La transparence budgétaire, c’est possible ...

La transparence budgétaire, c’est possible ...

Auteur : Azeddine Akesbi, Mohamed Boussetta

L’accès à l’information et le contrôle social sont supposés participer au fonctionnement démocratique et fournir un certain pouvoir aux populations. Ils permettent également d’exercer les pressions requises pour assurer une plus grande efficacité dans l’utilisation des deniers publics et assurer une plus grande chance pour que les dysfonctionnements soient identifiés et corrigés.

Cette approche rejoint et consolide l’action des différents acteurs qui préconisent de combattre le gaspillage et la corruption par la réduction des pouvoirs discrétionnaires des responsables, la  lutte contre l’opacité et la promotion de la transparence.

Globalement, l’enquête sur le budget ouvert 2008 indique que l’état de la transparence dans le monde est déplorable. Dans la plupart des pays enquêtés, le public n’a pas accès aux informations détaillées nécessaires pour participer au processus budgétaire et pour exiger du gouvernement qu’il rende des comptes. Ce manque de transparence encourage les dépenses inappropriées et la corruption ; il réduit en outre la redevabilité des décideurs politiques et économiques vis-à-vis des citoyens.

PRINCIPAUX RÉSULTATS

Les résultats du budget ouvert  reflètent la quantité d’informations budgétaires pertinentes et publiquement accessibles au niveau des huit documents budgétaires de base1. D’après  les résultats de 2008, une catégorisation a été conçue en cinq groupes de pays.

Le premier groupe ayant un score  compris entre  81 et 100 fournit des informations approfondies ;

Le second groupe (entre 61 et 80%) fournit des informations significatives;

Le troisième groupe (entre 41 et 60%) fournit  quelques informations ;

Le quatrième groupe (entre 21 et 40 %) fournit des informations minimales ;

Enfin, les pays ayant un  score qui se situe entre 0 et 20% fournissent peu ou pas d’informations au public et à leurs citoyens.

Les bons résultats de certains états comme l’Afrique du Sud, la Slovénie, le Sri Lanka, le Botswana, voire l’Egypte, démontrent que les pays en voie de développement peuvent être transparents si leurs gouvernements ont la volonté d’être ouverts et responsables devant leurs citoyens. Ainsi, l’Egypte a gagné 25 points passant de 18% à 43 % grâce essentiellement à la  publication du projet du budget de l’Exécutif.

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LES PERFORMANCES DU MAROC

Le classement du Maroc apparaît mauvais, aussi bien pour l’édition de 2006, puisqu’il s’est classé 53ème sur 59 pays avec une note de 19 sur 100, que pour l’édition 2008, durant laquelle il a occupé le 59° rang sur un total de 85 avec une note de 27 sur 100. Il fait toujours partie de l’avant dernier groupe de pays qui fournissent une information minimale à leurs citoyens, même si son score s’est quelque peu amélioré entre les deux années.

Notre pays  est surtout pénalisé par le grand nombre de scores d (52) et de scores c (36), qui tirent vers le bas son classement et limitent la note obtenue. Les défaillances apparaissent particulièrement au niveau de l’absence d’un budget citoyen, de l’inexistence ou la non publication d’un véritable budget  en milieu d’année, de l’absence d’un rapport d’audit, etc.

Le classement du Maroc s’explique  aussi par d’autres facteurs comme le caractère global  et agrégé  des données budgétaires (recettes et dépenses), la non publication de statistiques pluriannuelles au niveau de la proposition budgétaire, le pouvoir d’amendement très limité des parlementaires – surtout avec l’utilisation abusive de l’article 51 –, l’importance des fonds secrets et extra budgétaires, le peu d’intérêt accordé à la loi de règlement, etc.

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On peut souligner également que la question de l’absence d’une loi ou d’une législation qui garantit à ses citoyens l’accès à l’information se pose avec une grande acuité. Son adoption est de nature à contribuer à  une amélioration significative de notre classement en favorisant la transparence budgétaire.

 

Quelques définitions

Transparence budgétaire : «Le fait de faire pleinement connaître, entemps opportun et de façon systématique l’ensemble des informations budgétaires» (référence de cette définition ?)

Pré budget : publié au plus tard un mois avant l’introduction de la proposition budgétaire, il doit formuler explicitement les objectifs de la politique économique et budgétaire à long terme et mettre la lumière sur le niveau total des recettes et dépenses, du déficit ou, de l’excèdent, et de la dette.

Budget citoyen : C’est un résumé simplifié du budget approuvé. Diffusé au travers des médias, il doit être accessible au plus large public. Rapport en milieu d’année : Il doit fournir une mise à jour complète de l’exécution du budget, notamment une prévision des résultats budgétaires pour l’année en cours et pour les deux années suivantes au minimum. Il doit également permettre de réexaminer les hypothèses économiques qui sous-tendent le budget.

Rapport d’audit : Publié par un organe indépendant, il rapporte annuellement les résultats au législatif et au public. Il doit contenir toutes les activités entreprises par l’Exécutif et sa publication doit se faire dans les 12 mois qui suivent la fin de l’année budgétaire.

 

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QUE FAIRE ?

En fait, des progrès significatifs pourraient être réalisés rapidement et à un coût nul ou  faible.  Entre 2006 et 2008, de nombreux gouvernements ont décidé de mettre à la disposition du public les informations existantes, pour une utilisation en interne, ou celles produites déjà pour les organismes internationaux, et de produire ou de compléter certaines informations budgétaires publiées (pluri annualité des recettes et des dépenses, accélération du règlement du budget, etc.).

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Dans  notre pays, des améliorations immédiates sont possibles :

Du score  «d» vers «a» :

• Préparation et publication du pré budget et du rapport mi-annuel, voire même du budget citoyen ;

• Inclure dans la proposition budgétaire des estimations multi annuelles ;

• Mener et publier une analyse de sensibilité sur le budget ;

• Fournir dans la proposition budgétaire des données et statistiques au delà de l’année T-1 ;

• Initier une loi réglementant à temps et une loi relative à l’accès du public à l’information ;

• Consulter le Parlement et le public sur les priorités budgétaires ;

• Mettre à la disposition du public certaines informations disponibles en interne : distribution du poids de l’impôt, précision des conditions associées à l’assistance financière internationale.

 

Méthodologie de l’Open budget

L’étude openbudget (ou budget ouvert) est fondée sur un questionnaire préétabli et uniforme. Il est composé de 123 questions, dont 91 évaluent l’accès du public à l’information et forme l’index sur le budget ouvert. 32 autres concernent des questions liées à la participation publique aux débats budgétaires, ainsi qu’au renforcement de la supervision budgétaire.

Les questions sont soumises à une échelle de notation composée de quatre notes : a signifie que l’information est totale et disponible (100%) ; d correspond à l’absence ou à la non disponibilité de l’information (0%).

En fonction de ce qui est publié, la réponse peut être a (100%), b (66%), c (33%) ou d (0%). Cette échelle permet de calculer des scores pour chaque pays sur la base des réponses aux questions et ensuite leur classement.

L’indice sur le budget ouvert est la moyenne des réponses aux questions relatives à la mise à disposition de l’information pour le public.

Pour l’exercice 2008, il a été inclus la possibilité pour les gouvernements concernés de réagir aux documents et de présenter leurs remarques, mais très peu de pays ont eu recours à cette possibilité. Le Maroc n’a pas utilisé cette option, malgré les contacts faits dans ce sens par Transprency Maroc et par le Centre du Budget et des Priorités Politiques.

Des progrès sont possibles :

• Au-delà de l’accès aux documents de base, il faudrait améliorer la qualité et la pertinence  de l’information disponible pour les citoyens (répartition de la charge fiscale, impact de certains grands projets, etc. ;

• Améliorer la participation des citoyens au processus budgétaire, notamment par l’organisation d’audiences publiques sur le budget, auxquelles seront associés les citoyens et les médias ;

• Développer l’indépendance de la Cour des comptes et renforcer ses moyens humains et financiers, tout en donnant des suites à ses rapports.

En résumé, l’enquête openbudget 2008 (comme celle de 2006) dans le cas du Maroc montre qu’il est difficile pour les citoyens de tenir le gouvernement pour responsable de la gestion des deniers publics. Le budget offre un minimum d’informations pertinentes et ne permet pas aux citoyens d’avoir une vision claire et compréhensive des finances publiques. De même, l’accès aux informations détaillées pour comprendre des projets spécifiques est très limité, voire inexistant. 

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Il est difficile de suivre la collecte des impôts, l’exécution des dépenses et des emprunts en cours d’année. Par ailleurs, les recommandations des audits sont  peu suivies d’effet. Ce qui globalement ne permet pas de renforcer la reddition des comptes et de savoir correctement et efficacement  comment le budget a été dépensé.

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Le contrôle parlementaire est faible et peu efficace et la prédominance du pouvoir exécutif sur tout le processus budgétaire est écrasante. Il existe dans les faits  de nombreux cas de fonds extrabudgétaires qui échappent à tout contrôle parlementaire, voire même à l’Exécutif et a fortiori aux citoyens : Fonds Hassan II, Projet Bouregreg, budget des Habous , Tanger Med, Fonds affectés aux structures sécuritaires (…), etc.

Autant de réformes à mener et d’actions à engager pour rendre transparente la gestion des finances publiques et améliorer notre classement dans l’indice international du budget ouvert. Ceci est d’autant plus important que le rôle du budget de l’Etat dans les domaines économique et social est fondamental.

 

Azeddine AkesbiMohamed Boussetta