Edito 20: Les hommes et leur dette d’égalité

Je n’aime pas trop quand les hommes parlent d’égalité et marinent leur discours de termes biologiques, sociétaux, masquant à peine leur sentiment phallocratique de supériorité. Je n’aime pas non plus quand l’égalité est évoquée de manière condescendante comme une norme juridique extérieure à laquelle il faut se conformer, ou une nécessité économique, permettant d’équilibrer les comptes avant tout. Je préfère de loin quand les hommes prennent conscience que l’inégalité est une vieille injustice dont ils portent en premier la responsabilité et que la défense de l’égalité est un dû, une dette humaine, sans laquelle ils seraient rationnellement et émotionnellement débiteurs, des sous-hommes, bouffis de prétention et d’arrogance. 

L’origine de la dette est ancienne, et il va falloir remonter la pente de l’histoire de sa banalisation pour mieux s’en acquitter. Cela commence par l’exclusion du féminin de l’univers du sacré, attribuant à Dieu la masculinité et laissant de côté tout un héritage de représentations où la perfection était matérialisée par l’androgynie des divinités. Le masculin et le féminin réunis constituaient la complétude de l’être en symbiose avec la cosmogonie des astres. Par ce déni, les monothéismes ont autorisé une conception machiste du monde. Et l’islam, malgré ces velléités égalitaires de l’époque, ne déroge pas à la règle. Il a occulté les fondements féminins de sa civilisation. Qui se rappelle encore que la pierre noire (sacrée) de la kaâba était une représentation de la vulve de la femme, comme matrice originelle de la création ?

Plus tard, des siècles durant, les seigneurs du monde ont exclu les femmes de la production de valeur reconnue et quantifiée et, par là même, de la participation politique. Il a fallu que la machine économique se mette en branle, que les autonomies féminines se concrétisent, pour que l’égalité s’impose comme horizon. Dans des sociétés, comme la nôtre, où l’économie est encore rentière, entre les mains de privilégiés, et la démocratie, loin d’être établie, encore moins ancrée culturellement, le premier biais qui se perpétue est cette inégalité socio-économique entre hommes et femmes. Le pire est lorsque celle-ci est entérinée au nom d’une morale machiste dominante.

Pour scander l’égalité, la société des nations a longtemps défendu une approche légaliste, par les droits et les devoirs prescrits. Il est temps que, dans des sociétés de peu de droits comme la nôtre, cela soit conforté par une approche culturelle qui reconnaisse le poids de cette dette et s’attelle à y remédier dans l’école, les médias, les lieux de socialisation, les espaces de création et de débat, les lieux de production économique et de décision politique. Sans une telle inversion de l’ordre symbolique dominant, nous aurons du mal à payer les arriérés de siècles d’arriération. 

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