Quid de la convertibilité du dirham

Quid de la convertibilité du dirham

En 2007, le Maroc, fort de tous les progrès accomplis au cours des dernières années, tant en terme de stabilité du cadre macroéconomique qu’en matière d’approfondissement et de supervision du secteur financier, a adopté de nouvelles mesures d’ouverture du compte de capital, entrées en vigueur le 1er août dernier. Ces mesures, qui ont permis une levée significative des restrictions qui s’appliquaient aux résidents en matière de mouvements de capitaux, constituent une nouvelle étape importante dans le processus vers une convertibilité totale du dirham.

En 2008, l’économie mondiale a subi de plein fouet la crise financière internationale. Cette crise, qui a commencé par l’effondrement du marché hypothécaire à risque «subprimes» aux Etats-Unis, s’est propagée à la plupart des pays industrialisés dès l’été 2007 et a remis en cause les fondements mêmes du système financier international. Remettra-t-elle également en question le processus de libéralisation financière entamé par le Maroc, dès le début des années 90 ? En d’autres termes, le processus de passage à une convertibilité totale du dirham risque-t-il d’être ralenti, voire compromis par la détérioration de la conjoncture financière internationale ?

 

Le passage à une convertibilité totale du dirham, un processus graduel

Au Maroc, le processus de libéralisation des changes s’est accéléré à partir du début de la décennie 90, et a ainsi permis, durant la période 1990-2006, l’adoption de la convertibilité du dirham au titre des transactions courantes, la mise en place d’un marché des changes, l’ouverture quasi-totale du compte de capital pour les non-résidents, la suppression des restrictions aux emprunts commerciaux des entreprises, et la libéralisation de l’acquisition d’actifs à l’Etranger par les banques commerciales résidentes. Les mesures adoptées en matière d’ouverture du compte de capital avant 2007 ont surtout concerné les non-résidents qui ont bénéficié d’une convertibilité pratiquement totale dès 1992. Ces mesures s’inscrivaient en fait dans le cadre de la politique d’attractivité des investissements étrangers mise en œuvre par le Maroc, dès le début des années 90.

En août 2007, de nouvelles mesures d’ouverture du compte de capital sont entrées en vigueur (voir encadré 2) en faveur des résidents, opérateurs économiques (exportateurs, importateurs, investisseurs et institutionnels), alors que les résidents particuliers, restent encore soumis à des restrictions importantes. La suppression de tous les contrôles encore en place sur les mouvements de capitaux se traduirait par l’ouverture totale du compte de capital et permettrait le passage à une convertibilité totale du dirham (voir encadré 1).

Le démantèlement des restrictions encore en vigueur devrait s’effectuer par étapes et ce, conformément à l’approche graduelle et prudente adoptée jusqu’à présent par le Maroc en matière de libéralisation des changes, les autorités ayant toujours voulu éviter qu’un éventuel retour en arrière ne nuise à la crédibilité de leur politique économique.

 

Le passage à une convertibilité totale du dirham, un processus graduel

Au Maroc, le processus de libéralisation des changes s’est accéléré à partir du début de la décennie 90, et a ainsi permis, durant la période 1990-2006, l’adoption de la convertibilité du dirham au titre des transactions courantes, la mise en place d’un marché des changes, l’ouverture quasi-totale du compte de capital pour les non-résidents, la suppression des restrictions aux emprunts commerciaux des entreprises, et la libéralisation de l’acquisition d’actifs à l’Etranger par les banques commerciales résidentes. Les mesures adoptées en matière d’ouverture du compte de capital avant 2007 ont surtout concerné les non-résidents qui ont bénéficié d’une convertibilité pratiquement totale dès 1992. Ces mesures s’inscrivaient en fait dans le cadre de la politique d’attractivité des investissements étrangers mise en œuvre par le Maroc, dès le début des années 90.

En août 2007, de nouvelles mesures d’ouverture du compte de capital sont entrées en vigueur (voir encadré 2) en faveur des résidents, opérateurs économiques (exportateurs, importateurs, investisseurs et institutionnels), alors que les résidents particuliers, restent encore soumis à des restrictions importantes. La suppression de tous les contrôles encore en place sur les mouvements de capitaux se traduirait par l’ouverture totale du compte de capital et permettrait le passage à une convertibilité totale du dirham (voir encadré 1).

Le démantèlement des restrictions encore en vigueur devrait s’effectuer par étapes et ce, conformément à l’approche graduelle et prudente adoptée jusqu’à présent par le Maroc en matière de libéralisation des changes, les autorités ayant toujours voulu éviter qu’un éventuel retour en arrière ne nuise à la crédibilité de leur politique économique.

Le passage à la convertibilité totale du dirham  est donc un processus graduel conditionné par les progrès en termes de préalables. Il faut savoir en effet que le succès du passage à une convertibilité totale est tributaire de la mise en place d’un certain nombre de conditions préalables identifiées par la littérature économique, et qui consistent en un cadre macroéconomique stable et cohérent, un secteur financier solide et un système de réglementation prudentielle adéquat. L’expérience internationale, et en particulier la crise du Sud-est asiatique, a démontré qu’en cas d’ouverture totale du compte de capital, ces pré-requis doivent être tous réunis si l’on veut éviter les risques d’instabilité financière.

Avant de passer à une convertibilité totale du dirham, la question essentielle est donc de voir si ces conditions préalables sont réunies dans le cas du Maroc. A cette question, vient s’ajouter aujourd’hui une problématique cruciale : dans quelle mesure la mise en place de ces préalables serait-t-elle affectée par la propagation de la crise financière internationale ?

 

Quelles répercussions de la crise financière sur la libéralisation totale du compte de capital ?

La crise financière qui a fortement secoué la plupart des systèmes financiers au cours des dernières semaines n’a pratiquement eu aucun impact sur le secteur financier marocain pour trois raisons majeures:

 La première raison, et la plus importante, est que notre secteur financier reste protégé par la réglementation des changes en vigueur. Les dernières mesures d’ouverture du compte de capital ont assoupli les conditions de placement en devises des banques à l’étranger, mais toujours dans le respect des règles prudentielles. Les banques sont en effet tenues de respecter en permanence un rapport maximum de 20% entre leur position de change globale et leurs fonds propres nets, et peuvent effectuer des opérations de placement en devises à l’étranger pour leur propre compte, mais également pour le compte des compagnies d’assurance, des organismes de retraite et des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). La nature des placements à effectuer à l’étranger, ainsi que les modalités et conditions y afférentes sont fixées par les organes de supervision : Bank Al-Maghrib, le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) et la Direction des assurances et de la prévoyance sociale. La qualité du portefeuille des banques en valeurs étrangères est donc scrupuleusement suivie et contrôlée, ce qui explique que les institutionnels ne sont pas autorisés à acquérir les titres émis à l’étranger par les fonds communs de placement en titrisation, ceux-ci n’étant pas considérés comme suffisamment sûrs. Par conséquent, les institutions financières marocaines ne détiennent pas, à l’heure actuelle, de produits dérivés des créances hypothécaires «subprimes».

 La deuxième raison est que la crise financière internationale n’a pas eu d’effet sur l’endettement extérieur de notre pays. La dette extérieure publique, qui s’est élevée à 129,5 MMDH à fin juin 2008, est dans sa quasi-totalité une dette à moyen et long terme avec des taux d’intérêt fixes. Cette dette est constituée en grande partie par des emprunts vis-à-vis des institutions financières internationales (50,7%) et des créanciers bilatéraux (37,1%), alors que la part des banques internationales est de 12,2% seulement à fin juin 2008 contre 18,4% en 2003, ce qui explique la faible dépendance du Maroc à l’égard des marchés financiers internationaux, comparativement à d’autres pays émergents. Par ailleurs, un retrait massif des investisseurs étrangers de la Bourse de Casablanca n’est pas à craindre dans la mesure où la part du flottant détenue par les non-résidents est de 1,8% seulement en 2007, la participation étrangère étant essentiellement à caractère stratégique (93% des 149 MM.DH d’investissements étrangers).

La troisième raison est que les fondamentaux sont solides et les banques marocaines saines et bien capitalisées. La situation financière des établissements bancaires s’est considérablement améliorée ces dernières années, grâce au renforcement de la supervision bancaire et à l’assainissement du secteur financier public. Le portefeuille des créances en souffrance de l’ensemble du secteur bancaire a été ramené de 19% en 2004 à moins de 7% aujourd’hui.

Le cadre macroéconomique est stable et cohérent. Les positions budgétaire et extérieure se sont considérablement renforcées et l’inflation reste maîtrisée. L’accélération de la croissance non agricole à près de 6% du PIB en moyenne a permis d’atténuer la dépendance de l’économie vis-à-vis des aléas climatiques.

Les progrès considérables accomplis par le royaume en matière de préalables de l’ouverture du compte de capital tant au niveau du cadre macroéconomique que du secteur financier n’ont donc, jusqu’à présent, pas été affectés par la tourmente financière internationale. Toutefois, des vulnérabilités importantes persistent et pourraient être amplifiées à moyen terme par la détérioration de l’environnement international.

Le problème majeur est celui de la fragilité de la position extérieure en cas de sorties massives de capitaux, dans un contexte d’ouverture totale du compte de capital. La position extérieure s’est renforcée mais reste fragile essentiellement pour deux raisons :

- Les postes de la balance des paiements qui ont permis la consolidation de la position extérieure ces dernières années - transferts MRE, recettes de tourisme, investissements étrangers- sont volatiles, car fortement dépendants de la conjoncture internationale et de facteurs externes, tels que la croissance économique dans le pays d’origine. La contraction de l’activité économique dans la zone euro, avec une croissance projetée de 1,6% en 2008 et une quasi-stagnation en 2009, devrait ainsi ralentir la demande étrangère adressée au secteur touristique marocain et se traduire par une baisse des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), compte tenu de la montée du chômage des travailleurs immigrés dans les pays européens. A fin août, les recettes touristiques et les transferts des MRE ont marqué, pour la première fois depuis 2002, une quasi-stagnation ne permettant de couvrir que 75% du déficit commercial. Par ailleurs, les investissements étrangers au Maroc accusent déjà un recul en 2008, principalement en raison de la contraction des crédits dans les pays industrialisés. A fin août, les chiffres publiés par l’Office des changes font ressortir une baisse de 14,5% ou 3,7 MMDH des investissements et prêts privés étrangers qui se sont établis à 22 MMDH contre 25,8 MMDH à fin août 2007.

- Le déficit commercial ne cesse de se creuser et a généré un compte courant négatif pour la première fois en 2007 (léger déficit de 0,1% du PIB), marquant ainsi une rupture avec les performances des six dernières années. A fin août 2008, le déficit commercial s’est aggravé de 24,1% soit 20,3 MMDH, suite à une forte accélération du rythme des importations, et devrait générer un déficit du compte courant autour de 1,2% du PIB en 2008. Si le Maroc s’installe dans une situation de compte courant négatif, le resserrement de la liquidité bancaire observé depuis le début de l’année 2007 pourrait devenir structurel, et à ce moment-là, même les sorties de capitaux prévues dans le cadre de l’ouverture partielle du compte de capital deviendraient difficiles à gérer.

Par ailleurs, la bonne santé affichée par le secteur financier marocain ne doit pas nous faire occulter le fait que ce secteur n’a encore jamais été véritablement exposé aux risques externes et n’est donc pas vraiment préparé à gérer ces risques. Les institutions bancaires doivent donc se doter dès maintenant d’instruments financiers appropriés pour être à même de gérer les risques associés à la libéralisation financière internationale, et accroître ainsi la résilience du système financier face aux chocs extérieurs. Dans ce contexte, les autorités monétaires envisagent le passage à un régime de change plus flexible, car le régime de change fixe actuel offre une garantie implicite, qui pourrait amener les opérateurs à sous-estimer le risque de change dans une situation de compte de capital ouvert.

Le secteur bancaire pourrait également être confronté au risque de liquidité, surtout en cas de libéralisation prématurée du compte de capital. La structure des portefeuilles des crédits bancaires révèle en effet un processus d’allongement graduel des maturités, alors que l’essentiel des ressources qui financent ces crédits sont des engagements à court terme. La grande dépendance des banques commerciales vis-à-vis de dépôts à vue non rémunérés, qui représentent 36% de leurs engagements à court terme, les rend extrêmement vulnérables à un retrait massif de ces dépôts qui pourrait se produire en cas de libéralisation des sorties de capitaux pour les résidents, et créer un grave problème de liquidité.

 

Le processus vers une convertibilité totale du dirham sera-t-il ralenti, voire compromis ?

Les autorités marocaines sont pleinement conscientes du fait qu’une ouverture totale du compte de capital nous aurait rendus beaucoup plus vulnérables aux turbulences financières internationales. Les évènements récents appellent donc à encore plus de prudence et de vigilance dans la poursuite du démantèlement des restrictions encore en vigueur sur le compte de capital. Le processus vers une convertibilité totale du dirham pourrait ainsi être momentanément ralenti, compte tenu du contexte international défavorable : dans la mesure où la position extérieure risque d’être fragilisée à moyen terme par le ralentissement de la demande externe adressée au Maroc, les décideurs auraient pour souci majeur d’éviter que des sorties importantes de capitaux consécutives à une ouverture prématurée du compte de capital n’affectent davantage les comptes extérieurs du royaume et la liquidité de son système bancaire.

Toutefois, il est certain que le processus vers une convertibilité totale ne sera en aucun cas compromis, car les décideurs, dont l’objectif final est d’atteindre à terme la libéralisation complète du compte de capital, sont aujourd’hui pleinement conscients des enjeux. La volonté politique de faire du Maroc une véritable plateforme d’investissement, la crainte d’être dépassé dans la course à la convertibilité totale par des pays émergents de niveau similaire, et l’impérieuse nécessité d’intégration financière tant au niveau mondial que régional, sont autant de facteurs qui font du passage à une convertibilité totale du dirham une opportunité incontournable …

 

Qu'est ce qu'une monnaie convertible ?

On dit que la monnaie d’un pays est pleinement convertible lorsque les résidents et les non-résidents sont autorisés à la convertir, au taux de change en vigueur, en montants de monnaie étrangère qui peuvent être ensuite utilisés librement pour les besoins des transactions internationales.

Une monnaie peut être partiellement convertible, et il existe plusieurs formes de convertibilité partielle ou limitée, notamment la convertibilité au titre des transactions courantes, la convertibilité aux fins des mouvements de capitaux, la convertibilité interne et la convertibilité externe.

La convertibilité au titre des transactions courantes s’entend du droit de convertir des encaisses monétaires en devises pour effectuer des paiements afférents à des transactions en biens et services.

La convertibilité aux fins des mouvements de capitaux s’entend du droit qu’ont les détenteurs d’une monnaie de convertir leurs encaisses en devises pour régler des transactions en capital.

La convertibilité externe s’entend généralement du droit conféré aux détenteurs étrangers d’une monnaie (non-résidents) de convertir leurs encaisses en devises.

La convertibilité interne s’entend en général du droit conféré aux détenteurs intérieurs (résidents) d’une monnaie de convertir leurs encaisses en devises.

On peut dire qu’un pays qui a instauré ces quatre formes de convertibilité a une monnaie pleinement convertible, car cela signifie que les résidents et les non-résidents du pays peuvent convertir librement la monnaie nationale, au taux de change en vigueur, en montants de monnaie étrangère, aussi bien pour des besoins de transactions de biens et services que de transactions en capital.

Au Maroc, le passage éventuel à la convertibilité totale du dirham nécessiterait une ouverture totale du compte de capital, puisque la convertibilité au titre des transactions courantes a déjà été instaurée depuis 1993 avec l’adhésion à l’article VIII des statuts du Fonds. Les opérations en capital ont pratiquement toutes été libéralisées pour les non-résidents et le dirham bénéficie actuellement d’une convertibilité externe, mais la convertibilité aux fins des mouvements de capitaux ne pourra être réalisée que lorsque la convertibilité interne sera instaurée, c’est-à-dire lorsque toutes les restrictions encore existantes, notamment les restrictions sur les sorties pour les résidents seront abolies. Le démantèlement de ces restrictions encore en vigueur permettrait ainsi à la monnaie nationale d’être pleinement convertible.

 

Les nouvelles mesures d’ouverture du compte capital

Ces mesures portent sur :

  • Le relèvement de la part des recettes d’exportation pouvant être conservées dans les comptes en devises ou en dirhams convertibles de 20% à 50%, cette part pouvant être dorénavant affectée au règlement de l’ensemble des dépenses des exportateurs (importation, transport, investissement) et non plus seulement aux dépenses de prospection) ;
  • La libéralisation des crédits acheteurs en faveur des clients des exportateurs marocains, le crédit accordé pouvant atteindre 85% de la valeur du bien ou des services fournis, et le délai de remboursement pouvant s’étaler jusqu’à huit ans dans le cas de biens d’équipement;
  • L’assouplissement des conditions de règlement par anticipation des importations, les opérateurs ayant désormais la possibilité de régler par anticipation jusqu’à 40% de la valeur des biens et 20% de la valeur des importations de services
  • L’élargissement des instruments de couverture contre les risques de change, dans le sens notamment de l’augmentation de la duration pour la couverture du risque de change portée désormais à 5 ans. La mesure élargit également le champ des transactions avec l’étranger pouvant bénéficier d’une couverture pour inclure les services et les transferts;
  • L’assouplissement des conditions de placement des banques à l’étranger en portant notamment la duration de leurs placements à 5 ans, et en assouplissant les conditions de placement pour permettre une plus large palette de placements, dans le respect des règles prudentielles;
  • La suppression de l’autorisation préalable pour le placement par les compagnies d’assurance de 5% de leur actif à l’étranger. Cette mesure concerne les compagnies saines sur le plan financier, couvrant leurs engagements et respectant les règles prudentielles;
  • La libéralisation des placements à l’étranger pour les organismes de retraite à hauteur de 5% de leurs réserves ;
  • La libéralisation des placements à l’étranger pour les OPCVM à hauteur de 10% de leur portefeuille. Les OPCVM peuvent investir dans des titres de créance et dans des actions cotées sur un marché réglementé, ainsi que dans des OPCVM et des instruments financiers selon les conditions fixées par voie réglementaire;
  • La libéralisation des investissements directs à l’étranger à hauteur de 30 MDH par an pour les entreprises disposant de comptes certifiés et ayant trois années d’existence au moins.