l'Union pour la méditeranée tant de bréches à colmater

l'Union pour la méditeranée tant de bréches à colmater

Depuis les années soixante, les tentatives d’établir des liens entre les deux rives de la Méditerranée se sont multipliées. Parmi elles, les plus importantes ont été le Dialogue euro-arabe lancé en 1973 à la suite de la crise pétrolière, le Dialogue 5+5, après la chute du mur de Berlin, le processus de Barcelone de 1995, dans le sillage de l’espoir d’un règlement du principal conflit régional entre Palestiniens et Israéliens lors des conférences d’Oslo (1991) et de Madrid (1993).   

L’Union pour la Méditerranée (UpM) se veut une nouvelle tentative de renforcement des liens entre les pays de la région euro-méditerranéenne. L’une des caractéristiques majeures de ce projet lancé par le président français Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale, puis précisé lors du discours de Tanger du 23 octobre 2007, est d’avoir replacé la Méditerranée au centre des préoccupations des Européens, alors que l’élargissement vers l’Est et le Centre de l’Europe avait eu jusque-là la vedette.

A l’égard de cette initiative, les pays de la rive sud de la Méditerranée se sont montrés partagés entre le soutien (Égypte, Maroc, Tunisie) et la méfiance, voire même l’hostilité (Algérie, Libye, Syrie). Les dissensions entre pays partenaires méditerranéens et la participation d’Israël à cette initiative ont attisé les divergences. Du côté nord, sous la pression allemande et espagnole, «l’européanisation» du projet français a obtenu gain de cause. Lors du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne des 13 et 14 mars 2008, une décision a été prise pour que l’ensemble des pays de l’UE soient membres, que la Commission européenne soit au cœur du dispositif et que cette organisation se coule dans la structure du processus de Barcelone.

Le sommet fondateur de l’UpM s’est alors déroulé le 13 juillet 2008 à Paris à l’invitation de la France et de l’Égypte. Les pays riverains de la Méditerranée et de l’UE y ont été représentés, au plus haut niveau de l’État. L’organisation de l’UpM est fondée sur une coprésidence entre un dirigeant de la rive nord, désigné selon les mécanismes de représentation en vigueur au sein de l’UE, et un dirigeant de la rive sud, choisi par consensus dans les États concernés. Le président égyptien et le président français sont les deux premiers coprésidents. Certaines questions restent en suspens comme le siège de secrétariat général de l’UpM (un certain nombre de pays le revendiquent, notamment le Maroc, la Tunisie, Malte, l’Espagne, l’Italie), les modes de financement des projets retenus, la présence d’Israël ou la question du consensus quant à la coprésidence des pays partenaires… Mais ce sont les problèmes économiques qui seront les plus difficiles à résoudre.

Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) sont caractérisés par une grande hétérogénéité quant à leur système productif national et leur degré d’hétéronomie par rapport à leurs échanges extérieurs. Ils varient par leur taille (ils représentent moins de 2% du PIB mondial contre 30% pour l’UE), leur dotation en ressources naturelles (la moitié des réserves mondiales prouvées d’hydrocarbures), leur niveau de revenu, leur capital humain, leurs structures sociales et politiques, leurs institutions…

 

Les fractures économiques sont têtues…

Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, ces pays ont certes pu assurer une stabilisation macro-économique importante grâce à des politiques économiques rigoureuses et à l’importance des revenus extérieurs. En dix ans, le niveau général d’inflation y est passé de 25 à 5%. De même, le poids de la dette extérieure a notablement baissé, les soldes budgétaires ont été ramenés à des niveaux relativement gérables.

Cependant, dans un contexte de globalisation, ces modèles de croissance sont de plus en plus insoutenables. Dans le cadre des accords d’association avec l’UE, et du démantèlement des droits de douanes, les PSEM sont appelés à faire face à un double défi : au niveau de l’offre, les produits domestiques sont confrontés à l’entrée libre des produits extérieurs. Au niveau de la demande, il y a lieu de se préparer à l’ouverture des exportations à un vaste marché européen. Ce double défi/choc, risque de faire de certaines économies de simples «comptoirs» par lesquels, des produits étrangers circulent sans réel impact sur le système productif. L’ouverture du marché européen aux PSEM n’a d’ailleurs pas eu, jusqu’à maintenant, l’effet escompté sur le taux de croissance économique de ces pays, en raison d’une transformation limitée des structures productives.

Sur le plan économique, les grands problèmes qu’affrontent les PSEM sont d’abord une croissance économique faible, ce qui se traduit par une création insuffisante d’emplois, une attractivité faible pour les investissements étrangers et surtout européens, des échanges intra-régionaux en contradiction avec le nombre de conventions et d’accords commerciaux signés jusqu’à présent entre ces pays, des dépenses d’armement en augmentation continue, ce qui grève d’autant leur effort d’investissement et de développement économique, un indice de développement humain qui les place au bas de l’échelle de la hiérarchie mondiale,  enfin une part consacrée à leur R&D qui ne les prédestine pas à connaître des rythmes de développement importants.

 

Croissance faible, sous-emploi chronique

Les taux de croissance économique actuels (tournant autour de 2,5%) ne peuvent pas résorber le nombre croissant des primo-entrants sur le marché du travail dans une zone où le pourcentage de la population âgée de moins de 16 ans varie entre 19,8% à 45,9% et où le taux de croissance démographique varie de 1,9 à 6,8%.  Une étude datée de 20041 estime qu’à cause de l’explosion démographique, 47 millions de nouveaux postes de travail devront être créés dans les 16 pays MENA entre 2002 et 2012 et ce, pour simplement garder le sous-emploi à son niveau courant de 15%. 6,5 millions d’emplois additionnels ramèneraient ce niveau à moins de 10%. Un doublement des postes de travail devrait être effectué durant la prochaine décennie pour absorber les nouveaux demandeurs d’emploi. Pour atteindre cet objectif, il faudrait un taux de croissance supérieur d’au moins 2% à ce qu’il est aujourd’hui. Ce rythme de création d’emplois n’a même pas été atteint en Asie de l’Est durant son pic de croissance économique !

Si jusqu’au milieu des années quatre-vingt, l’essentiel des postes de travail était assumé par le secteur public, il n’en est plus de même aujourd’hui. Le choix (subi et/ou voulu) du libéralisme économique adopté par les Etats des pays MENA, laisse peu de place à cette possibilité. Parallèlement, les possibilités d’atténuer le taux de chômage par la migration sont de plus en plus réduites. Les jeunes d’aujourd’hui ont, en moyenne, trois années d’études de plus que leurs homologues d’il y a vingt ans. Cela a, non seulement d’énormes conséquences économiques, mais surtout génère d’énormes frustrations2 dans la région, un terreau favorable au renforcement de l’islamisme radical, parmi les jeunes scolarisés dans les centres urbains.

 

Faiblesse de l’IDE / faiblesse du commerce intra-régional

Jusqu’à récemment, la région MENA attirait moins de 1% de l’Investissement direct étranger (IDE) à l’échelle mondiale et moins de 5% de ceux en provenance de l’Union européenne. Le désintérêt des investisseurs étrangers s’explique par plusieurs raisons. Dans ces pays, le climat des affaires se caractérise par des surcoûts des services, par une grande lourdeur administrative fortement dissuasive de toute initiative d’investissement, des coûts de transport importants, en plus d’un sentiment général d’insécurité.

Ces dernières années, cette situation est en train de changer. Par exemple, durant la période 2003-2005, l’IDE a augmenté de 76%3 au Moyen-Orient. Cette augmentation s’explique principalement par l’envolée des prix des hydrocarbures qui est un important facteur d’attractivité de nouveaux investissements dans la région. Mais l’opulence des pays producteurs de pétrole dans la région, contrairement à toute attente, a plutôt favorisé un certain attentisme et une certaine passivité4.

Quant au commerce intra-régional des pays partenaires méditerranéens, il se situe à moins de 10% du total global des échanges de la région avec le reste du monde. Ce seuil est en pleine contradiction avec la panoplie de conventions, d’accords d’association, de coopération et partenariat qui ont pourtant été signés, aussi bien au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral. Les échanges commerciaux de l’espace méditerranéen avec l’UE ont baissé de 0,3% entre 1999 et 20035.

La progression du commerce intra-régional des PESM serait à même de relever certains défis tels que l’étroitesse des marchés domestiques, la mauvaise allocation des ressources humaines et naturelles, la faiblesse du taux de croissance et la carence au niveau de la création de nouveaux emplois. Toutes les études relatives aux expériences d’intégration régionale montrent les bénéfices des ensembles régionaux sur l’économie de leurs membres6. Pourtant, comme le montre le tableau ci-dessous, les deux ensembles régionaux (Union du Maghreb arabe et le Conseil de coopération du Golfe) sont les tentatives de coopération régionale qui enregistrent les plus faibles taux d’intégration de par le monde.

La faiblesse de ces échanges constitue un des handicaps majeurs quant à la réussite du Processus de Barcelone et partant, de l’UpM.  

Jusqu’en 2004, les pays méditerranéens exportaient quelque 120 milliards d’euros de marchandises dont les produits relevaient de trois pays (La Turquie avec 35%, Israël avec 23% et l’Algérie avec 18%). Les importations afférentes à la même année représentaient 151 milliards d’euros dont 60% réalisés par la Turquie (40%), et Israël (20%).  

La région dépend fondamentalement de l’importation de produits alimentaires, de produits manufacturés et d’hydrocarbures. Les exportations sont peu diversifiées et se limitent la plupart du temps à un ou deux produits principaux.

Cette similitude de spécialisation des pays de la région dans des produits peu élaborés se reflétant dans la configuration des importations et des exportations explique, selon nombre de spécialistes des relations économiques internationales, la faiblesse des échanges intra-régionaux.

 

On s’arme au détriment de la santé et de l’éducation

La précarité de la région a poussé les régimes en place à consacrer une bonne part de leur budget aux dépenses militaires. Les pays du MENA dépensent 20% de leur PIB dans l’achat d’armements, alors que la moyenne des PED (pays en développement) ne dépasse pas 12%7. Ces fonds pourraient être consacrés à des projets économiques à même de renforcer la stabilité dans ces pays. Aujourd’hui, les pays pétroliers de la région voient leur revenu s’accroître d’une manière importante. Ces revenus substantiels se mueront-ils en projets de développement économiques ou iront-ils gonfler les réserves des banques étrangères avec peu d’impact réel sur le reste de l’économie de ces pays ? Ceux-ci ont-ils la capacité d’absorption suffisante de cette aubaine financière ? La question est légitime, lorsque l’on se rappelle la manière avec laquelle les surplus pétroliers du milieu des années soixante-dix ont été utilisés.  L’autre question légitime qui se pose à ce niveau est le caractère éphémère de cette «manne» pétrolière. Dans trois à quatre décennies, l’épuisement des puits de pétrole posera au grand jour les fondements, l’équilibre et la stabilité déjà précaire de ces pays.

 

Des indices de développement humain alarmants

Une véritable demande de réformes à plusieurs niveaux politiques et économiques se pose avec insistance dans la région. Selon l’indice du développement humain (IDH), qui reste une référence purement indicative de comparaison, les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée occupent des positions assez basses sur l’échelle des 177 pays retenus. Si Israël arrive à occuper le rang 23e avec un revenu de 25 863 US $, une espérance de vie de 83 ans et un taux d’alphabétisation de 97%, les autres pays de la région se situent loin derrière lui. Le plus bas est celui de la Mauritanie (51,2%). L’hétérogénéité de ces pays est flagrante s’agissant du revenu par tête d’habitant qui varie dans une fourchette de 1 à plus de 10.

Le Rapport sur le développement humain pour la région MENA réalisé en 2002 et en 2004 a montré la gravité de la situation de ces pays, à la fois par rapport aux pays de la rive Nord de la Méditerranée et par rapport au reste du monde. Le taux élevé d’analphabétisme, la crise de l’enseignement, le retard accusé au niveau des infrastructures de base, la non-participation à une grande échelle des femmes dans l’économie de ces pays, la corruption, les carences quant à la gouvernance, handicapent la croissance économique de ces pays.

 

Les efforts faits dans le domaine de l’éducation, en dépit de leur importance, restent en deçà des exigences d’entrée dans la société du savoir. L’accès à Internet reste, somme toute, faible. Il y a seulement 18 ordinateurs pour 100 personnes dans la région arabe, comparé à la moyenne globale de 78,3. Les mauvaises conditions de travail acculent une bonne partie des lauréats des universités et des diplômés à quitter les pays MENA. Ainsi, quelque 25 000 des 300 000 diplômés des universités arabes ont émigré en 1995/96 alors que plus que 15 000 docteurs arabes ont quitté la région entre 1998 et 2000 (Arab Development Report 2003).

 

Une recherche et développement quasi inexistante

Les statistiques montrent que les pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée consacrent un faible pourcentage du Revenu national à la R&D. Les données disponibles montrent qu’Israël alloue 4,5% de son Revenu National à la R&D, contre 0,2% pour le Koweït, 0,7% pour la Turquie et 0,6% pour le Maroc.

 

Quelques chantiers prioritaires

Pour que les pays MENA puissent faire face à l’accroissement du taux de chômage, ils ont besoin d’un taux de croissance économique de l’ordre de 6 à 7% par an. Cette prouesse est possible, moyennant les réformes politiques et législatives qui s’imposent. La réforme du système d’éducation est une priorité qui s’inscrit largement dans le temps. Aussi est-il nécessaire qu’un grand effort soit fait pour permettre à ces économies de se diversifier et de ne plus (pour les pays pétroliers) se contenter exclusivement de l’économie pétrolière et de ses revenus. L’une des initiatives à entreprendre consiste à initier un véritable effort d’intégration au niveau des pays de la région. A ce propos, il est urgent de consolider les bases des tentatives régionales d’intégration. Il est aussi nécessaire que certains conflits régionaux trouvent une solution, pour ouvrir la voie à davantage de coopération et d’échanges entre ces pays.

Une bonne gouvernance dans ces pays est à même d’encourager les investisseurs étrangers à venir prospecter les opportunités d’investissement dans ces pays. Les investisseurs locaux sont aussi à encourager en réunissant les conditions d’une bonne promotion du secteur privé.

En outre, les PSEM sont appelés à renforcer leur système national d’innovation et à renforcer les liens entre ce système et les IDE. L’attraction de l’investissement technologique s’avère être un élément essentiel de leur système productif. Pour ce faire, il est recommandé l’établissement d’agences nationales de promotion des investissements qui auraient pour tâche d’élaborer une stratégie de ciblage des investissements dans les secteurs considérés comme prioritaires.

L’ouverture économique des PSEM, dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen et des accords de libre-échange, n’a pas profité suffisamment au commerce extérieur. Cette situation trouve son explication dans la forte concentration de ces économies dans des secteurs peu porteurs. Pour l’UE, une assistance plus substantielle et un accompagnement de la mise à niveau des économies des PSEM s’avèrent de la plus haute importance. La stabilité et la prospérité de l’espace euro-méditerranéen en dépendent.

Il est nécessaire de revoir les projets prioritaires dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée et de recentrer l’effort de soutien et de financement sur ceux qui jouissent d’une dimension fédératrice. En effet, jusqu’à présent, les projets financés dans le cadre de MEDA (et par la suite dans le cadre de l’ENPI) ont un caractère bilatéral. Les projets unissant plus d’un pays du Sud sont rarissimes. Cette situation n’a pas aidé au renforcement des relations Sud-Sud.

Par ailleurs, la réalisation du «lien fixe8» entre le Maroc et l’Espagne à travers le détroit de Gibraltar aura un impact important sur les relations économiques entre les deux rives de la Méditerranée, mais aussi et parallèlement influencera fondamentalement les mentalités. Les effets d’entrainement positif de ce lien fixe s’étendront au delà du Maroc vers un grand nombre des pays du Sahel.

La récente envolée du prix des hydrocarbures a montré l’urgence de prioriser le secteur énergétique, dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. La région jouit d’un climat où le soleil est quasi-permanent. L’énergie solaire, éolienne, les énergies marines sont à encourager dans le cadre d’un développement durable et solidaire.

 

L’intérêt porté à la raréfaction de l’eau potable et d’irrigation dans l’espace méditerranéen s’avère une autre urgence. Il y a lieu de prêter attention à la réalisation d’usines de dessalement d’eau de mer destinées à satisfaire les énormes besoins en matière d’approvisionnement en eau de la région. La quasi-totalité des études dans ce domaine des changements climatiques s’accordent sur ce sujet.

 

En guise de conclusion,

L’UpM, qui s’articule au processus de Barcelone, se doit de montrer sa valeur ajoutée par rapport à ce dernier en termes d’avantages, de dynamisme, de souplesse, de suivi et de résultats. Il va donc falloir trouver un certain équilibre entre la coopération d’Etat à Etat et la coopération des acteurs de la société civile (associations, centres et instituts de recherche, chercheurs, artistes...) entre eux et avec les institutionnels. Des ponts doivent être trouvés. La synergie entre acteurs institutionnels et non institutionnels pourrait réunir les conditions d’une meilleure consolidation des acquis démocratiques dans la région.

Il importe aussi de mettre l’accent sur l’humain, en tant que facteur de stabilité, de progrès et de prospérité en renforçant les mécanismes de régulation sociale, tels que les filets sociaux de sécurité et la prise en charge des laissés pour compte. Il ne s’agit nullement de fustiger les règles du marché qui rationalisent le rendement des sociétés, mais de corriger et de réguler certains de leurs travers.

La crise financière actuelle est en effet sans équivoque à cet égard.  Il s’agit de penser à des «fonds d’urgence de soutien aux personnes en situation catastrophique et/ou en détresse». Avec les changements climatiques et autres en perspective, on peut s’attendre à des situations d’écarts environnementaux et de développement (pour ne pas dire de sous-développement) inédites dans l’histoire de la région.

Pour mobiliser les moyens financiers supplémentaires nécessaires (en plus de ceux qui existent dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen), il est possible d’envisager une contribution des pays (et du secteur privé et des organisations internationales), selon l’importance de leur PIB et leurs capacités financières. 

En vue de revoir les modalités de mobilité de personnes entre les deux rives de la Méditerranée, il est difficilement concevable de vouloir renforcer les liens de solidarité entre les partenaires méditerranéens et leurs homologues du Nord, si les obstacles à la mobilité des personnes demeurent inchangés. La politique de l’octroi des visas est à revoir, à l’aune des ambitions de cette initiative. L’issue de cette question montrera jusqu’à quel point l’Union pour la Méditerranée vise à jeter réellement des ponts entre les différentes parties de la Méditerranée. On peut d’ailleurs regretter l’omission de toute référence à la démocratie et aux droits de l’homme dans la déclaration du 13 juillet 2008, ce qui marque une régression par rapport aux objectifs du Processus de Barcelone !

L’une des caractéristiques majeures de ce projet est l’implication en amont des pays partenaires du sud de la Méditerranée. Cette démarche est à même de renforcer la co-appropriation du projet, un élément essentiel pour la consolidation de l’initiative. Aujourd’hui, les commissions et groupes qui se penchent sur la finalisation des tâches à réaliser dans le cadre de cette initiative ont tout intérêt à ce que les acteurs institutionnels et non institutionnels soient partenaires actifs dans cette démarche, qu’on ne puisse pas dire, demain, que cette initiative a encore une fois été une «offre du Nord» à l’égard du Sud.

Par ailleurs, il ne faut pas que l’UpM privilégie outre mesure le sécuritaire. Cette initiative devrait, au delà d’une certaine rhétorique, être un projet conscient des enjeux de la région et des véritables menaces de la stabilité de l’espace euro-méditerranéen. Le sécuritaire direct stricto sensu, aussi important soit-il, ne constitue, in fine, qu’un élément du puzzle partenarial.

Lors des premières phases de la gestation de l’UpM, l’idée d’une banque de projets euro-méditerranéens était assez prégnante. Il ne faut pas se contenter de ne financer que des projets technico-économiques, en passant sous silence les grandes questions politiques qui préoccupent la région. Que des réalisations (environnementaux, infrastructurels...) voient le jour est d’autant plus utile si elles s’insèrent dans une dynamique consciente de résolution des conflits régionaux et plus encore de développement collectif et synergique, par le renforcement de la coopération horizontale entre pays partenaires.

La dimension éthique de cette initiative est à mettre en exergue. Il est nécessaire de réitérer les valeurs qui sous-tendent la coopération et le partenariat dans l’espace euro-méditerranéen. Les trois volets9 de la Déclaration de Barcelone, qui reste «la pierre angulaire de la nouvelle initiative»,  sont d’ailleurs, par leur caractère holistique et complémentaire, un cadre de travail valable.

En fin de compte, la réussite de l’Union pour la Méditerranée est tributaire d’une impulsion politique d’envergure, tant de la part de l’Union européenne que des pays partenaires, à partir de priorités stratégiques sous-tendues par des valeurs communes de démocratie, de liberté, de respect des droits humains, de développement conjoint et de solidarité, de préservation de la cohésion sociale et d’atténuation des fractures socioéconomiques et identitaires.