Code et conduite

H. veut s’acheter une voiture d’occasion, si possible avec un faible kilométrage, une bonne affaire ! M., lui, est vendeur dans un garage. Il a tout de suite repéré H., avec son costume-cravate de quadra qui a réussi : la bonne affaire ! La discussion roule toute seule. En bon commercial, M. développe son argumentaire de découverte pour cerner les besoins du client. « Tu veux la voiture qui nage ou celle qui ne nage pas ? »

Non ! Il ne s’agit pas d’un véhicule amphibie qui permettrait de gagner Algésiras sans la Comanav ou les pateras, un rêve de harraga ! La réalité est plus trouble : la voiture qui « nage» est celle qui peut repasser la frontière sans problèmes. En bref, elle a « vogué » jusqu’au Maroc sur les flux légaux de l’importation. Celle qui ne « nage » pas : une voiture volée, à la traçabilité douteuse, qui a navigué jusqu’au Royaume à la faveur de complicités occultes... et ne peut plus ressortir. Moins chère pour l’acheteur et très rémunératrice pour le vendeur : l’accord fournisseur-client idéal, la bonne affaire !

L’existence de mafias spécialisées dans le trafic de voitures volées n’est pas une exclusivité locale. En revanche, ce qui est particulièrement troublant, c’est la facilité avec laquelle notre vendeur intègre l’option « inapte à la natation » à son discours professionnel officiel. Peu de précautions oratoires : la « métaphore aquatique » masque mal une réalité glauque, une impunité certaine, des risques encourus statistiquement négligeables au regard de la capacité de l’acheteur à saisir l’opportunité...

Et c’est finalement ce qui dérange le plus : cette facilité avec laquelle un individu lambda cède aux sirènes de l’illégalité. Les coupables, ce sont les autres, ceux qui se situent en amont de l’histoire du véhicule volé. En bout de ligne, il ne se considère que comme l’éventuel bénéficiaire... d’une bonne affaire !

Le recours à l’illégalité se banalise. Pire, il est même parfois revendiqué. Quand certains lobbies du transport considèrent comme normal d’aller bloquer les centres d’approvisionnement en carburant, non pas en raison d’une augmentation des prix mais à cause d’une « intolérable » augmentation des contraventions (et donc du bakchich versé à la police !), que revendiquent-ils, si ce n’est le droit scandaleux de conduire n’importe comment, de placer ce pays dans le peloton de tête de la criminalité automobile mondiale, de faire fi des milliers de victimes de leur incivisme ? Ils ignorent que la façon la plus économique d’échapper aux sanctions... c’est tout simplement de ne pas commettre d’infractions. Que ne militent- ils pour une juste réorganisation de leur profession ! Les arguments ne manqueraient pas. Le respect du droit collectif y trouverait son compte. Trop de gens semblent occulter qu’il n’est de droits que justifiés et qui n’existent que parce que liés à leurs inévitables corollaires, les devoirs. L’oublier, c’est choisir la loi de la jungle ou, pour en finir avec les métaphores aquatiques, nager en eaux troubles, ce dont chacun sait que c’est le propre des requins !

 

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