Chômeurs et entrepreneurs aux Pays bas

Chômeurs et entrepreneurs aux Pays bas

Avec 342 000 ressortissants résidant officiellement aux Pays-Bas, la communauté marocaine est le quatrième plus grand groupe d’immigrants dans ce pays (tableau). Leur migration aux Pays-Bas a commencé au début des années 1960.  Etant donné la croissance économique rapide de l’après-guerre dans ce pays et le manque  croissant de main-d’œuvre semi-qualifiée et non-qualifiée, les travailleurs migrants ont d’abord été activement recrutés en Italie, en Espagne, au Portugal, en Yougoslavie et en Grèce, mais, à partir de la moitié des années 60, la plupart des immigrés sont venus du Maroc et de Turquie. Le gouvernement néerlandais a formalisé  les pratiques de recrutement avec le Maroc en 1969. La plupart des Marocains avaient pourtant commencé leur propre migration, souvent aidés et encouragés par des membres de leur famille et par des amis déjà installés aux Pays-Bas. Entre 1960 et 1971, cette immigration marocaine était principalement masculine.

 

DU PROVISOIRE AU DÉFINITIF

L’État néerlandais, l’État marocain, et les immigrés marocains eux-mêmes, s’attendaient à ce que cette migration soit temporaire. Cependant, pendant les années 70, elle s’est muée en une installation permanente de ces «travailleurs-invités» et de leurs familles. Ce changement a principalement été dû à l’évolution des contextes économiques et politiques qui se sont opérés en Europe et au Maroc. La récession économique, les restrictions concernant l’immigration des ouvriers aux Pays-Bas et l’instabilité politique au Maroc ont amené les immigrés à remettre en question leur retour au pays. Bien que les autorités néerlandaises aient appelé à l’arrêt du recrutement, l’immigration marocaine a continué pendant les années 70, sous la forme du regroupement familial, et plus tard, dans les années 80 et suivantes, par la formation de familles. Cette réunification familiale de grande envergure explique l’installation aux Pays-Bas d’un plus grand nombre de Marocaines, ce qui a graduellement contribué à rééquilibrer le sex-ratio.

Actuellement, un peu plus de la moitié (51%) des immigrés marocains est née dans le pays d’accueil et appartient à la deuxième  génération. Seulement 4% d’entre eux ont 65 ans ou plus. Le taux de fécondité des Marocaines de la première génération détermine l’augmentation en nombre de la seconde. Durant la période 1980-1995, ce taux a fortement diminué, passant d’une moyenne de 7 enfants/femme au début des années 80 à une moyenne de 3,5 en 1995 et de 3,2 en 2004. En comparaison avec d’autres groupes d’immigrants, la fécondité des Marocaines reste plutôt élevée.

 

UNE IMMIGRATION ESSENTIELLEMENT RIFAINE

La majorité de ces immigrés marocains sont originaires du Rif  et donc 80% parlent une langue amazighe. Depuis la période coloniale et pendant le protectorat (1912 - 1956), cette région du Maroc tout particulièrement a vécu une période d’émigration. En général, les hommes ont émigré en France et en Espagne, pour rejoindre les armées coloniales, d’autres comme travailleurs saisonniers en France et en Algérie. D’autre part, la croissance du taux de chômage, celle du nombre d’habitants et la pénurie de nourriture résultant de mauvaises récoltes dans cette région principalement rurale et agricole, ont poussé les hommes à chercher du travail en Europe de l’Ouest. A cause de la guerre d’Indépendance, l’Algérie n’était plus une alternative pour l’emploi.

 

UNE POPULATION PEU SCOLARISÉE

En comparaison avec les autres groupes ethniques des Pays-Bas, le niveau d’éducation des Marocains est faible. Cependant, il s’améliore grâce à la deuxième génération qui est représentée dans l’enseignement supérieur et académique.  Les Marocaines sont encore moins scolarisées que les hommes mais elles les rattrapent rapidement. Presque 40% d’entre elles appartiennent au groupe des 19-65 ans et n’ont reçu aucune éducation, ou se sont arrêtées à l’école primaire. (26% pour les hommes de la même classe d’âge). Dans un même ordre d’idées, les Marocains considérés en tant que groupe sont à la traîne en matière d’éducation, au sein de la société néerlandaise. Cette faiblesse est un legs provenant du pays d’origine. Les adolescents qui ont en partie grandi aux Pays-Bas sont plus scolarisés que leurs pairs du pays d’origine. 30% des jeunes Marocains qui appartiennent à la tranche d’âge des 20-24 ans, ne possèdent pas de diplôme, et les 37% du  même groupe qui ont un diplôme ne dépassent pas le niveau faible du collège et par conséquent leurs qualifications ne répondent pas aux requis et besoins du marché de l’emploi, ce qui les met en position défavorable. Le faible niveau d’éducation perdure à cause de la migration continue et du fait que 60 % des partenaires marocain(e)s, candidat(e)s au mariage, n’ont absolument aucun niveau scolaire.

 

Par ailleurs, les enfants marocains en bas âge sont inscrits tardivement à l’école primaire. Ce retard est principalement dû au faible niveau d’éducation et à la connaissance limitée de la langue néerlandaise par les parents. Les pionniers de l’immigration marocaine, ceux qui sont arrivés pendant les années 60 et 70, avaient peu d’éducation.  Avec le changement de génération, ces facteurs d’environnement social finiront par perdre de leur importance et de leur influence. En attendant, le retard dont les jeunes Marocains souffrent à l’école primaire se perpétue au secondaire. Ils sont donc surreprésentés dans les niveaux faibles de l’école secondaire. Le nombre d’entre eux qui quittent l’école sans diplôme est élevé (21%). En revanche, ceux qui arrivent à terminer leurs études  secondaires réussissent aisément au supérieur et à l’université. Dans les premiers temps, c’étaient plus les hommes qui parvenaient au cycle supérieur/universitaire, mais les femmes les ont, par la suite, rattrapés, et sont même plus représentées à l’université qu’eux.

 

LA SITUATION SOCIO-ÉCONOMIQUE

En comparaison avec la population d’origine et d’autres groupes ethniques,  la  participation des Marocains au marché du travail est en retard. Cette situation s’explique par la représentation relativement négligeable des femmes marocaines sur le marché du travail et le nombre élevé de handicapés chez les hommes. De plus, les Marocains sont surreprésentés  dans les statistiques du chômage. Au milieu des années 90, un tiers des actifs marocains était au chômage. En 2002, le taux de chômage a diminué de 10% par suite de changements économiques. Depuis, la tendance a changé au désavantage des Marocains, avec un taux qui s’est stabilisé à 22%, le plus élevé parmi tous les groupes ethniques aux Pays-Bas (5% chez les Néerlandais d’origine). Même parmi les jeunes, le taux de chômage est élevé. L’immigration des partenaires au mariage, souvent non scolarisés, et qui parlent peu le néerlandais, a un impact négatif.

La faible participation au marché de l’emploi et les taux de chômage élevés sont responsables du nombre élevé de Marocains dépendant de l’aide sociale. En 2003, 29% de la tranche d’âge des 15-64 ans recevaient une aide sociale. Si l’on prend en compte le fait que l’aide sociale est attribuée à part et si l’on considère les niveaux bas de qualification, à catégorie socioprofessionnelle égale, le revenu moyen par ménage ne représente que 85% du revenu des ménages d’origine néerlandaise.

En revanche, on peut noter une croissance considérable de l’esprit d’entrepreneuriat chez les Marocains. Depuis 1986, le nombre de Marocains entrepreneurs s’est multiplié par cinq, mais, à cause du retard pris au démarrage, le nombre actuel d’entreprises appartenant à cette catégorie de population reste encore modeste. La première génération des Marocains aux Pays-Bas est souvent active dans le domaine de la vente au détail et dans la restauration. La deuxième génération l’est principalement  dans les domaines du conseil et des logiciels. Les raisons qui les poussent à entreprendre ne diffèrent pas de celles avancées par les Néerlandais d’origine : se réaliser, profiter des opportunités du marché,  devenir indépendant et utiliser ses talents personnels !