Méditerranée : relançons le voisinage !

Méditerranée : relançons le voisinage !

Auteur : Jean-Louis Guigou

Jean-Louis Guigou, délégué général de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), relance le débat sur la complémentarité Nord-sud et écrit : Le nouveau monde méditerranéen.

Le Nord et le Sud, n’ont plus le choix que d’exister ensemble, de collaborer dans l’équité pour un développement plus écologique et social dans des rapports équitables. L’Asie et l’Amérique l’ont bien compris. L’Europe devrait aussi tirer profit des innombrables opportunités qu’apportent les pays du Sud mais sans les erreurs du passé. Eviter les rapports de supériorité et d’obédience y va de l’avenir de tous. La coopération est la seule solution pour bâtir le futur. Pour cela, les bases sont « une économie décentralisée et productive, participative et anticipative, et non pas ce capitalisme financier, court termiste, globalisé, mais sans régulation et spéculatif », prévient l’économiste.

Jean-Louis Guigou explique comment établir des relations justes et de confiance entre les deux bords de la Méditerranée en prenant compte de la nouvelle configuration post- révoltions arabes. Il faut commencer d’abord par définir les besoins. Ces derniers semblent clairs. Les pays du Sud possèdent la jeunesse, les marchés et l’énergie, l’Europe de sa part peut apporter, les technologies et la gouvernance. « Les sociétés arabo-musulmanes en pleine révolution se découvrent plurielles et cherchent elles aussi un « compromis historique » entre les croyants fanatiques et les musulmans laïcs. De son côté, l’Europe élargie libérale et intergouvernementale est à bout de souffle et plus largement, l’ère post-occidentale est engagée face aux grands émergents et aux grandes régions mondiales », renchérit Guigou.  Pour sortir de l’impasse, il propose un plan de convergence qui rapproche l’Europe de l’Afrique et non de La Chine. Cette proximité favoriserait les échanges économiques (surtout énergétiques : solaire dans un proche avenir) sans oublier l’aspect civilisationnel et les convergences culturelles des deux bords de la méditerranée. Mais pour atteindre ces objectifs, il faudrait établir des règles économiques, écologiques et éthiques claires. « Agissons à contre courant », lance Jean-Louis Guigou qui précise qu’aujourd’hui « l’avenir de l’Europe passe par la Méditerranée et que l’avenir des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée passe par un arrimage à l’Europe ».

Mais comment embarquer dans ce nouveau monde ? Les tentatives du passé se sont avérées désastreuses.  Pour comprendre les enjeux du présent, il faudrait peut être se tourner vers ce passé si peu glorieux mais qui peut aiguiller notre avenir.

Pour cela l’auteur nous conduit aux origines de la « crise méditerranéenne » qui a coïncidé avec la découverte de l’Amérique. Le nouveau monde a fasciné avec l’abondance de ses  richesses. L’Europe a alors délaissé l’Afrique et s’est tournée vers l’Amérique. Mais trois siècles plus tard, l’Amérique a chassé ses conquérants. Le clivage a été irréversible en 1776 date de la création des Etats-Unis.

 

Le retour de l’Europe en Méditerranée…

Les Européens en sont revenus forts. Leurs voisins du Sud n’ont pas connu la même croissance. L’Europe de plus en plus puissante va coloniser l’Afrique et le monde arabe avec toutes les conséquences que nous connaissons aujourd’hui. (Source de conflits insolvables notamment au Moyen-Orient).

Mais nous sommes aujourd’hui à une toute autre époque, celle qui annonce un nouveau cycle économique, un cycle long, disent les économistes. (troisième révolution industrielle selon Rifkin).

A l’heure de la transition énergétique et de la révolution numérique, il est indispensable de  repenser, les liens et les rapports entre les Etats. Depuis toujours, les relations entre pays sont jugées du point de vue commercial et politique. Guigou nous propose un autre schéma et une toute autre analyse qui s’appuie d’ailleurs sur des travaux antérieurs (notamment ceux de Jacques Berque).

La différence entre les pays est une richesse qu’on pourrait exploiter autrement qu’à travers des conflits et la colonisation. Ces différences culturelles, géographiques, politiques peuvent aboutir à ce que Berque a dénommé la Méditerranée plurielle, « faite de jonction, de mixité, de respect mutuel….je rajouterai d’innovation scientifique, économique et culturelle », complète l’auteur.

Guigou propose ainsi de relancer le voisinage. Nous avons aujourd’hui, trente ans, selon l’essayiste pour y arriver. L’avenir est à une « communauté euro-méditerranéenne de l’énergie, un élargissement du mandat de la Berd à ces pays, une augmentation du soutien financier, une plus grande ouverture aux entreprises et aux initiatives de la société civile ».

Sur l’ensemble des relations commerciales, l’Europe est le premier partenaire des pays du sud-méditerranéen. Mais aujourd’hui cela ne suffit plus ! Les ressources des pays du Sud s’épuisent. Quel avenir pour les deux rives alors ?

Il est temps de mettre en place un ancrage en profondeur, de poser les bases d’un partenariat égalitaire, et cesser de voir en l’autre une source d’énergie sans plus. Un nouveau modèle est à inventer. Il semblerait qu’il est à chercher non seulement du côté des politiques mais également de la société civile.  

Guigou propose de  donner la parole en Europe aux musulmans progressistes et patrons d’entreprises, la création d’un secrétariat d’Etat aux études méditerranéennes, mettre sur pied une institution financière euro-méditerranéenne, lancer un programme d’échange d’expériences et de brassage des élites…

Mais quels moyens pour faire aboutir d’aussi ambitieux projets, Guigou ne le dit pas dans son ouvrage !

 

 

Par : Amira Géhanne Khalfallah

 

 

Jean-Louis Guigou

Le nouveau monde méditerranéen

Descartes & Cie

Casa express Edition

157 pages

100 DH