L’idèal de gouvernance et la gouvernance de la réalité

Bien avant l’Indépendance, le Maroc a commencé à repenser le système éducatif traditionnel, et ce, en interaction avec les cultures étrangères qui s’installaient sous l’emprise de la colonisation. Après l’Indépendance, le rythme des projets de réforme du système éducatif marocain va connaître une véritable accélération en raison des résultats très limités.  La spirale des réformes engagées connaîtra son apogée avec la publication officielle de la Charte Nationale de l’Éducation et Formation (1999) dont la mise en œuvre des 19 leviers était censée booster le système éducatif national à l’horizon 2010.

Toutefois, l’évaluation réalisée à mi-parcours de la décennie de la réforme a montré que certaines avancées étaient là, mais que l’on était encore très loin des résultats espérés en termes de gouvernance, de pédagogie, d’apprentissage, d’implication des parents… On a pensé alors que l’explication était le budget très limité alloué à cette réforme. Quatre années après ce constat, le Plan d’urgence s’imposait. C’est ainsi qu’en 2009, pour la première fois, on avait un diagnostic de la situation et d’excellents moyens financiers (3,3 milliards de dirhams) pour mener la réforme (2009-2012) dans le cadre des quatre axes stratégiques déclinés en 27 projets. En 2012, au terme du programme d’urgence, le constat est le même, car entre ce qui était attendu et ce qui a été réalisé, le décalage persiste toujours. Raisonnablement parlant, ce n’est assurément pas une question de financement. Quelle en est alors la raison ?

L’hypothèse qui paraît la plus plausible à l’heure actuelle est la suivante : la réforme éducative serait l’otage d’un idéal de gouvernance qui n’est pas le modèle de gouvernance appliqué sur le terrain. Au départ, il existe quelque chose (sur le papier)  que nous pouvons appeler la « bonne gouvernance » ; à la fin du processus de réforme, nous avons autre chose que la bonne gouvernance. Au lieu que le Maroc continue de se soucier d’élaborer des projets de réforme sans résultats satisfaisants, il devrait accorder plus d’attention à  la question du style managérial qui reste ambigu, au dispositif de pilotage de la réforme qui n’est jamais respecté et aux principes de l’éthique de la bonne gouvernance : l’autonomie, la responsabilité, l’intégrité, l’équité, la transparence, et la redevabilité ; ce ne sont pas des slogans.

« Plus ça change, plus c’est la même chose ».

Ainsi, la réforme éducative est plongée dans un processus qui fait miroiter l’idéal de gouvernance (« gouvernement à plusieurs » dit la littérature) par rapport à la gouvernance de la réalité. Celle-ci, dans la pratique, semble dénaturer justement la notion de  « gouvernance ».  Vidée de son sens référentiel et institutionnel, la gouvernance semble réduite trivialement à « gouverner » au sens de « commander », de « diriger », de « donner des instructions » et de gérer les problèmes du quotidien, voire des urgences, et ce, en faisant croire aux acteurs concernés que l’on pratique l’écoute, le partage, la concertation, l’implication, la responsabilisation…  Preuve  illustre de « la continuité dans le changement ».

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