Edito 22: Réinterroger le réel, c’est relancer l’utopie

Les appels à la relecture du réel nous viennent de toutes parts. Des déçus du postmodernisme, qui y voient une manière détournée de justifier le statu quo ; des déçus de l’économisme qui y perçoivent une aliénation de l’humain et un déni du lien social ; des néophilosophes qui abandonnent l’interprétation des héritages pour mieux comprendre l’ici et le maintenant ; des économistes hétérodoxes revenus des grands institutions, qui ont bien vu que la bulle financière et les modèles dominants masquent les injustices économiques, le cynisme des acteurs, les disparités de richesses et ne permettent d’agir sur aucun de ces abus politiquement ; d’autres économistes ouverts sur les sciences sociales et sur la complexité humaine qui réalisent à quel point les questions de liberté et bonheur comptent autant, sinon plus, que celles de la croissance et du PIB ; puis, des sociologues et autres anthropologues qui nous rappellent des pans de réalités urbaines, non marchandes et déterminantes, que ne saisissent ni les statistiques ni les politiques qui s’en inspirent.

Ce n’est pas tant une affaire de crise cyclique, inhérente au capitalisme et à la démocratie libérale, qu’une prise de conscience tardive, vingt ans après la chute du Mur de Berlin et de l’annonce précoce du triomphe d’un modèle unique, que les dès ne sont pas jetés, que le fait de scruter au plus près le réel, la complexité des systèmes de pouvoir, les mécanismes de production, de répartition et de régulation équitable redevient une nécessité pour éviter ce qui se profile déjà comme frustrations, violence et exclusions nourries par un système de prise de décision déconnecté et ploutocratique.

L’une des conséquences premières à cette reconnexion au réel, et la réévaluation des rapports de force qui s’ensuit, est qu’elle relance l’idée de l’utopie et la possible réinvention du monde. Élargir le cercle des parties prenantes au débat sur l’économie, prendre acte de l’émergence spontanée de réseaux d’acteurs alternatifs ou encore réaliser, suite aux secousses de la crise de 2008 et les soulèvements de 2011, que l’économie de privilèges et de rentes ne peut plus perdurer impunément, montre qu’un autre horizon est envisageable. D’où notre souci, à Economia, de faire écouter ces voix qui émergent et dessiner les contours de ces voies qui se profilent.

 

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