Edito 17: Le moins pire des systèmes après l’utopie

La responsabilité sociale des entreprises serait-elle un ersatz de providence qui permet au modèle néolibéral de perdurer avec moins de mauvaise conscience ? Serait-elle l’alibi qui aide le capitalisme à triompher avec l’assentiment des tiers ? Serait-elle un moyen civilisé de faire prospérer les entreprises en réduisant sensiblement l’écart avec leur environnement immédiat ? Serait-elle donc une carte à jouer pour gagner la paix sociale ou une conviction à avoir pour se mettre au service de la collectivité, tout en étant concerné principalement par la rentabilité ?

Quel que soit le bout par lequel vous interrogez la RSE, vous réalisez qu’elle renvoie à la centralité de l’entreprise dans une ère économique post-État providence et une ère sociale de tensions sur les questions d’équité dans l’accès au foncier, au travail, à l’information, au savoir, aux marchés au développement territorial et au bien être collectif. Vous réalisez également que la RSE est une des émanations du système mondialisé de notation et de standardisation. Là, un paradoxe saute aux yeux : alors qu’elle est censée pallier, quoique faiblement, les défaillances de l’État, pourvoyeur de conditions d’équité, et renforcer l’ancrage territorial des entreprises, la RSE est souvent perçue comme un passeport à l’internationalisation.

Le travail de terrain mené par l’équipe du Cesem dans les territoires et sites OCP, pour y voir de plus près si et comment la prise de conscience post- 2011 a été traduite en actes, en organisation, en culture et en politique interne, il est clair que, tout en ayant le référentiel et les standards internationaux en arrière-plan, le souci est réellement local, humain, organisationnel. Le chemin est encore long, mais une chose est sûre, le processus d’ancrage territorial et de traduction de la philosophie RSE en dynamique humaine et sociale est enclenché.

Est-ce le cas ailleurs ? Est-elle entreprise au même rythme ? Il est important à ce niveau de réaliser que, même quand les actions sont spectaculaires, elles demeurent marginales, reflétant une stratégie du moindre mal. Elle l’est, face à la faiblesse des États, surendettés, engloutis dans des pratiques sociales coûteuses et inefficientes. Elle l’est aussi, face à des sociétés affaiblies par le consumérisme et l’absence d’ascenseurs sociaux probants. Ainsi, à l’instar de la démocratie, la RSE apparaît de plus en plus dans le schéma de l’économie libérale, comme le moins pire des systèmes.

Il faut, en effet, mettre de côté tous les idéaux, d’assistance par le haut, de subvention inconditionnelle, de saupoudrage occasionnel et autres tactiques de maintien de la précarité par l’assistance, pour regarder de plus près le fonctionnement effectif et les retombées micro-sociales de la RSE. Bienvenue à l’univers de la socialisation de l’économie, après la fin des utopies.

 

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