Emploi : Outsourcing America

La question de la délocalisation des industries manufacturières s’est trouvée subitement et simultanément, au cœur de débats nationaux aux USA, en France et au Maroc ! Chacun à sa manière bien sûr, mais  il est évident que le problème du chômage- qui martyrise  les décideurs et pour lequel chacun espère trouver une solution durable à sa mesure,-  se profile derrière ces débats.

Pendant longtemps pour les Américains et les Français,  l’installation ou le départ d’usines  d’un lieu ou d’un pays était une question strictement économique ; on estimait que les politiques publiques ont un rôle incitatif, elles n’ont pas à se mêler des choix économiques des entreprises. Aux USA  plus qu’en France,  on a laissé  faire ces entreprises et on s’est rangé du côté de la  loi souveraine du marché. D’ailleurs qui aurait pensé quitter les avantages comparatifs réels américains pour aller ailleurs ? Terrains pas chers, obligations sociales limitées, cadre législatif très libéral et état de droit …

Au Maroc par contre, la question se pose en termes de pays d’accueil potentiel des industries et activités délocalisées. Mais le fait est que l’économie de rente a le dessus, de manière que le tissu industriel  en dépendait presque exclusivement, on ne s’installait plus chez nous-depuis la fin de la colonisation- que dans le cadre de décisions et protections politiques concertées. Cela se passait  et se passe dans une logique qui dépasse la seule entreprise concernée… La question relevait d’un cadre biaisé  souvent extra économique...La situation a continué à prévaloir même après les accords d’association avec l’UE. Il y a eu bien sûr l’époque de la sous-traitance, mais avec les mêmes contraintes extra économiques, et cela continue d’ailleurs à prévaloir encore aujourd’hui.

Bref à chacun sa recette. Les Etats-Unis sous  la pression idéologique des néoconservateurs  ont préféré gagner des marges dans les salaires et les performances de la  main-d’œuvre asiatique en Chine et aux pays du Sud-est au détriment des Américains eux-mêmes, avec l’illusion de pouvoir maîtriser  toute la chaine et drainer les bénéfices en gardant le contrôle de la conception, de la recherche et de la stratégie.  Progressivement une grande partie du patrimoine et du savoir faire américains sur le plan industriel se sont exilés, la désindustrialisation de l’Amérique  commençait déjà réduisant la substance économique de ce pays à de simples bureaux de vente pour des produits faits et conçus ailleurs.

Comment croire que la destruction d’emplois de plus en plus qualifiés et le transfert à l’étranger des technologies de pointe, pourraient apporter la prospérité ? Les Américains, boostés par l’intégrisme néo libérale en vogue, y ont cru !

La France, plus rigide que l’Amérique, a fait pourtant le même choix, compétitivité et concurrence obligent ! Le fleuron de l’industrie automobile  a choisi des chaînes de production hors de l’Europe, pareil au textile à l’électronique, l’aéronautique,….

Le Maroc  lui, rêvait avec le début de réformes structurelles lentes et difficiles, de devenir le réceptacle de ces industries qui fuyaient les pays développés, et pensaient aux marges qu’il offrait à ces industries, en termes de proximité géographiques des marchés et des matières premières,  ainsi que de salaires relativement bas. Après avoir vécu sur les promesses miroitées des investissements de l’Europe et du Golfe ce fut le désenchantement, la crise qui sévit depuis le début du millénaire ,a fait  coincer la  machine d’ en haut, la manne ne s’est pas concrétisée, la délocalisation ne se fera plus vraiment .Pour plusieurs raisons, face  au prétendu attrait du coût de la main d’œuvre marocaine il y a partout moins cher, coté qualification le retard avantage d’autres destinations et surtout,  les bailleurs de fonds n’investissent plus ou le font dans le cadre de préférences nationales.

Pour comprendre le drame dans lequel le néolibéralisme idéologique a plongé l’économie mondiale, il faudrait jeter un coup d’œil sur le livre militant américain intitulé « « Outsourcing America » (délocaliser l’Amérique) publié par l’American Management Association. Cet ouvrage dont les  auteurs sont Ron et Anil Hira ne manque pas de pertinence, il s’agit de deux frères, l’un est professeur à l’Institut de technologie de Rochester, l’autre professeur à l’Université Simon Fraser. Les auteurs notent que ce sont les emplois du « Rêve Américain » qui sont aujourd’hui visés par la délocalisation : l’analyse boursière, les technologies de l’information, la comptabilité, l’architecture, l’ingénierie technique de pointe, l’information, et les services médicaux et juridiques. Il s’agit d’emplois permettant de gravir l’échelle sociale et qui génèrent l’essentiel des recettes fiscales finançant l’éducation, la santé, l’infrastructure et les systèmes de sécurité sociale en Amérique.

Selon ces auteurs,  Aux Etats-Unis, le ministère du travail fédéral américain reconnait que : « plus d’un travailleur sur trois dont l’emploi a été délocalisé reste au chômage ». Autre effet, très souvent passé sous silence dans les études et rapports faits sur la question est  que « la délocalisation a entraîné aux USA  un chômage record dans les domaines de l’ingénierie et une baisse importante des inscriptions à l’université dans les disciplines techniques et scientifiques.».

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