices se manifestent de manière informelle ici et là. Aussi, au sein des organisations formelles, privées et publiques, objet de notre étude, elle ne pouvait être identifiée et appréciée à sa juste valeur sans un long travail d’exploration, de lecture et de terrain.

Il en ressort un fait marquant : les leaders, chez nous, ne sont pas reconnus pour leur vista ou leur capacité à se projeter, mais principalement pour leur intelligence émotionnelle. Cela montre que ce n’est pas tant la vision personnelle qui forge aujourd’hui le leadership, mais beaucoup plus l’écoute des autres. L’ère des leaders géniaux et déconnectés serait-elle révolue ou condamnée à revenir sous une forme plus sophistiquée ? À voir.

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