Maroc et Afrique subsaharienne : à la recherche d’une croissance partagée

Maroc et Afrique subsaharienne : à la recherche d’une croissance partagée

Sur l’échiquier géopolitique mondial, l’Afrique fait aujourd’hui l’objet de nombreuses convoitises : ses richesses naturelles et la taille de son marché (un milliard d’habitants) lui confèrent un terreau de croissance qui devrait rapidement porter ses fruits. Le continent est entré dans un processus de transformation et de diversification économique, soutenu par l’aide internationale et les investissements directs étrangers, eux-mêmes encouragés par les efforts de stabilité politique et d’institutionnalisation dans de nombreux États. La croissance annuelle du continent pour les prochaines années est estimée à 5%, une véritable performance dans la tourmente économique mondiale.

Le Maroc : un partenaire incontournable en Afrique subsaharienne

Située à un carrefour stratégique entre l’Europe, l’Asie occidentale et l’Afrique, la région nord-africaine occupe une position de choix pour devenir le trait d’union entre économies du Nord et pays candidats au développement au Sud. Conscient de ses atouts pour tirer parti de ce nouveau jeu de rôles, le Maroc déploie aujourd’hui son réseau d’influence sur tout le continent, et en particulier en Afrique subsaharienne. Cette stratégie doit d’abord servir ses performances commerciales : le Royaume, majoritairement dépendant d’une Europe en berne pour ses exportations et peu agile à s’intégrer dans l’économie mondialisée, voit dans l’Afrique subsaharienne un potentiel de croissance plus accessible et qui lui est déjà favorable. En effet, bien qu’encore timide, le commerce avec la région génère déjà un excédent en faveur du Royaume et présente un formidable potentiel de croissance grâce aux accords bilatéraux conclus avec divers pays d’Afrique subsaharienne.

Ce rapprochement avec le sud du continent africain, positionne également le Maroc comme un partenaire du développement dans la région. L’Afrique, qui est aujourd’hui le continent le plus pauvre de la planète, attire vers elle des aides et des investissements en provenance du monde entier. Parmi les mécanismes destinés à accompagner son développement au sud du Sahara, la coopération triangulaire ouvre de nouvelles perspectives. Son principe consiste à faire financer des projets d’infrastructure locaux par des donateurs du Nord et à en confier la réalisation à des pays africains. Ce mécanisme offre aux entreprises marocaines de belles opportunités pour faire valoir leur savoir-faire et se développer hors de leurs frontières. Certaines d’entre elles ont déjà franchi le cap de l’investissement de leurs capitaux en Afrique subsaharienne, en participant à de grands chantiers structurants. D’ailleurs, le Maroc est aujourd’hui le deuxième investisseur africain sur le continent et le premier en Afrique de l’Ouest.

Dans son jeu d’influence pour devenir la porte d’entrée sur l’Afrique subsaharienne, le Maroc dispose d’atouts majeurs et devance ses compétiteurs directs que sont la Tunisie et l’Algérie. Le Royaume entretient en effet d’étroites relations séculaires avec certains pays francophones de la région Ouest, aujourd’hui renforcées par la politique du Souverain Mohammed VI, qui mêle approches économiques et humanitaires. Par ailleurs, la stabilité économique du Maroc a contribué à améliorer l’environnement des affaires et l’image du pays. Son expérience dans les domaines de la modernisation de l’État, la gouvernance ou encore la réalisation de grands projets d’infrastructure, peut inspirer les pays subsahariens en développement, d’autant qu’elle est récente et géographiquement proche. Enfin, sur le plan financier, le projet Casa Finance City destine le Maroc à devenir une plaque tournante régionale, capable de drainer des capitaux étrangers (en particulier originaires du Moyen-Orient) et de lever des fonds prêts à être réinvestis sur le continent africain.

Des exportations timides mais vitaminées

Durant la dernière décennie, la coopération entre le Royaume et ses voisins du Sud s’est d’abord concentrée sur la mise en œuvre de projets de développement durable dans les domaines de l’assainissement, l’électrification, la gestion des ressources en eau et l’irrigation. Portés à l’origine par des entreprises publiques marocaines, ces projets ont progressivement associé le secteur privé, désormais présent dans des domaines aussi variés que les mines, la banque, l’assurance, les télécoms, le tourisme, l’habitat social, le génie civil...

Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne se concentrent encore fortement sur l’Afrique de l’Ouest et les principaux clients du Royaume sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Nigéria, le Ghana ou encore la Mauritanie. Ces échanges sont passés de 3,6 à 16,3 milliards de dirhams sur la période 2000-2012 et ont dégagé un excédent commercial de 9,1 milliards de dirhams en 2012, contre un déficit de 7,2 millions en 2000. Certes, ces volumes sont encore réduits — ils ne représentent que 2,9% des échanges globaux du Maroc en 2010 — mais laissent paraître une dynamique prometteuse puisque le poids de la région subsaharienne est passé de 50 à 72% du volume des exportations vers l’Afrique. Cependant, les performances marocaines restent fragiles : étant donné le poids des matières premières (les phosphates) et des produits agricoles dans les exportations vers l’Afrique subsaharienne (57% du total en 2010), le chiffre d’affaires du Royaume est fortement dépendant des fluctuations de la demande mondiale et du cours des matières premières. Cette fragilité rend la diversification de l’offre export indispensable et l’on prépare aujourd’hui l’émergence de nouveaux secteurs tels que l’aéronautique, l’automobile, les produits pharmaceutiques et l’électronique.

Pour soutenir la croissance et la diversification de ses exportations, le Royaume peut compter sur l’engagement de son Souverain. Les dispositions de Mohammed VI à l’égard de l’Afrique subsaharienne sont extrêmement favorables, comme le rappellent l’annulation de la dette des pays africains les moins avancés (PMA) et l’ouverture des frontières marocaines à leurs produits d’exportation en 2000. Les visites royales, de plus en plus nombreuses en Afrique, ont permis de signer quelque 480 accords, conventions et protocoles dans près de 40 pays. On attend en particulier beaucoup de l’accord conclu avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine en 2008, qui devrait bientôt entrer en application, pour donner du ressort aux échanges commerciaux et au développement humain sur la zone. La diplomatie économique du Maroc cherche, elle aussi, à promouvoir l’image du Royaume ainsi que le développement des échanges bilatéraux et la mobilisation de capitaux étrangers à destination du Maroc. Enfin, depuis mai 2009, le Royaume s’est également doté d’un plan national pour le développement et la promotion des exportations qui ambitionne de doubler la valeur des exportations nationales d’ici 2015 et de la tripler en dix ans. La conquête africaine n’ayant pas de frontières, les destinations promues s’ouvrent sur des pays anglophones, encore trop peu courtisés par les entreprises chérifiennes. 

Un avenir commun durable

Dans son approche des marchés subsahariens, le Maroc cherche à développer des relations de partenariat basées sur la confiance réciproque. Au-delà de l’échange purement commercial, les acteurs cherchent à créer de la valeur ajoutée partagée, en s’appuyant sur un cadre de régulation stable et transparent. Le Royaume est ainsi disposé à partager son expertise dans des domaines tels que la réforme du secteur public ou encore le renforcement du champ d’activité du secteur privé (gestion déléguée, concession ou privatisation). Il peut aussi faire valoir son nouveau statut de hub africain des investissements directs étrangers, et promouvoir son savoir-faire récent dans les domaines du transfert de technologies, de la recherche et développement et de l’innovation. Au-delà d’un partenariat fondé sur l’assistance technique, qui peut aller jusqu’à la recherche de financements, le Maroc a également su créer des conditions favorables à l’échange scientifique et au brassage culturel, pour que s’instaure une réelle relation de proximité entre les hommes : il facilite l’obtention de visas pour certains ressortissants africains, octroie des bourses à 3000 étudiants et propose des stages en entreprises et dans les administrations marocaines.

Pour consolider à l’avenir son rôle de partenaire économique et commercial privilégié auprès des marchés subsahariens, le Maroc devra pourtant être capable d’aller plus loin et d’adapter son offre. Les exportations chérifiennes sont encore trop dominées par des produits d’origine animale, végétale ou minérale, et ne se différencient pas suffisamment de celles de leurs concurrents africains. Or, les pays de la zone recherchent des produits manufacturés adaptés à leur faible pouvoir d’achat. À charge, pour le Maroc, de s’orienter vers une production de masse, de faible ou moyenne qualité, pour mieux maîtriser ses coûts et être capable d’offrir des produits de bon rapport qualité/prix, notamment dans les domaines du textile ou des biens de consommation courante. Il pourra pour cela s’appuyer sur son tissu industriel en pleine mutation qui, porté par l’afflux des investissements directs étrangers, transforme progressivement le Royaume en une plateforme de production et d’exportation à l’international.

Les entreprises marocaines tournées vers l’Afrique subsaharienne ont donc de belles perspectives de développement devant elles et sont fortement soutenues par la dynamique nationale d’exportation et d’ouverture. Elles peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un maillage du territoire africain à trois niveaux : un réseau bancaire marocain de plus en plus étendu et adapté à leurs besoins, des liaisons directes avec leurs marchés par voies aérienne, maritime et même routière (jusqu’à Dakar), et enfin des opérateurs télécoms bien implantés sur le continent. Il leur appartient d’en tirer le meilleur, au bénéfice de l’économie nationale et du développement africain tout entier.

 

 

Bibliographie:

 

- Rapport de la Direction des Études et des Prévisions Financières : Performance commerciale du Maroc sur le marché de l’Afrique subsaharienne, avril 2012.

                - Rapport de l’Office des Changes : Commerce du Maroc 2012, édition provisoire.