Un prix Nobel au chevet de la crise

Un prix Nobel au chevet de la crise

Auteur : Paul Krugman

 

Crise financière, économique. Parlons-en avec Paul Krugman, Prix Nobel d’économie. Mais parlons-en différemment. L’économiste nous en dresse le tableau et propose des solutions. 

C’est une dissection de la crise économico-financière à laquelle nous convie, Paul Krugman dans son essai, Sortez-nous de cette crise maintenant ! L’autopsie d’un crime, où  il  explique les tenants et les aboutissants dans un langage simple et accessible.

La crise tout le monde en parle mais que sait-on finalement de ses mécanismes ? De son évolution ? En manipulant les mêmes chiffres auxquels on nous a habitués, Krugman explique que l’économie pourrait repartir dans le bon sens et nous propose une fine analyse de la situation ainsi que des solutions.

Mais tout d’abord, prenons le temps de nous poser les bonnes questions au lieu d’attendre des réponses toutes prêtes.

Pourquoi, à titre d’exemple, la récession se poursuit-elle en Europe tandis que que les Etats-Unis ont pu relancer leur économie ? L’auteur nous invite  à nous interroger.

Pour comprendre ce qui s’est réellement passé, revenons au début de cette dépression économique qui a touché à la fois, l’Amérique et la zone euro.

Entre 2007 et 2010, ces deux puissances monétaires vivaient la même situation  d’affaiblissement et notamment un taux de chômage assez élevé. Mais à partir de 2010, la situation aux Etats-Unis s’était sensiblement améliorée. L’Amérique s’est mise à créer des emplois tandis que l’Europe a continué à creuser son taux de chômage.  

En 2012, le vieux continent est rentré officiellement en récession. Les taux de chômage en Grèce et en Espagne sont supérieurs à ceux que les Etats-Unis ont connus « au plus profond de la dépression »,  explique le prix Nobel d’économie.

La raison de cette flagrante différence revient à la doctrine austérienne qui a fait son chemin en Europe.  Selon l’auteur, les mesures d’austérité n’ont réussi qu’une seule chose : détruire les emplois. Aux Etats-Unis, les partisans de l’austérité ont été freinés et c’est ce qui semble avoir sauvé leur économie même si elle n’est toujours pas au meilleur de sa forme. « On a fait de l’austérité sauvage la condition de l’accès à l’aide pour les pays en difficulté. Pour bien évaluer la chose, songez que si les Etats-Unis devaient appliquer des coupes budgétaires et des hausses d’impôts de l’ampleur de celles imposées à la Grèce, leur montant atteindrait environ 2,5 billions de dollars par an ». Un exemple qui donne une idée de l’ampleur du drame et de la difficulté pour ces pays de s’en sortir. La situation ne semble pas prête à changer malheureusement pour des pays comme la Grèce où  la troïka : FMI, Banque centrale et Commission européennes continuent à conditionner les prêts d’urgence par les mesures d’austérité.  Les déficits se creusent tout autant que la crise. Un cercle vicieux dont ces pays ont du mal à s’en sortir.

Mais la zone euro semble souffrir d’autres maux, qui sont plutôt d’ordre structurel : « L’Europe n’est pas un tout, c’est un assemblage de nations possédant chacune son propre budget (parce que l’intégration budgétaire est très faible) et son propre marché du travail  (parce que la main-d’œuvre est peu mobile)- mais pas sa propre monnaie.  Et c’est cela qui crée la crise », explique l’économiste qui n’hésite pas à étayer sa thèse en donnant en exemple l’éclatement de la bulle immobilière en  Espagne et sa gestion dans la zone euro.

Alors,  peut-on sauver l’Europe aujourd’hui ? L’auteur parle à la fois de « course au désastre » et de possibilités de changement. Jusqu’à maintenant, la zone euro demeure très menacée économiquement et profondément instable.

Pourtant, poursuit l’analyste, « La crise que nous vivons est totalement injustifiée », Il propose des solutions qui semblent évidentes et pourtant…

 

Le traitement 

 

Une fois le diagnostic établi, l’auteur propose de soigner les blessures et les maladies dont souffrent les Etats en récession. L’économiste plaide pour une politique expansionniste, créatrice d’emploi. Et invite à discuter « du rôle de la politique monétaire, des implications de l’endettement des Etats ». Il questionne à ce propos le marché monétaire et nous rappelle que les coûts de l’emprunt sont très bas et que l’Amérique a eu bien raison d’emprunter. Il va encore plus loin en disant qu’elle « devrait emprunter davantage ».

Pour expliquer sa théorie, Krugman n’hésite pas à faire le comparatif avec la dépression de 1930. Il revient à la stratégie keynésienne et en fait un véritable cas d’école qu’il résume en : dépenser plus pour gagner plus. Une leçon de l’histoire qui nous apprend, entre autres, que remettre le secteur privé sur pied demeure un des préalables à cette remise en marche.

 

Revenons à l’euro. La monnaie unique semble être un des handicaps majeurs de l’Europe. Si l’auteur est un eurosceptique, il n’est pas non plus pessimiste. Selon lui, il n’est pas nécessaire de faire marche arrière et se débarrasser de la monnaie européenne pour s’en sortir, d’ailleurs cela risquerait de créer une autre crise de confiance.  Il propose alors un plan de sauvetage pour l’euro. D’abord les Etats devraient trouver le moyen de garantir les liquidités nécessaires.  (C’est ce qu’ont fait les Etats-Unis en empruntant dans leur propre monnaie).

Ensuite il faudrait que, «  les pays excédentaires deviennent la  source d’une forte demande pour les exportations des pays déficitaires », indique-t-il.

Au vu de l’état de l’Europe aujourd’hui, on voit bien que les politiques restrictives brutales n’apportent par leurs fruits.

L’Europe semble se tromper de chemin selon Krugman qui explique à titre d’exemple que le problème de la Grèce n’est pas dû à l’irresponsabilité budgétaire (comme on nous a toujours fait croire) et considère, à juste titre, que le remède ne devrait être une restriction budgétaire non plus.

Krugman termine sur une note d’espoir : Rien ne réussit mieux que la réussite.  

 

Par : Amira Géhanne Khalfallah 

 

Paul Krugman. Sortez-nous de cette crise…maintenant

Champ actuel. 283 pages. 88 DH.