Méthodologie de recherche : Cas unique ou cas multiples ? [1]

Un grand débat publié dans la revue Academy of Management Review, entre Eisenhardt (1989, 1991) et Dyer et Wilkins (1991), avait marqué la fin des années 80 et le début des années 90 sur la question du nombre de cas à étudier pour avoir de « bons résultats ».

Selon Eisenhardt (1989 : 545) : « bien qu’il n’y a pas de nombre idéal de cas, un nombre de 4 à 10 cas donne de bons résultats. Avec moins de quatre cas, il est souvent difficile de générer une théorie complexe et ses fondements empiriques risquent d’être peu convaincants, sauf si le cas contient lui-même plusieurs mini cas ». Cette idée est aussitôt remise en cause par Dyer et Wilkins (1991) qui rappellent à l’auteur que les recherches qui ont eu une grande audience en sciences sociales sont basées sur des cas uniques. Pour eux, « contrairement à Eisenhardt qui privilégie essentiellement les comparaisons entre contextes organisationnels, les chercheurs classiques s’appuyant sur l’étude de cas ont tendance à se focaliser sur des comparaisons au sein d’un même contexte organisationnel […]. Le point de vue (de l’auteur) dénote clairement avec ce que la plupart des chercheurs en sciences sociales considèrent comme des études de cas classiques dans le champ ». Ils ajoutent que «Einsenhardt semble oublier l’essence de la recherche par étude de cas : l’étude attentive d’un seul cas conduit les chercheurs à voir de nouvelles relations théoriques et à questionner les anciennes ». (Dyer et Wilkins, 1991 : 614).

Alors qu’Eisenhardt insiste sur le caractère testable des théories à produire, Dyer et Wilkins (1991) soulignent qu’au-delà des cas et de leur nombre, c’est davantage la capacité d’un chercheur à créer de la connaissance qui est à l’origine d’apports majeurs. Ils ajoutent « nous retournons aux contributions classiques parce qu’elles sont de bonnes histoires (…) les histoires sont souvent plus convaincantes et mémorables que les démonstrations statistiques d’idées et d’affirmations. Les classiques que nous citons sont, dans tous les cas, de bonnes histoires plutôt que des théories testables » (Dyer et Wilkins, 1991 : 614). Eisenhardt (1991) exerce son droit de réponse dans la même revue. Elle rappelle aux auteurs qu’il existe bien des études utilisant des cas multiples dont les résultats sont également de très grande envergure. L’auteur rejoint toutefois Dyer et Wilkins (1991) en soulignant qu’en effet, c’est moins le nombre de cas qui s’avère crucial dans une recherche que la capacité du chercheur à générer de nouvelles connaissances avec le ou les cas dont il dispose. Cependant, Eisenhardt (1991) maintient l’intérêt de multiplier les cas, notamment lorsque l’objectif de la recherche est la généralisation des résultats. Selon l’auteur, les deux critères qui peuvent alors dicter le nombre de cas nécessaires deviennent la saturation et la réplication.

Nous retenons de ce débat, que le choix du nombre de cas doit se justifier avant tout, par l’objectif de la recherche. Mener plusieurs études de cas apparaît plus approprié lorsque l’on cherche à rendre les résultats le plus généralisable possible. En revanche, mener un cas unique s’impose lorsque l’objectif est de donner une description approfondie et complète du phénomène étudié, « une bonne histoire ».

 

Bibliographie :

Dyer, W.G. Jr., Wilkins, A. L. (1991), « Better stories, not better constructs, to generate better theory: a rejoinder to Eisenhardt », Academy of Management review, Vol.16, n°. 3, pp. 613-619.

Eisenhardt, K.M (1989), « Building theories from case study research », Academy of Management Review, vol.14, n°4, pp.532-550.

Eisenhardt, K.M (1991), « Better Stories and Better Constructs: The Case for Rigor and Comparative Logic », Academy of Management Review, Vol.16 n°3, pp. 620-627.