Afrique économique : Qui en profite ?

Afrique économique : Qui en profite ?

Il n’y pas si longtemps encore le continent africain était présenté comme le continent de la malédiction et de la désolation. Avec moins d’1% des Investissements Directs Etrangers (IDE), moins d’1% du PIB mondial, une démographie galopante, des conflits sans fin, des crises alimentaires et des intempéries récurrentes, le continent apparaissait en marge de la mondialisation sans qu’on puisse entrevoir de  voie d’amélioration pour l’avenir.

Pourtant, depuis le début des années 2000, la tendance semble s’inverser durablement. Certes, les niveaux d’IDE, de PIB, et d’infrastructures sont loin d’atteindre ceux de l’Asie ou de l’Amérique latine, mais leur rythme de progression semble être élevé et soutenu. A cette tendance haussière viennent se greffer des dynamiques internes prometteuses provoquées par une nouvelle classe d’entrepreneurs, de politiques, de femmes, mais aussi d’Africains de la diaspora, bien décidés à prendre le destin du continent en main.

Les nouvelles dynamiques de développement du continent africain

Plusieurs signes confirment la récente bonne santé économique et financière du continent africain. La croissance économique africaine de 5% en moyenne, ininterrompue depuis le début des années 2000, est sans doute le signe le plus tangible. Comparativement, la croissance des pays de l’OCDE sur la même période n’a pas dépassé les 3%.

Cette croissance, il faut d’abord la mettre au crédit du renchérissement du cours des matières premières et du pétrole dont le continent regorge. Ainsi, entre la fin de l’année 1999 et celle de 2008, le cours  du baril de pétrole est passé de 20 USD à 145 USD, permettant aux pays pétroliers de bénéficier de balances des paiements largement excédentaires et de constituer des réserves de change considérables. Mais il serait inexact de n’attribuer cette embellie économique qu’aux seules ressources de son sous-sol car d’autres secteurs ont aussi contribué à cette croissance.  Il suffit de voir pour cela l’explosion du secteur des télécommunications et plus particulièrement celle de la téléphonie mobile1, le développement du secteur bancaire, et la prolifération des infrastructures un peu partout sur le continent africain. Si le pétrole et les ressources du sous-sol représentent 24% dans la croissance du PIB du continent, le commerce et la grande distribution ont contribué à hauteur de 13%, l’agriculture à 12%, les transports et les télécommunications à égalité avec l’industrie à  09%. 

Ceci étant, il ne faut pas oublier qu’une situation identique s’est déjà présentée par le passé, à la faveur d’un choc pétrolier, mais les espoirs étaient retombés aussi vite avec la baisse des cours,sans que des progrès économiques significatifs aient pu être engrangés.

Ce qui change par rapport au début des années 90, c’est que l’envolée des cours des matières premières et du pétrole n’est pas seule responsable de cette croissance, comme on l’a vu plus haut, mais cette croissance est également relayée et amplifiée par des dynamiques du « dedans ». Ce qui constitue le socle d’un développement plus pérenne.

En effet, des politiques publiques plus avisées ont permis d’assainir la situation macroéconomique de nombreux pays à travers non seulement de la privatisation de pans entiers allant de l’électricité aux ports, en passant par des ensembles industriels variés de l’économie, mais aussi par le biais d’une meilleure gestion des dépenses publiques. A cela s’ajoute que les programmes d’ajustement structurel, en dépit de leur caractère abrupt tant décrié, ont fini par produire des résultats. L’hyperinflation, qui était la règle notamment dans plusieurs pays, comme l’ex-Zaïre et la Guinée, a laissé la place à une inflation mieux maîtrisée et à des conditions d’attractivité des investissements directs améliorées ; le secteur privé s’est développé et l’adoption du système libéral et de la libre entreprise s’est pratiquement généralisée.

Par ailleurs, les nombreux conflits ont sensiblement diminué, ce qui a contribué à stabiliser le climat des affaires des pays africains dans leur majorité, gage supplémentaire d’attractivité de l’investissement privé. Résultat, le montant des IDE est passé ces cinq dernières années de 31 à 88 milliards de dollars.

L’autre grande « dynamique interne» à la source du renouveau tient au facteur démographique, en dépit de son caractère ambivalent.

Aujourd’hui, le continent a dépassé le cap des 1 milliard d’habitants et il  devrait doubler sa population d’ici 2050. Parallèlement, son PIB atteint déjà 1660 milliards de dollars A titre de comparaison, l’Inde, qui compte 150 millions d’habitants de plus, a un PIB inférieur qui atteint à peine 1300 milliards de dollars.

Au début des années 60, le continent ne possédait qu’une seule ville de plus de 1 million d’habitants. Aujourd’hui on en compte 52. Et on considère qu’en 2030 près de la moitié de la population africaine vivra dans les villes. Cette  urbanisation exponentielle est riche en périls, notamment en termes d’infrastructure urbaine, d’équipements collectifs, d’assainissement et d’emplois ;  mais elle constitue aussi le meilleur atout du continent. En effet, avec plus de la moitié de la population ayant moins de 25 ans, le continent africain sait pouvoir compter sur une main d’œuvre jeune et en quantité à même de gagner les précieux points de productivité nécessaire à son décollage. Alors que dans toutes les autres régions du monde on s’inquiète de la baisse de la population active, en Afrique elle progresse. Les démographes estiment qu’en 2040 la population active africaine atteindra  1,1 milliard de personnes.

Par ailleurs, une population urbaine croissante constitue la base de l’émergence d’une classe moyenne, nécessaire à une croissance économique, car le développement de la consommation crée des effets induits en termes de production, d’emplois, de création de nouvelles activités, avec une impulsion sur le développement d’autres secteurs. On compte déjà en Afrique près de 80 millions de ménages disposant d’un revenu au moins égal à 4500 USD par an. D’ici 2020, plus de 128 millions de ménages africains disposeront de revenus une fois les dépenses de subsistance réalisées.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les processus d’intégration sous-régionales, quoique rencontrant un succès inégal selon les zones, ils contribuent à offrir de vastes marchés,  un climat des affaires apaisé et des règles communes, à même de générer des économies d’échelle, et d’attirer les investissements. Jusqu’alors, le taux d’échange intra-zone reste très faible quoiqu’en augmentation constante. Aujourd’hui, on estime qu’en Afrique, seuls 10 à 13% des échanges se font à l’intérieur des frontières des ensembles régionaux, contre un taux de 50% pour les zones équivalentes en Asie, voire même 70% pour la Communauté européenne. C’est dire que le développement du commerce frontalier 2  est un enjeu et une opportunité à saisir par le secteur privé africain.

Néanmoins, il faut se méfier des moyennes car les statistiques sur l’Etat de l’Afrique et sur ses ressources recèlent de grandes disparités entre les pays africains. En effet, si la moyenne du PIB par habitant en Afrique s’élève à 2899 USD$ 3; le Gabon qui a un PIB par habitant de 14331 USD n’est pas le Niger, qui plafonne à 693 USD tout comme Maurice avec un PIB par habitant de 14076 USD n’est pas la Guinée Conakry qui ne dépasse pas 1062 USD. De même, il n’y pas un modèle de développement. Le pragmatisme est de plus en plus  l’idéologie dominante.

Dans une récente publication 4,  l’institut Mc Kinsey Global a distingué quatre groupes de pays en considération de leur stratégie de développement économique.

Le premier groupe qui comprend le Maroc, l’Egypte, l‘Afrique du Sud et la Tunisie, constitue la « dream team » du continent, et reflète des économies diversifiées avec des activités variées dans l’industrie et les services notamment.

Le second groupe rassemble les pays exportateurs de pétrole. Ces pays ont un revenu par habitant élevé. En revanche, leur économie est très peu diversifiée et partant, plus sensible aux effets de halo des cours des matières premières. On retrouve parmi ces pays l’Angola, le Nigeria, le Gabon, l’Algérie, la Guinée équatoriale. Le défi de ces pays est de transformer cette manne financière soudaine, mais importante, en investissements dans l’éducation, dans la santé, les infrastructures et en diversification économique.  La Malaisie et l’Indonésie y sont bien arrivées. Ce groupe de pays devraient également y parvenir.

Le troisième groupe de pays réunit les pays en transition économique au rang desquels on retrouve notamment le Ghana, le Botswana, le Kenya dont l’économie croît rapidement et se diversifie. Ils commencent à exporter vers d’autres pays africains, dynamisant ainsi le commerce  intérieur « frontalier ». L’avenir de ces économies dépendra de leur capacité à diversifier leurs activités et à exporter. Le Kenya s’illustre particulièrement dans plusieurs pays de la SADC (South African Development Community)  par des investissements importants au Rwanda, en Ouganda et en Tanzanie notamment.

Le dernier groupe inclut les pays les plus faibles avec des revenus par habitant ne dépassant guère 350 USD l’année. Ces pays ont besoin de renforcer leurs fondamentaux économiques et ne sont pas prêts à aborder une transition économique. Dans ce groupe, on retrouve des pays comme l’Ethiopie, la République démocratique du Congo, le Niger, la Guinée Conakry ; pays qui connaissent souvent une grande instabilité politique, des problèmes de gouvernance, des institutions faibles.

Le continent, on le voit, est donc loin d’être monolithique et il existe de fortes différences nationales et régionales aussi bien en termes de dotations factorielles que de stratégies de développement. En tout état de cause, il n’y pas de modèle qui apparaisse comme le meilleur, tout comme il n’y a pas d’idéologie à la base des différentes voies empruntées par les pays en question, si ce n’est le pragmatisme.

Défis d’aujourd’hui et opportunités de demain

Toutefois, plusieurs défis majeurs, outre l’éducation et la santé 5,  interpellent la majorité des pays africains, quelle que soit la catégorie dont ils relèvent, et qui constituent autant d’opportunités.

Il y a d’abord les défis énergétiques. L’offre énergétique est particulièrement insuffisante et  la fréquence et la durée des délestages sont très pénalisantes. Aujourd’hui, la production électrique de 48 pays d’Afrique subsaharienne représente à peine la production électrique de  l’Espagne. Les PME et les entreprises du secteur informel, qui constituent l’essentiel du tissu économique, sont les plus touchées : leur productivité en est affectée et pour certaines leur survie est en jeu. La Banque mondiale estime en moyenne à 56 jours le nombre annuel de pannes d’électricité. L’Afrique dispose pourtant de sources d’énergie hydroélectriques particulièrement sous exploitées. Le seul complexe d’INGA en RDC a un potentiel de 45.000 mégawatts pouvant alimenter 500 millions de personnes. Toutefois, les sommes à mobiliser pour un tel investissement requièrent un regroupement régional. Des pays comme le Maroc et le Ghana commencent à considérer avec intérêt le potentiel solaire du continent, qui apporterait une énergie en appoint dont on ne peut faire l’économie.

La diversification des sources d’énergie avec la prise en  compte de l’énergie renouvelable comme la biomasse, dont l’Afrique regorge également, ne doit pas être négligée.

Le défi des infrastructures. Sans infrastructures, pas de mouvements de population et de marchandises, pas d’intégration régionale, pas de développement. Toutes les stratégies de développement qui n’intègrent pas cette réalité sont vouées à l’échec. La prise de conscience de la nécessité de développer les infrastructures s’est traduite par une multiplication de ports, d’autoroutes, d’aéroports, de câbles sous-marins, qui constituent le « système respiratoire » de toute économie.

La Banque mondiale estime à 93 milliards de dollars, le montant des besoins en infrastructures, dont les deux tiers serviraient à de nouvelles infrastructures quand le tiers restant serait dédié à la maintenance. Le fait que les pays africains puisent dans leur budget national pour financer ces investissements démontre à quel point la prise de conscience est réelle.

Les défis financiers. Le continent souffre encore d’une industrie financière  insuffisamment développée et souvent inadaptée par rapport à l’économie africaine. D’après une étude de la Commission Economique Africaine (CEA), le secteur bancaire reste encore trop oligopolistique. Il n’est pas rare que dans un pays quatre banques au plus se partagent plus de  70% de la part du marché bancaire, ce qui renchérit le coût d’accès au crédit. Il existe en effet, un différentiel pouvant aller jusqu’à 5% entre les taux d’intérêt servis par les banques locales et ces mêmes taux à l’international. On assiste à un déploiement des opérateurs comme la Bank of Africa, Ecobank et plus récemment des banques nigérianes et marocaines comme UBA et Attijariwafabank. Le développement des marchés financiers est également une évolution indispensable pour développer les marchés locaux afin que les opérateurs économiques  puissent mobiliser les moyens financiers nécessaires au développement de leurs activités. A cet effet, la création à Abidjan de la Bourse Régionale de Valeurs Mobilières (BRVM) demande à être démultipliée.

Les défis agroalimentaires. L’urbanisation accélérée évoquée plus haut soulève deux préoccupations liées : le transfert de la main d’œuvre de la campagne à la ville, mais aussi celle de nourrir une population urbaine en rapide augmentation. Or, le spectacle des produits agricoles pourrissant sur les lieux de production, faute de filières  locales organisées et de routes rurales de bonne qualité, est encore trop fréquent.

Par ailleurs, le continent africain est le seul où la production agricole a diminué, entraînant une vulnérabilité de sa sécurité alimentaire. Il n’est pas raisonnable que 87% de ses produits agricoles soient importés de l’étranger alors que des terres arables et des bras pour les valoriser existent en abondance. Trop tournée vers les cultures d’exportation, l’Afrique a également enregistré une baisse des cours de certaines matières premières, ce qui a fragilisé l’agriculture, tout en  compromettant sa sécurité alimentaire. L’enjeu des prochaines années sera de se tourner vers son marché intérieur, pour répondre déjà aux besoins d’alimentation de sa population croissante.

Le soutien de l’agriculture vivrière reste également une préoccupation de tout premier plan. Or, ce type d’agriculture souffre d’une sous mécanisation structurelle et d’un  faible rendement à l’hectare du fait de l’utilisation très faible d’engrais.  Mécanisation, engrais et semences sont inaccessibles pour une population d’agriculteurs modestes d’où la nécessité de mécanismes de soutien financiers innovants.

Le défi de l’insertion dans les nouvelles chaînes de valeur internationales. Aujourd’hui, on ne produit plus un bien entièrement dans un même pays. On ne fabrique que des « morceaux » de produits qui, assemblés à d’autres « morceaux » fabriqués ailleurs, sont assemblés dans d’autres pays encore au gré des dotations factorielles et des spécialisations. L’enjeu pour les pays africains est de bien choisir le niveau d’insertion et les fragments de chaînes de valeur les plus pertinents pour s’insérer dans la nouvelle division internationale du travail et tirer parti de la mondialisation.

Le défi de l’intégration. Selon les zones et les institutions le niveau d’intégration régionale est très variable. Il est vrai que des zones de libre-échange existent avec la COMESA 6,  la SADC 7 ou encore  la CEDEAO. L’UEMOA 8 et la CEDEAO 9. Ces organes d’intégration en Afrique occidentale ont fait des progrès sensibles notamment en matière de liberté de circulation, d’harmonisation des frais douaniers avec l’adoption d’un tarif extérieur commun (TEC), l’adoption de l’OHADA. Mais l’intégration doit faire des progrès sur le plan institutionnel et politique pour parachever le rêve des pères fondateurs : créer les Etats Unis d’Afrique.

L’échelle régionale semble être, en effet, la plus appropriée pour réussir l’intégration, car la question des infrastructures, des interconnexions en matière électrique, des corridors pour désenclaver les régions de « l‘hinterland », de la politique agricole en termes de filières, des télécommunications ne peuvent être prises en charge au niveau local, vu la taille des investissements à mobiliser, mais surtout compte tenu des économies d’échelle et des externalités 10 attendues. La Development Bank of South Africa estime par exemple, que si les pays de la SADC développaient conjointement leurs projets électriques, ils pourraient économiser 48 milliards de dollars..

Le défi des transferts des migrants économiques. Ces transferts représentent le double de l’Aide publique au développement souvent plus irrégulière.

La question essentielle pour les pays « exportateurs » de main d’œuvre est de savoir comment transformer les transferts des migrants économiques africains en investissements. On considère que  les migrants économiques contribuent à hauteur de près de 15% du PIB de leur pays d’origine par leurs seuls transferts. Mais ces transferts ne sont pas orientés vers des investissements productifs, mais principalement vers de la consommation immédiate, dans l’immobilier, voire dans des dépenses plus ostentatoires.

Afrique 2.0 : les secondes indépendances du continent - pour un nouveau départ.

Cinquante ans après l’indépendance, le continent est à la croisée des chemins. Aujourd’hui avec la commémoration du cinquantenaire, il semble que l’Afrique soit en train de parachever sa décolonisation politique. Il lui reste à (re)-conquérir son indépendance économique, en démantelant les symboles de la politique économique qui a prévalu jusqu’à présent et qui obéissait à une logique de rente entièrement tournée vers l’exportation de produits non transformés comme le bois, le cacao, le coton, l’arachide.

Les politiques d’ajustement structurel ont produit des résultats en dépit du lourd tribut social.  La dette, qui jadis asphyxiait les pays africains, a été mieux gérée que par le passé ce qui laisse des degrés de liberté supplémentaires pour l’investissement public et partant pour le développement. De plus, l’emprise des bailleurs de fonds est moindre avec l’émergence de nouveaux acteurs asiatiques en quête de partenariat pour assurer leur approvisionnement en matières premières et en hydrocarbures pour leurs usines, et qui sont de ce fait moins exigeants en conditionnalités quand ils accordent des financements aux pays africains. C’est à se demander si les règles du jeu n’ont pas changé. L’Afrique a des atouts mais détient-elle les bonnes cartes ? Assiste-t-on aux prémices d’une Afrique 2.0 qui fera de l’Afrique un acteur plus qu’un enjeu de la mondialisation, une « Afrique mondialisatrice plus qu’une Afrique mondialisée »11 ?

Cette Afrique 2.0, c’est d’abord une Afrique qui formule sa propre vision du développement  et qui construit patiemment les institutions supranationales afin de procéder courageusement à une relecture des frontières héritées du partage de Berlin, avec pour dessein de construire  des communautés économiques plus fortes, cohérentes et complémentaires, c’est-à-dire viables. C’est avoir la claire conscience que le développement ne pourra se faire qu’en étant unis dans des entités ayant une taille critique.

Faire émerger cette Afrique nouvelle passe également par l’éclosion d’une nouvelle classe d’entrepreneurs nomades, polyglottes, rompus aux techniques de management qui entreprennent en Afrique comme ailleurs, qui entretiennent des relations décomplexées avec les dirigeants du monde entier. En effet, le développement du secteur privé est aussi une des clés du développement. Or, de ce point de vue, en dépit des progrès de ces dernières années, et contrairement à d’autres contrées du monde, la communauté des affaires n’est pas suffisamment dynamique et organisée. Pourtant c’est elle qui, par son niveau d’exigence, peut pousser la classe politique à abaisser les barrières douanières, à circonscrire les actes trop nombreux de corruption, à dénoncer les lenteurs administratives, à impulser de  nouvelles dynamiques. En cela, elle peut s’appuyer sur l’exemple de l’OHADA 12, Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, créée en 1993 qui représente un droit des affaires parmi les plus aboutis, et qui offre un espace harmonisé et des règles communes, pour seize Etats africains déjà signataires.

Enfin, il reste à instaurer un nouveau type de partenariat avec les partenaires traditionnels comme les nouveaux, avec la conviction que ce sont des intérêts qui sont en jeu ; le temps de l’aide est passé. Aujourd’hui, la seule manne des migrants « vertueux » vers leur pays d’origine ou de l’aide publique au développement ne suffisent plus. Il faut d’autres sources de financement,ce qui passe par le développement de l’activité et la réalisation de davantage de valeur ajoutée sur le continent. Il n’est plus acceptable que dans les investissements en Afrique, ou dans les achats de biens à forte intensité technologique, on ne prévoit pas explicitement une clause en termes de transferts de technologies. Il serait souhaitable que nos décideurs politiques prévoient dans les négociations avec les  entreprises chinoises, italiennes ou autres qui viennent construire sur le continent usines, centrales électriques, raffineries, d’intégrer une rubrique « transfert de technologie »,  afin que progressivement nous puissions en Afrique maîtriser les techniques modernes. Ce n’est que comme cela que l’Afrique sortira alors de cette malédiction qui la réduit à n’être que pourvoyeuse de matières premières et de pétrole, pour être enfin un producteur industriel.

Parallèlement, le continent devra être plus exigeant pour élever, au besoin, des barrières douanières, protéger ses industries dans l’enfance, et réduire sa vulnérabilité aux importations qui, dans bien des cas, ont décimé son industrie naissante.

Enfin, il faut briser ce tabou de la « vitrine » démocratique et réfléchir sur la démocratie la plus adaptée à nos valeurs, notre histoire, mais surtout à notre « vouloir collectif ». L’explosion des partis politiques en Afrique n’a pas enrichi le débat démocratique, loin s’en faut. Tout comme l’alternance n’est pas davantage un passage obligé vers le développement, l’expérience récente de l’Asie le démontre. L’Afrique qui réussit n’est-elle pas l’Afrique de la discipline ? Ce dont l’Afrique a besoin c’est d’un leadership visionnaire, courageux et ambitieux pour entrer véritablement dans l’Histoire.

Bibliographie

« Le temps de l’Afrique » éd. Odile JACOB - Jean Michel SEVERINO - Mars 2010

« Géopolitique de l’Afrique » éd. Armand COLLIN - Philippe HUGON -Avril  2010

« Perspectives Africaines » OCDE 2010

« 50 ans après, Quelle indépendance pour l'Afrique ? –éd. Philippe REY - Ouvrage Collectif- Avril 2010

« South South cooperation: Africa and the new forms of Development Partnership » United Nations, New York, 2010

“Lions on the move: The progress and potential of African economies –“Mc Kinsey Global Institute 2010

 

1 On compte 316 millions de nouveaux utilisateurs de téléphones mobiles depuis 2000 (Source : Mc Kinsey )

2 Commerce avec les pays  voisins

3 Estimations 2010 Source ( OCDE, FMI)

4 « Lions on the move: The progress and potential of African Economies » Institut Mc Kinsey  Global- 2010

5 Ces deux questions ayant fait l’objet de traitements exhaustifs dans plusieurs rapports et ouvrages, nous n’y reviendrons pas.

6 COMESA : Common Market For Eastern and Southern  Africa

7 SADC : Southern Africa Development Community

 8 UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

9 CEDEAO : Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest

10 Les  économistes désignent par « externalité » ou « effet externe » le fait que l'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être d'un autre sans qu'aucun des deux reçoive ou paye une compensation pour cet effet.

11 Philippe HUGON - Géopolitique  Numéro 110

12 www.ohada.org