Restaurer la confiance au travail

Restaurer la confiance au travail

Auteur : Luc Brunet et André Savoie

Les chercheurs canadiens Luc Brunet et André Savoie se penchent sur le climat de travail et ses répercussions en termes de performance et de santé.

Entreprise, association, administration… toute organisation fonctionne comme un organisme qui a son pouls, son énergie, et qu’une approche purement rationnelle, fondée sur les seuls business-plans et l’analyse de l’environnement socio-économique, des métiers et des contraintes réglementaires, ne suffit à appréhender. Luc Brunet et André Savoie sont docteurs en psychologie du travail et des organisations et enseignent au département de psychologie de Montréal. Ils se penchent sur un aspect souvent minoré voire occulté de la vie de toute organisation : les interactions entre ses acteurs, et la façon dont circule entre eux l’énergie. L’enjeu est loin d’être secondaire : il y va en effet de la santé au travail, mais aussi de la capacité à réaliser les objectifs de fonctionnement, de développement et de performance.

« C’est par la perception de leur climat de travail que les acteurs d’un système interprètent la réalité organisationnelle les entourant. Ainsi, la façon dont les membres d’une organisation voient leur environnement est (finalement) beaucoup plus importante dans la détermination de leur comportement que ne l’est la réalité objective. » Si en effet « le travail donne un sens à la vie », les conditions dans lesquelles on l’exerce sont source soit d’épanouissement et d’accomplissement, soit d’aliénation et de détresse. Pour les coauteurs, connaître le climat de travail a des implications très concrètes : « anticiper des conduites, faire le point sur des conduites, développer des projets de changement, faire une bonne planification, améliorer l’efficacité de la formation et du perfectionnement, améliorer la confiance du personnel dans l’organisation, développer la coopération, prévenir la délinquance organisationnelle et agir sur la santé psychologique au travail. » Bref, pas d’innovation ni de créativité sans un climat sain.

 

Condition de la santé et de la créativité

 

La première partie de l’ouvrage retrace l’histoire du concept depuis les années 1930 et surtout 1960 et fait la synthèse de la vaste littérature existante sur le sujet, vaste mais variable et fragmentaire en fonction des objectifs des chercheurs. À l’origine, une étude de Lewin, Lippitt et White de 1939, constatant que « les garçons qui travaillaient sous un leadership participatif avaient une meilleure productivité que ceux qui effectuaient la même tâche sous u leadership autoritaire. » Beaucoup d’auteurs insistent sur l’importance de la perception de l’environnement social et organisationnel. Certains soulignent la nécessité qu’il y ait une perception partagée par la majorité des membres d’une organisation. Le fait que ces perceptions aient une influence sur les comportements est également retenu comme un critère important. Bref, il s’agit d’une construction, qui joue un rôle sur la santé psychologique des employés tout comme elle influe sur le façonnement de la vie de l’organisation. Luc Brunet et André Savoie distinguent les notions de climat de celles, avec lesquelles il y a parfois confusion, de culture et de leadership. Ils proposent ensuite une typologie des climats de travail, selon qu’ils sont ouverts ou fermés, et y distinguent des degrés, de désagréable à pathologique en passant par malsain, et inversement de consultatif à inventif. Une autre typologie est proposée, axée sur l’articulation confiance / méfiance.

Le second chapitre envisage le climat de façon dynamique, étant donné que les variables qui le composent sont multiples et en interaction. Tout en soulignant leur interdépendance dans les faits, les coauteurs distinguent à des fins pédagogiques divers types de variables. D’abord les variables causales : structure organisationnelle, politiques et règlements, culture organisationnelle, système de récompenses et de punitions et leadership. Il y a ensuite des variables résultantes : degré d’autonomie au travail, de contrôle sur son propre travail, environnement physique immédiat, considération et respect, qualité des relations au sein du group et système de mobilisation en vigueur. Des variables modératrices individualisent la perception des variables constituantes et le comportement de chacun. Enfin, ils énumèrent les variables finales : implantation d’un changement organisationnel, délinquance organisationnelle, engagement envers l’organisation, éthique au travail, relations de travail et syndicalisation, santé psychologique et sécurité au travail, absentéisme, taux de roulement, perfectionnement des ressources humaines, satisfaction et rendement au travail, et efficacité organisationnelle globale. Gestion participative, actes délictueux, violences, transferts d’apprentissage ou syndication… Tous ces éléments sont analysés à la lumière du type d’organisation.

La troisième partie porte de façon comparative sur les outils de mesures élaborés par divers chercheurs pour apprécier le climat de travail : « Ce  qui fait la force d’un questionnaire sur le climat de travail est sa capacité de regrouper et de représenter les dimensions primordiales qui composent le climat. L’élément-clé, sur ce point, est la saisie des perceptions individuelles des stimuli, des contraintes et des possibilités de renforcement jugés cruciales par les individus. » Enfin, la dernière partie envisage la méthodologie et les étapes de la consultation en climat organisationnel en vue d’un changement.

Un ouvrage théorique, richement documenté, qui sera d’une grande utilité avant tout aux managers, DRH et consultants.

 

Par : Kenza Sefrioui

 

Le climat de travail, au cœur de la dynamique organisationnelle

Luc Brunet et André Savoie

Éditions EMS, Les essentiels de la gestion, 176 p., 260 DH