Les coopératives, a peine de quoi suivre

Les coopératives, a peine de quoi suivre

Une affaire de motivation et de soutien

En interrogeant les coopératrices et coopérateurs, un premier constat s’impose : quelles que soient leur taille ou leur région d’origine, la création des coopératives est souvent impulsée par des partenaires institutionnels ou des ONG nationales ou internationales. «Ce sont souvent des bailleurs, des chercheurs ou les gens originaires de la région qui sont à l’origine de la création des coopératives», confirme Ali Amahane, anthropologue et acteur associatif du développement local.

Partant, comment ne pas s’interroger sur l’appropriation par les coopérateurs des valeurs coopératives, sur le fonctionnement interne de ces entités économiques, sur leur viabilité, sur les changements qu’elles ont pu (ou pas) induire sur la vie de leurs adhérents, sur leur mode de production et de commercialisation ? Aidées à la création, ces coopératives arrivent-elles à devenir autonomes ?

Dans le douar Ait Hamza (Province de Boulemane), la coopérative féminine de tissage traditionnel «Atma» a vu le jour en 2003 sous l’impulsion du ministère de l’Artisanat. «L’idée nous a été soufflée par le ministère et par une ONG qui travaille avec eux», raconte Fatima Felfouli, trésorière de la coopérative. L’ONUDI (Agence des Nations Unies pour le Développement Industriel) leur a ensuite fourni du matériel et des formations en gestion de projets, marketing…, alors que la quasi-totalité des membres de la coopérative -74 femmes- est analphabète. Le local de la coopérative a été construit par la Province.

Le constat est à peu près le même concernant l’impulsion de départ pour les petites coopératives urbaines, dans l’artisanat notamment. Dans le cas de la coopérative Tamount, l’idée de se regrouper naît en 2003 à l’occasion du lancement du programme national de soutien au travail du bois de thuya1. Il leur faudra un an et l’appui technique du programme pour créer leur coopérative «d’art sur bois de thuya» à Essaouira. «Avant on vendait à des intermédiaires qui prenaient plus de 50% du prix d’achat. L’artisan ne gagnait presque rien !», s’indigne aujourd’hui Omar Jamour,  président et membre fondateur et lui-même producteur d’objets en bois de thuya. «C’est de là qu’est venu le souhait de créer une coopérative : pour vendre directement au consommateur. Cela permet de dégager plus de bénéfices pour nous, à des prix moins chers pour le client», explique-t-il encore.

Dans la très grande majorité des cas, et en particulier en milieu rural, on observe une méconnaissance de l’institution coopérative. Ce phénomène est notamment dû au faible niveau de scolarisation. De fait, la création de coopératives se fait souvent sans étude préalable (ni étude économique, ni étude de faisabilité). A ceci s’ajoute la nature des démarches à entreprendre pour créer une coopérative. Comme l’explique Abdeslam Dahman, secrétaire général de l’association Targa, active dans le soutien aux coopératives : «Les procédures administratives sont lourdes et complexes. Elles demandent du temps et des compétences ; or les coopérants sont majoritairement peu lettrés. De plus, ajoute-t-il, trop d’administrations s’occupent des coopératives : l’ODCO, les ministères de tutelle, les autorités locales. Les attributions sont mal définies et les coopératives ignorent les missions de chacun». 

Une affaire de motivation et de soutien

En interrogeant les coopératrices et coopérateurs, un premier constat s’impose : quelles que soient leur taille ou leur région d’origine, la création des coopératives est souvent impulsée par des partenaires institutionnels ou des ONG nationales ou internationales. «Ce sont souvent des bailleurs, des chercheurs ou les gens originaires de la région qui sont à l’origine de la création des coopératives», confirme Ali Amahane, anthropologue et acteur associatif du développement local.

Partant, comment ne pas s’interroger sur l’appropriation par les coopérateurs des valeurs coopératives, sur le fonctionnement interne de ces entités économiques, sur leur viabilité, sur les changements qu’elles ont pu (ou pas) induire sur la vie de leurs adhérents, sur leur mode de production et de commercialisation ? Aidées à la création, ces coopératives arrivent-elles à devenir autonomes ?

Dans le douar Ait Hamza (Province de Boulemane), la coopérative féminine de tissage traditionnel «Atma» a vu le jour en 2003 sous l’impulsion du ministère de l’Artisanat. «L’idée nous a été soufflée par le ministère et par une ONG qui travaille avec eux», raconte Fatima Felfouli, trésorière de la coopérative. L’ONUDI (Agence des Nations Unies pour le Développement Industriel) leur a ensuite fourni du matériel et des formations en gestion de projets, marketing…, alors que la quasi-totalité des membres de la coopérative -74 femmes- est analphabète. Le local de la coopérative a été construit par la Province.

Le constat est à peu près le même concernant l’impulsion de départ pour les petites coopératives urbaines, dans l’artisanat notamment. Dans le cas de la coopérative Tamount, l’idée de se regrouper naît en 2003 à l’occasion du lancement du programme national de soutien au travail du bois de thuya1. Il leur faudra un an et l’appui technique du programme pour créer leur coopérative «d’art sur bois de thuya» à Essaouira. «Avant on vendait à des intermédiaires qui prenaient plus de 50% du prix d’achat. L’artisan ne gagnait presque rien !», s’indigne aujourd’hui Omar Jamour,  président et membre fondateur et lui-même producteur d’objets en bois de thuya. «C’est de là qu’est venu le souhait de créer une coopérative : pour vendre directement au consommateur. Cela permet de dégager plus de bénéfices pour nous, à des prix moins chers pour le client», explique-t-il encore.

Dans la très grande majorité des cas, et en particulier en milieu rural, on observe une méconnaissance de l’institution coopérative. Ce phénomène est notamment dû au faible niveau de scolarisation. De fait, la création de coopératives se fait souvent sans étude préalable (ni étude économique, ni étude de faisabilité). A ceci s’ajoute la nature des démarches à entreprendre pour créer une coopérative. Comme l’explique Abdeslam Dahman, secrétaire général de l’association Targa, active dans le soutien aux coopératives : «Les procédures administratives sont lourdes et complexes. Elles demandent du temps et des compétences ; or les coopérants sont majoritairement peu lettrés. De plus, ajoute-t-il, trop d’administrations s’occupent des coopératives : l’ODCO, les ministères de tutelle, les autorités locales. Les attributions sont mal définies et les coopératives ignorent les missions de chacun».

Une organisation interne très rudimentaire

Comme pour la création des coopératives, leur organisation dépend et s’appuie aussi pour beaucoup sur les partenaires institutionnels. Là encore c’est par la formation, l’encadrement et le suivi exercés par ces partenaires ou bailleurs que la coopérative fonctionne.

Fatima El Haddad explique ainsi que la coopérative de Couscous El Misdaqiya fait partie -tout comme la coopérative E’chifaa d’Azrou- du projet PADEF (programme d’appui à l’entreprenariat féminin) mis en place par l’AMAPPE en 2001 pour gérer et soutenir des petites coopératives féminines. A ce titre, la coopérative bénéficie depuis 2004 de financements et d’accompagnement mais aussi d’un appui au niveau de la production ainsi que de formations, notamment sur les aspects commerciaux et de gestion. Il faut dire que si les coopératives respectent les statuts et les démarches mises en place, l’organisation reste élémentaire. «On travaille chaque jour, chacune selon ses disponibilités. On se réunit dès qu’il y a un point à discuter et on organise, une fois par an, une assemblée générale pour élire un nouveau bureau». Même fonctionnement à la coopérative de plantes médicinales et aromatiques E’chifaa. Et il en va de même pour la comptabilité. «Chaque membre paie une contribution annuelle. Pour les ventes, on garde une partie du bénéfice pour la coopérative, on partage le reste entre les femmes en fonction du temps travaillé», explique Salmi Fatima.

Autour de ces partenaires associatifs gravite tout un ensemble de structures qui soutiennent les coopératives  comme l’ODCO (établissement public) qui a pour mission, entre autres,  de les former, les accompagner et leur apporter une assistance juridique. Le REMESS (Réseau Marocain d’Economie Sociale et Solidaire), créé en 2006 par un certain nombre d’associations dont l’AMAPPE, a pour but de créer un espace de rencontres entre institutions et organisations de l’économie sociale et solidaire (coopératives, associations, mutuelles, fondations, unions d’associations) qui interviennent dans le développement local.

Du point de vue de l’organisation, les coopératives ignorent pour beaucoup les règles du fonctionnement en coopérative. Pour celles situées en milieu rural ou gérées par des femmes, le constat est souvent le suivant : le niveau de scolarisation est très faible, partant, la comptabilité est tenue approximativement ; les règles en matière de gestion sont méconnues, voire ignorées ; il n’y a pas d’organigramme ; les tâches ne sont pas définies et sont mal réparties.

Ahmed Ait Haddouth2, secrétaire général du REMESS et ancien président de l’AMAPPE, souligne l’importance d’un fonctionnement démocratique et participatif. Car s’il est vrai que les coopérateurs se prêtent formellement au jeu du fonctionnement induit par le cadre de la coopérative et qu’on peut relever le fonctionnement des organes de direction des institutions coopératives (tenue des assemblées générales, élections …) dans la plupart des cas, un noyau dur centralise les décisions et l’informel ou le consensus restent la manière de fonctionner.

Une production artisanale pour des débouchés rares

Du point de vue économique, la coopérative permet, grâce à la mutualisation, d’acquérir les moyens de production avec des coûts moins élevés, de répartir le travail et les revenus tirés de l’activité entre les membres. Néanmoins, et là encore, c’est surtout l’appui des bailleurs qui permet d’acquérir les moyens de production  (achat du matériel de production, formations).

Reste qu’une fois la production réalisée, il faut lui trouver un débouché sur le marché. Ceci semble dépasser les compétences qu’ont ces petites coopératives. Aussi, l’essentiel de la commercialisation est elle prise en charge par les partenaires institutionnels ou les ONG.

A. Dahman explique ainsi que l’association Targa «se chargeait par exemple, avec l’ODCO, de l’accompagnement des coopératives concernant la production. Les coopératives recevaient du matériel acheté par l’Agence du Nord et notre association se chargeait de trouver des débouchés pour la commercialisation», ajoute-t-il.

De son côté, l’AMAPPE, dans le cadre du projet PADEF, organise des foires, séminaires, expositions de vente (4/an) ... Elle permet également aux coopératives de participer au SIAM (Salon International de l’Agriculture de Meknès, durant lequel des stands leurs sont réservés) et à l’ECOSS (salon de l’Economie Sociale et Solidaire). Une «caisse de fonds solidaires» a également été mise en place avec l’ADS. Elle est mise à la disposition de chaque coopérative mais est gérée par l’AMAPPE qui achète aussi du matériel pour les coopératives. L’ONG les aide enfin à chercher des fonds auprès des organismes de financement.

«Avant notre partenariat avec l’AMAPPE, on vendait les produits aux souks de Chefchaouen», explique Fatima El Haddad, de la Coopérative El Misdaqiya. «Aujourd’hui, un Saoudien nous achète une partie de la production pour son restaurant en passant par l’intermédiaire de l’AMAPPE». Cette commande assure une visibilité à moyen terme à la coopérative puisque, comme en témoigne Youssef Bouallala, responsable commercial du PADEF, «ce client s’est engagé à acheter les produits de cette coopérative pendant 5 ans». L’autre partie de la production est vendue au village et dans les salons, l’AMAPPE et le ministère de l’agriculture leur prenant le reste. Les gains sont ensuite répartis entre les femmes. «Chacune gagne la même chose, même si certaines travaillent moins», poursuit Fatima El Haddad, avant d’ajouter fièrement : «On peut gagner jusque 40 000 dhs par an». Cette somme demeure cependant insuffisante une fois divisée par les 12 mois de l’année et les 24 membres de la coopérative.

Quelques pistes  de commercialisation

Certaines, pourtant, ont réussi à mettre en place des circuits de vente autonomes. La coopérative Ajaabou Confitures à Ain Leuh, créée en 2000 et également soutenue par le PADEF, a ouvert un local pour pouvoir vendre aux groupes de touristes qui passent. «Comme on est passé à la télé, des Marocains nous connaissent et viennent aussi s’approvisionner chez nous», explique Baladi Rabha, trésorière de l’association. Elle ajoute :

«On s’est aussi mis d’accord avec les commerçants de Ain Leuh qui vendent nos produits en échange d’une petite marge». Mais dans la majorité des cas, l’accès au marché reste globalement difficile pour les coopératives.

«Le gros problème reste celui de la commercialisation. L’une des actions du REMESS est d’aider à faire connaître le produit, à le commercialiser, mais quand on arrive à trouver des débouchés, les coopératives n’arrivent pas toujours à suivre en termes de production (stock)», explique Ahmed Aït Haddouth. Pour ce professionnel du secteur «les coopératives doivent se regrouper, y compris sous forme de groupement d’intérêt économique (GIE), pour augmenter leurs capacités de production, apprendre à respecter les délais… Si les petites coopératives ne peuvent pas gérer tout ça, les réseaux de coopératives sont en mesure de le faire».

Pour les coopératives urbaines, il est plus facile de mettre en place des circuits de vente directe. La Coopérative Tamount d’art sur bois de thuya a ainsi ouvert un local dans la médina d‘Essaouira et y vend ses produits. «Nous l’avons réalisée sur nos fonds propres. L’ONUDI et l’ONG Sodev (Solidarité Développement) Maroc nous ont apporté une assistance technique», explique Omar Jamour.  «Grâce au tourisme, national et international,  le local de vente -situé au RDC d’un petit ryad- marche très bien», se réjouit notre homme.  «En 2007, on a ensuite formé un GIE avec 8 autres coopératives  d’artisanat», poursuit Omar Jamour, également président de cette nouvelle structure. Le GIE a été créé en partenariat avec l’Entraide Nationale, qui a mis à disposition un local de vente à Mohammedia et qui est membre du REMESS. L’objectif du GIE est de créer des espaces de vente pour les coopératives «et d’échapper aux intermédiaires». Car Omar Jamour est farouchement opposé au partenariat actuel «gouvernement/grandes surfaces». Pour lui,  la convention «est totalement en faveur des grandes surfaces au détriment des coopératives et petits producteurs : c’est du business à couverture sociale» (cf. article De la redistribution à la grande distribution, p.54-57). Au GIE en revanche les bénéfices des ventes sont partagés entre les coopératives, une petite partie est versée au GIE pour les frais de gestion. «L’espace de vente de Mohammedia commence à marcher même si ce n’est pas une ville touristique avec une clientèle importante», explique-t-il, avant d’ajouter : «Mais cet espace a été lancé comme expérience pilote qui, si elle fonctionne, sera étendue à d’autres villes». Le partenariat avec l’Entraide Nationale prévoit en effet l’ouverture d’autres locaux dans plusieurs villes plus porteuses comme Essaouira, Fès ou encore Tanger.

Une organisation interne très rudimentaire

Comme pour la création des coopératives, leur organisation dépend et s’appuie aussi pour beaucoup sur les partenaires institutionnels. Là encore c’est par la formation, l’encadrement et le suivi exercés par ces partenaires ou bailleurs que la coopérative fonctionne.

Fatima El Haddad explique ainsi que la coopérative de Couscous El Misdaqiya fait partie -tout comme la coopérative E’chifaa d’Azrou- du projet PADEF (programme d’appui à l’entreprenariat féminin) mis en place par l’AMAPPE en 2001 pour gérer et soutenir des petites coopératives féminines. A ce titre, la coopérative bénéficie depuis 2004 de financements et d’accompagnement mais aussi d’un appui au niveau de la production ainsi que de formations, notamment sur les aspects commerciaux et de gestion. Il faut dire que si les coopératives respectent les statuts et les démarches mises en place, l’organisation reste élémentaire. «On travaille chaque jour, chacune selon ses disponibilités. On se réunit dès qu’il y a un point à discuter et on organise, une fois par an, une assemblée générale pour élire un nouveau bureau». Même fonctionnement à la coopérative de plantes médicinales et aromatiques E’chifaa. Et il en va de même pour la comptabilité. «Chaque membre paie une contribution annuelle. Pour les ventes, on garde une partie du bénéfice pour la coopérative, on partage le reste entre les femmes en fonction du temps travaillé», explique Salmi Fatima.

Autour de ces partenaires associatifs gravite tout un ensemble de structures qui soutiennent les coopératives  comme l’ODCO (établissement public) qui a pour mission, entre autres,  de les former, les accompagner et leur apporter une assistance juridique. Le REMESS (Réseau Marocain d’Economie Sociale et Solidaire), créé en 2006 par un certain nombre d’associations dont l’AMAPPE, a pour but de créer un espace de rencontres entre institutions et organisations de l’économie sociale et solidaire (coopératives, associations, mutuelles, fondations, unions d’associations) qui interviennent dans le développement local.

Du point de vue de l’organisation, les coopératives ignorent pour beaucoup les règles du fonctionnement en coopérative. Pour celles situées en milieu rural ou gérées par des femmes, le constat est souvent le suivant : le niveau de scolarisation est très faible, partant, la comptabilité est tenue approximativement ; les règles en matière de gestion sont méconnues, voire ignorées ; il n’y a pas d’organigramme ; les tâches ne sont pas définies et sont mal réparties.

Ahmed Ait Haddouth2, secrétaire général du REMESS et ancien président de l’AMAPPE, souligne l’importance d’un fonctionnement démocratique et participatif. Car s’il est vrai que les coopérateurs se prêtent formellement au jeu du fonctionnement induit par le cadre de la coopérative et qu’on peut relever le fonctionnement des organes de direction des institutions coopératives (tenue des assemblées générales, élections …) dans la plupart des cas, un noyau dur centralise les décisions et l’informel ou le consensus restent la manière de fonctionner.