Sarkozy et le fiasco méditerranéen

Nicolas Sarkozy a bâti sa politique méditerranéenne avec l’énergie et l’improvisation qui ont caractérisé l’ensemble de sa diplomatie. Et, là comme ailleurs, ce volontarisme brouillon se solde par un fiasco.

La pierre angulaire de son action en la matière a été son refus de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. En 2007, il avait cru pouvoir sortir de la difficulté en se livrant à la danse du ventre du Partenariat stratégique avec Ankara. Membre de l’OTAN, du Conseil de l’Europe et de nombreuses autres institutions du continent, ayant signé en 1995 une Union douanière avec l’Union européenne, la Turquie est déjà une partenaire stratégique de cette dernière. La France n’avait rien de plus à lui offrir que ce qu’elle avait déjà. Nicolas Sarkozy est reparti à l’attaque en lançant à grands sons de trompe un autre ersatz de l’adhésion, l’Union pour la Méditerranée (UPM). Ce projet a tourné en eau de boudin, miné qu’il était par les rivalités et les contradictions régionales dont le Processus de Barcelone pâtissait depuis 1995.

Nonobstant ces ratages programmés, le président de la République s’est entêté dans son hostilité à l’encontre de la Turquie. Et, à neuf mois de la fin de son mandat, sa politique méditerranéenne est un champ de ruines. Son atlantisme naïf et son flirt poussé avec Israël n’ont en rien facilité un règlement politique de la question palestinienne et ont dilapidé le capital de sympathie engrangé par Jacques Chirac dans le monde arabe. Sur ses instructions, Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, s’est employé, en 2007, à réhabiliter Assad et Kadhafi, que la France sanctionne ou bombarde en 2011. Les grands amis de toujours, Moubarak et Ben Ali, ont été emportés par la colère de leur peuple. Au Maroc, la caution condescendante que l’Elysée a donnée aux réformes constitutionnelles est apparue superflue, sinon déplacée, et la priorité qu’il a accordée à la construction d’un coûteux TGV est très contestée. En Algérie, business as usual avec un régime toujours aussi cynique et prédateur, mais aucune réconciliation historique en profondeur. En Libye, Nicolas Sarkozy a précipité la France dans une nouvelle guerre improvisée, dont les perspectives politiques sont opaques, et les conséquences à long terme explosives. Le grand tremblement du «Printemps arabe» n’est appréhendé que par le petit bout de la lorgnette, celui du danger migratoire qu’il est supposé engendrer. Et Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), groupuscule divisé de combattants dépourvus de base sociale, a été érigé en ennemi majeur, auquel on accorde ainsi une crédibilité et une légitimité anti-impérialiste dont il a bien besoin, tout en lui permettant de s’approvisionner à bon compte en armes grâce à la guerre civile de Libye, voire d’accéder au pouvoir à Tripoli. Dans le même temps, Recep Tayyip Erdogan vient de remporter sa troisième victoire électorale consécutive - une victoire démocratiquement incontestable. De bon ou de mauvais gré, la France devra faire avec. Mais il est déjà clair que Nicolas Sarkozy s’est trompé d’amis au Club Med…

 

Dernier livre paru : L’Islam républicain. Ankara, Téhéran, Dakar (Albin Michel, 2010)

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