Le Coran bien loin du dogme et tout prêt de la raison et de la réflexion

Le Coran bien loin du dogme et tout prêt de la raison et de la réflexion

Auteur : Mahmoud Hussein

Après Al-Sîra, (le Prophète de l'Islam raconté par ses compagnons -Grasset -2005 -2007) et Penser le Coran, parus chez le même éditeur en 2009, Bahgat El Nadi et Adel Rifaat, alias, Mahmoud Hussein, reviennent avec un nouvel essai : Ce que le Coran ne dit pas.

Un titre qui interpelle, irrite certains et affranchit d’autres.

Le livre s’ouvre ainsi : « Lire le Coran. L’aborder d’un œil vierge. Le  découvrir par soi-même. L’explorer au fil de sa liberté ». De prime abord, les Mahmoud Hussein nous préviennent : Il va falloir penser, se défaire de tout ce que l’on sait, renoncer à nos repères habituels et tout ce qu’on a appris par ailleurs ! En contrepartie, ils nous offrent des horizons plus larges, ouvrent de nouvelles voies  et proposent d’aller au fond des choses. Refusant tout enfermement de la religion musulmane dans une lecture littéraire qui ne reconnaît ni le temps ni l’espace, les essayistes nous présentent une lecture libératrice !

Un  petit livre (110 pages) très riche, dense, foisonnant d’informations et d’explications. Les deux auteurs, amis et complices dans la vie, d’origine égyptienne vivant à Paris depuis quelques années, ont appuyé des lignes qu’ils avaient déjà tracées dans Penser le Coran. Avec ce nouvel essai, ils nous proposent d’aller aux origines de la Révélation. Ils nous conduisent vers un chemin spirituel loin du dogme, nous engagent dans un procédé de réflexion. Là où tout un chacun devient acteur de sa destinée, et maître de ses croyances. Les Mahmoud Hussein nous restituent cette liberté de penser propre à la religion musulmane et qui a longtemps été occultée.  A travers cette nouvelle lecture (voie), « Le croyant découvre ainsi qu’il n’est pas tenu de suivre telles quelles les prescriptions que Dieu a destinées à une période désormais révolue. Il retrouve sa liberté intérieure. Et avec sa conscience, entre les versets qui l’obligent et ceux qui ne le concernent plus».

Liberté, libre-arbitre, Ce que le coran ne dit pas est jonché de ces paroles libératrices. Mais si tel est le message de la Parole Divine, pourquoi sommes-nous arrivés aujourd’hui à un tel enfermement ?

Pour comprendre la situation actuelle, il faut suivre les auteurs aux sources du clivage, à ce débat vieux de plusieurs siècles, qui consiste en l’opposition entre les conformistes et les rationalistes. Pour les premiers « l’homme est dépourvu de la capacité de créer des actes » pour les seconds,  Dieu a doué les hommes « d’une capacité de jugement rationnel et d’une puissance créatrice, nommée qudra, en vertu de laquelle ils peuvent produire des actes libres. Le libre-arbitre humain ne s’oppose pas  à la toute-puissance divine ». Contre les Mu’tazilites (rationalistes), se dresseront Ibn Hanbal et al-Ash’arï, en gardiens de la Tradition et c’est leur lecture de la religion qui l’emportera pendant des siècles.

Le caractère immuable du Coran est ainsi décrété. Il règnera sur le monde musulman pendant de longs siècles.

 

Une religion où l’intelligence est possible  

Ceux qui connaissent les Mahmoud Hussein remarqueront l’évolution de leur écriture. Dans, Ce que le Coran ne dit pas, ils creusent davantage de sillons pour aller à l’essentiel. Les auteurs ont trouvé outil et matière autant dans le coran que dans la vie du prophète sur laquelle ils se sont penchés pendant de longues années. Ils nous livrent le résultat de leurs recherches et l’énoncent clairement en trois constats.

Premier constat : «  la parole de Dieu ne se confond pas avec Lui. Dieu est éternel, mais Sa parole épouse souvent les préoccupations d’une époque historique déterminée, celle de l’Arabie du VIIème siècle, en se référent à des personnes, à des événements, à des problèmes, inscrits dans le temps terrestre ».

Ils confortent ainsi la thèse du Coran « créé ». Pour cela, ils s’appuient sur des versets coraniques, se réfèrent à l’histoire même de la Révélation qui a pris 22 ans.  « Les incroyants ont dit : Si seulement le Coran avait été révélé d’une seule traite ! Nous l’avons ainsi révélé pour que ton cœur en soi affermi. Et nous l’avons scandé mot à mot ». XXV 32.

Selon Les Mahmoud Hussein ce verset est la preuve même du caractère évolutif du Coran.  Dans ce chapitre, d’autres exemples viennent étayer cette thèse.

 

Deuxième constat : « La parole de Dieu ne « descend » pas sous forme de monologue, mais sous forme d’un dialogue entre ciel et terre ». Nous entrons alors dans l’Arabie du 7ème siècle et les préoccupations du moment. Dans ce chapitre, les auteurs reviennent sur les circonstances de la révélation, le contexte de l’époque pour resituer certains versets à leur juste valeur. Toute l’organisation sociale de l’Islam s’inscrit dans le circonstanciel. Cela ne veut absolument pas dire que les versets qui s’y affairent  sont à renier. Mais seulement à placer dans leur contexte, qu’ils nous servent d’exemple dans leur esprit et essence « Le croyant peut toujours y trouver une leçon à méditer, une inspiration à suivre, une réflexion à déployer », précisent les auteurs.

 

Troisième constat : « Dieu n’a pas donné à tous les moments de Sa Parole la même portée. Il prononce des vérités d’ordres différents, entrelaçant l’absolu et le relatif, le perpétuel et le circonstanciel. Un grand nombre de versets revêtent une portée qui déborde le cadre temporel où ils ont été révélés, qui touche au fondements spirituels,  métaphysiques, eschatologiques de l’Islam ».

Aussi, la question des versets abrogés y est relevée pour dire l’aspect évolutif du message divin, le situant ainsi dans l’espace et le temps.

Les essayistes nous transportent vers un autre niveau de compréhension, là où chacun est autorisé à utiliser son intellect pour trouver sa voie, là où la raison et la réflexion l’emportent, là où les mots ne sont pas dépourvus de leurs sens cachés, là où l’intelligence est possible.

Prendre acte, c’est ainsi qu’on pourrait résumer cet essai plein d’amour, précis sans lourdeur et fluide sans légèreté.

 

Par : Amira Géhanne Khalfallah

 

Ce que le Coran ne dit pas

Mahmoud Hussein

Grasset

110 pages

9 euros