Une éthique pour décoller [1]

On a l’impression aujourd’hui que parler de l’emploi et des politiques de ce domaine ne font que meubler  les débats publics sans pour autant apporter de véritables solutions .Un fatalisme s’installe ; les décideurs croient désormais que la croissance n’étant pas au rendez vous de l’économie mondiale, l’économie marocaine si dépendante  de celle-ci  ne peut mieux faire que d’attendre des jours plus cléments.

Au Maroc, on vit déjà sur beaucoup  d’autres attitudes  fatalistes telles que le pari sur la météo et l’hypothétique  pluviométrie pour  l’agriculture, les fluctuations des prix du pétrole sur le marché international, etc.. L’Etat fait ce type de paris, les populations font de leur côté d’autres paris du même genre, puisque les jeunes diplômés espèrent  tirer  profit d’emplois publics et de recrutements  de l’Etat, les moins jeunes  placent leurs espoirs dans des rentes providentielles  de l’Etat à travers ses caisses de prévoyance sociale, agréments et  autres subterfuges.

Le débat sur la crise  de l’économie marocaine se fait sous forme de polémiques et de surenchères politiques. Il a fait éclipser quasiment celui sur la question de l’emploi, mais est -ce qu’on  a avancé pour autant ? Le plus grave à mon sens c’est l’immobilisme consensuel, car aucune décision majeure en matière économique ne vient  trancher ou perturber cette lente régression  à laquelle  on assiste. On parle de la caisse de compensation, des Caisses de retraites,  de réforme de la justice, du système fiscal,…  pas pour engager les mesures nécessaires devant lesquelles tous les intervenants  hésitent, mais  pour en faire un mur des lamentations près duquel on psalmodie les analyses de la faillite.

Pour   réaliser la gravité de la situation, voici quelques spécimens : des jeunes diplômés recrutés par l’Etat refusent des postes hors des régions du Maroc « utile », hommes ou femmes, ils sont solidaires  pour ne pas y aller ! Des opérateurs privés marocains  demandent  de  nouvelles  facilités et incitations pour travailler au Maroc  à défaut de quoi ils menacent de  partir «en Afrique » ! C’est dire quelle estime ils ont pour l’Etat marocain et l’Afrique ensemble !

Bref ces perles ou insanités ont pour explication à mon sens l’absence d’un constituant fondamental chez tous ces acteurs, il s’agit du sens de la solidarité, cette valeur essentielle pour entreprendre et pour travailler se transforme  dans les économies rentières en une sorte de racket généralisé.

Les discours de tous  au Maroc disaient que l’emploi était une priorité sociale, économique et politique. Pourquoi y renoncer en ce moment précis ? N’est ce pas la preuve de la prévalence de problèmes plus graves encore ?

Et puis , il est certain  que tant qu’il n’y a pas d’alternatives ayant fait  leurs preuves , le sens de conservation va laisser la plupart des acteurs  sur la culture rentière dominante, d’où le besoin urgent d’innovations et de solutions inhabituelles, s’il y a moyen de prouver au monde l’existence et l’authenticité de « l’exception marocaine » , ce sera par ce biais .

Le Maroc qui semble se diriger vers le statut  de la « plateforme commerciale » entre  Afrique –Amérique  et Europe devrait avoir des politiques d’emploi s’inscrivant dans cette  logique ; la mondialisation  devient alors une exigence d’une part et le pays  devra  développer  l’expertise des métiers en rapport avec  ces ambitions.

Le Maroc se dit  aussi conscient de ses déficits majeurs en termes de compétitivité. On ne peut plus se plaire à répéter partout que nos ressources humaines ne sont pas qualifiées et que la formation est notre talon d Achille. Aux déficits radicaux  nous avons besoin de répondre par des solutions aussi radicales. A l’instar des campagnes de vaccinations contre les fléaux  on doit lancer des campagnes généralisées de formations par le biais des moyens les plus avancées et généralisables. Aujourd’hui  où la médecine la plus pointue est enseignée par la combinaison  de la formation à distance et les recours  de terrain, il est possible de faire beaucoup mieux et à des couts moins couteux que l’actuelle formation de notre fameux office !

Enfin ; lorsqu’ on peut faire valoir une qualification pourquoi ne pas la vendre à travers  des circuits  reconnus, nos infirmiers et informaticiens sont  reconnus et embauchés dans les divers pays développés, pourquoi l’Etat n’en fait pas un objectif  annoncé ? Pourquoi les moyens publics ne font ils pas directement la prospection des marchés de travail ailleurs et pas seulement au Maroc ? Pourquoi ne pas avoir des objectifs de ce genre inscrits dans la durée au lieu de signer des contrats de travail saisonniers  pour la collecte des fraises andalouses ?